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08/12/2020 | FRANCE | N°436532

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 08 décembre 2020, 436532


Vu les procédures suivantes :

La société Eiffage Energie Systèmes a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'une part, d'annuler la procédure de passation du lot n° 12 " plomberie, chauffage, ventilation et climatisation-zone sud " de l'accord-cadre multi-attributaires portant sur des travaux d'aménagement, de réparation, d'entretien et de rénovation de bâtiments et ouvrages divers de la métropole Aix-Marseille-Provence, et, d'autre part, d'enjoindre à la métropole de

reprendre la procédure de passation au stade de l'analyse des offres a...

Vu les procédures suivantes :

La société Eiffage Energie Systèmes a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'une part, d'annuler la procédure de passation du lot n° 12 " plomberie, chauffage, ventilation et climatisation-zone sud " de l'accord-cadre multi-attributaires portant sur des travaux d'aménagement, de réparation, d'entretien et de rénovation de bâtiments et ouvrages divers de la métropole Aix-Marseille-Provence, et, d'autre part, d'enjoindre à la métropole de reprendre la procédure de passation au stade de l'analyse des offres après avoir écarté les offres des sociétés CMT Services et Compagnie Méridionale d'applications thermiques.

Par une ordonnance n° 1908928 du 19 novembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a fait droit à ces demandes.

1° Sous le n° 436532, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 et 20 décembre 2019 et 28 février et 6 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la métropole Aix-Marseille-Provence demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Eiffage Energie Systèmes ;

3°) de mettre à la charge de la société Eiffage Energie Systèmes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 436582, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 et 24 décembre 2019 et le 2 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société CMT Services demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Eiffage Energie Systèmes ;

3°) de mettre à la charge de la société Eiffage Energie Systèmes la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 436583, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 et 24 décembre 2019 et le 2 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Compagnie méridionale d'applications thermiques demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Eiffage Energie Systèmes ;

3°) de mettre à la charge de la société Eiffage Energie Systèmes la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la métropole Aix-Marseille-Provence, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Eiffage Energie Systèmes et à Me Briard, avocat de la Compagnie méridionale d'applications thermiques ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 26 novembre 2018, la métropole Aix-Marseille-Provence a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un accord cadre multi-attributaires ayant pour objet des travaux d'aménagement, de réparation, d'entretien, de rénovation des bâtiments et ouvrages divers lui appartenant. La société Eiffage Energie Systèmes a remis une offre pour le lot n° 11 " plomberie, chauffage, ventilation et climatisation-zone ouest ", pour lequel elle a été classée en première position et a obtenu un marché, et pour le lot n° 12 " plomberie, chauffage, ventilation et climatisation-zone sud ". Par courrier du 11 octobre 2019, elle a été informée du rejet de l'offre qu'elle avait présentée pour ce second lot, classée en quatrième position, et de l'attribution du marché en cause aux trois attributaires suivants, dans l'ordre de classement : la société Bensimon Joachim Meyer (Maintenance Climatique), la société CMT Services et la société Compagnie méridionale d'applications thermiques. La métropole Aix-Marseille-Provence et les sociétés CMT Services et Compagnie méridionale d'applications thermiques se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 19 novembre 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, d'une part, annulé la procédure de passation du lot n° 12 et, d'autre part, enjoint à la métropole Aix-Marseille-Provence, si elle entendait conclure le marché afférent à ce lot, de reprendre la procédure au stade de l'examen des offres en écartant les offres de la société CMT Services et de la société Compagnie méridionale d'applications thermiques.

2. Les pourvois de la métropole Aix-Marseille-Provence et des sociétés CMT Services et Compagnie méridionale d'applications thermiques sont dirigés contre la même ordonnance. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

3. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la minute de l'ordonnance attaquée n'aurait pas été signée par le magistrat qui l'a rendue manque en fait.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, alors applicable et dont la teneur a été reprise aux articles L 1220-1 à 1220-3 du code de la commande publique : " Est un opérateur économique toute personne physique ou morale, publique ou privée, ou tout groupement de personnes doté ou non de la personnalité morale, qui offre sur le marché la réalisation de travaux ou d'ouvrages, la fourniture de produits ou la prestation de services. / Un candidat est un opérateur économique qui demande à participer ou est invité à participer à une procédure de passation d'un marché public. / Un soumissionnaire est un opérateur économique qui présente une offre dans le cadre d'une procédure de passation d'un marché public ". Le troisième alinéa de l'article 4 de cette ordonnance dispose que : " Les accords-cadres sont les contrats conclus par un ou plusieurs acheteurs soumis à la présente ordonnance avec un ou plusieurs opérateurs économiques ayant pour objet d'établir les règles relatives aux bons de commande à émettre ou les termes régissant les marchés subséquents à passer au cours d'une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées ". Aux termes du I de l'article 57 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics alors en vigueur dont la teneur a été reprise à l'article R 2151-6 du code de la commande publique: " Le soumissionnaire transmet son offre en une seule fois. Si plusieurs offres sont successivement transmises par un même soumissionnaire, seule est ouverte la dernière offre reçue par l'acheteur dans le délai fixé pour la remise des offres ". Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'un même soumissionnaire ne peut présenter qu'une seule offre pour chaque lot.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel que le point 1 du règlement de la consultation de l'accord-cadre multi-attributaires en litige prévoit que " Chacun des lots est conclu avec 3 opérateurs économiques (sous réserve d'un nombre d'offres conformes suffisant) ". Aux termes du point 2.6 du même règlement : " Les candidats ne pourront remettre une offre que sur deux activités techniques de leur choix au maximum. Le nombre de lots géographiques pour lesquels les soumissionnaires peuvent présenter une offre n'est pas limité. / En cas de présentation d'un nombre d'offres supérieur à celui autorisé, toutes les offres du soumissionnaire seront déclarées irrégulières ". Le juge des référés du tribunal administratif de Marseille n'a pas dénaturé les stipulations du règlement de la consultation ni commis d'erreur de droit en considérant qu'elles ne permettaient pas à un opérateur économique de présenter plusieurs offres pour un même lot, conformément d'ailleurs aux dispositions citées au point 4 de l'article 57 du décret du 25 mars 2016.

6. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance du 23 juillet 2015, rappelées au point 4, que si deux personnes morales différentes constituent en principe des opérateurs économiques distincts, elles doivent néanmoins être regardées comme un seul et même soumissionnaire lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d'autonomie commerciale, résultant notamment des liens étroits entre leurs actionnaires ou leurs dirigeants, qui peut se manifester par l'absence totale ou partielle de moyens distincts ou la similarité de leurs offres pour un même lot. Par suite, dès lors qu'il a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, d'une part, que les offres litigieuses des sociétés CMT Services et Compagnie méridionale d'applications thermiques pour le lot n° 12 émanaient de deux sociétés filiales d'un même groupe et, d'autre part, qu'elles étaient identiques et ne pouvaient être considérées comme des offres distinctes présentées par des opérateurs économiques manifestant leur autonomie commerciale, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, qui a suffisamment motivé son ordonnance, n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant que la métropole devait être regardée comme ayant retenu, pour le même lot, deux offres présentées par un même soumissionnaire. Il n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier ni commis d'erreur de droit en jugeant que la métropole avait ainsi méconnu les stipulations du règlement de la consultation, qui lui imposaient d'écarter l'ensemble des offres de la société CMT Services et de la société Compagnie Méridionale d'applications thermiques pour ce lot comme irrégulières, et qu'elle avait ainsi manqué à ses obligations de mise en concurrence.

7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que les moyen tirés, d'une part, de ce que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille n'aurait pas vérifié si les deux sociétés devaient être considérées comme un seul opérateur économique, d'autre part, de ce qu'il aurait apprécié leur situation au regard du régime juridique des groupements de sociétés, et enfin, de ce qu'il se serait fondé sur un manquement aux règles de la concurrence non invocables devant lui, manquent en fait.

8. En dernier lieu, en jugeant que le choix comme attributaires du lot n° 12 des sociétés CMT services et Compagnie méridionale d'applications techniques, dont les offres auraient dû être écartées ainsi qu'il vient d'être dit, était de nature à avoir lésé la société Eiffage Energie Systèmes, dans la mesure où l'offre de cette dernière, était classée en quatrième position pour le lot en litige, pour lequel devaient être retenus trois attributaires, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ni commis d'erreur de droit.

9. Il résulte de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Eiffage Energie Systèmes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence et des sociétés CMT Services et Compagnie méridionale d'applications thermiques la somme de 2 000 euros chacune à verser à la société Eiffage Energie Systèmes au titre des dispositions de cet article.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les pourvois de la métropole Aix-Marseille-Provence et des sociétés CMT Services et Compagnie méridionale d'applications thermiques sont rejetés.

Article 2 : La métropole Aix-Marseille-Provence et les sociétés CMT Services et Compagnie méridionale d'applications thermiques verseront chacune à la société Eiffage Energie Systèmes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la métropole Aix-Marseille-Provence et aux sociétés CMT Services, Compagnie méridionale d'applications thermiques et Eiffage Energie Systèmes.

Copie en sera adressée à la société Maintenance Climatique.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS. FORMALITÉS DE PUBLICITÉ ET DE MISE EN CONCURRENCE. - 1) INTERDICTION POUR UN MÊME SOUMISSIONNAIRE DE PRÉSENTER PLUSIEURS OFFRES POUR UN MÊME LOT (ART. R. 2151-6 DU CCP) - APPLICATION AUX ACCORDS-CADRES - 2) SOUMISSIONNAIRES DISTINCTS - OPÉRATEURS DÉPOURVUS D'AUTONOMIE COMMERCIALE - ABSENCE [RJ1].

39-02-005 1) Il résulte, pris ensemble, de l'article 13 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, alors applicable et dont la teneur a été reprise aux articles L. 1220-1 à L. 1220-3 du code de la commande publique (CCP), du troisième alinéa de l'article 4 de cette ordonnance, et du I de l'article 57 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, dont la teneur a été reprise à l'article R. 2151-6 du CCP que, lors de la passation d'accords cadres portant chacun sur un lot de travaux, un même soumissionnaire ne peut présenter qu'une seule offre pour chaque lot.,,,2) Il résulte de l'article 13 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 que si deux personnes morales différentes constituent en principe des opérateurs économiques distincts, elles doivent néanmoins être regardées comme un seul et même soumissionnaire lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d'autonomie commerciale, résultant notamment des liens étroits entre leurs actionnaires ou leurs dirigeants, qui peut se manifester par l'absence totale ou partielle de moyens distincts ou la similarité de leurs offres pour un même lot.


Références :

[RJ1]

Rappr., s'agissant d'un règlement de consultation interdisant aux opérateurs de soumissionner à plus de cinq lots, CE, 11 juillet 2018, Communauté d'agglomération du Nord Grande-Terre, n°s 418021 418022, T. pp. 767.


Publications
Proposition de citation: CE, 08 déc. 2020, n° 436532
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Date de la décision : 08/12/2020
Date de l'import : 18/12/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 436532
Numéro NOR : CETATEXT000042659658 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-12-08;436532 ?
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