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03/12/2020 | FRANCE | N°433161

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 03 décembre 2020, 433161


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 3 août 2017 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui a retiré le statut de réfugié qui lui avait été reconnu le 2 juin 2005.

Par une décision n° 17043262 du 4 juin 2019, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 juillet et 28 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d

'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l'OFPRA la som...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 3 août 2017 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui a retiré le statut de réfugié qui lui avait été reconnu le 2 juin 2005.

Par une décision n° 17043262 du 4 juin 2019, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 juillet et 28 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Roulaud, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. B... A... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des refugies et apatrides ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que M. A..., ressortissant sri-lankais d'origine tamoule, s'était vu reconnaître la qualité de réfugié par la Cour nationale du droit d'asile le 2 juin 2005. Après avoir été informé de la condamnation pénale dont l'intéressé avait fait l'objet le 23 novembre 2009 à raison de sa participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), par une décision du 3 août 2017, a mis fin à son statut sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif qu'il existait des raisons sérieuses de penser qu'il s'était rendu coupable d'agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies conduisant à l'exclure, en application du c) du F de l'article 1er de la convention de Genève relative au statut des réfugiés, du bénéfice du statut de réfugié. M. A... se pourvoit en cassation contre la décision du 4 juin 2019 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté le recours qu'il a formé contre cette décision.

2. Aux termes du 2° du A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui : " craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ". Aux termes du F de l'article 1er de la même convention : " Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : (...) c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au présent litige, l'OFPRA peut " mettre fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié lorsque : (.../...) 3° Le réfugié doit, compte tenu de circonstances intervenues après la reconnaissance de cette qualité, en être exclu en application des sections D, E ou F de l'article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951 (...) ".

3. En premier lieu, en jugeant que l'OFPRA pouvait, sans condition de délai, mettre fin au statut de réfugié de M. A... sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la cour, qui n'avait pas à répondre aux simples arguments du requérant, a suffisamment motivé sa décision.

4. En deuxième lieu, si les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est issu de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, reconnaissent à l'OFPRA le pouvoir de mettre fin au statut de réfugié lorsque la personne qui a bénéficié de ce statut doit en être exclue en application des sections D, E ou F de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, ces dispositions se bornent à tirer les conséquences de ce que l'intéressé ne remplit plus les conditions pour bénéficier de la protection conventionnelle. Il s'ensuit que les décisions prises sur le fondement de cet article ne constituent pas une sanction ayant le caractère de punition. Dès lors, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en écartant comme inopérant le moyen tiré de l'application du principe " non bis in idem ", du principe de légalité des peines et délits ainsi que du principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère.

5. En troisième lieu, les actes terroristes ayant une ampleur internationale en termes de gravité, d'impact international et d'implications pour la paix et la sécurité internationales peuvent être assimilés à des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies au sens du c) du F de l'article 1er de la convention de Genève. Il en va de même des actions de soutien à une organisation qui commet, prépare ou incite à la commission de tels actes, notamment en participant de manière significative à son financement. L'OFPRA peut mettre fin au statut de réfugié d'une personne dont il existe des raisons sérieuses de penser qu'une part de responsabilité dans de tels agissements peut lui être imputée personnellement.

6. Il ressort des énonciations non contestées de la décision attaquée que M. A..., de nationalité sri lankaise, qui bénéficiait du statut de réfugié depuis 2005, a, par un jugement définitif du tribunal correctionnel de Paris du 23 novembre 2009, été reconnu coupable et condamné à une peine de trois années d'emprisonnement pour association de malfaiteurs et extorsion en relation avec une entreprise terroriste et financement d'une entreprise terroriste, en raison de sa participation aux activités du comité de coordination Tamoul France (CCTF), liée au mouvement sri-lankais des Tigres Libérateurs de l'Eelam Tamoul (LTTE), organisation faisant partie des groupes terroristes figurant sur la liste annexée à la position commune 2001/931 PESC du 27 décembre 2001 du Conseil de l'Union européenne relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme en vertu de la position commune du Conseil du 29 mai 2006.

7. D'une part, pour juger que l'activité de financement du LTTE par le CCTF relevait d'agissements contraires aux buts et principes des Nations unies, la Cour s'est fondée sur le caractère terroriste de la première organisation, sur les moyens dont elle disposait et qui lui permettaient d'agir sur la scène internationale, sur les effets des actions violentes menées par celle-ci jusqu'en 2009 au Sri-Lanka et dans d'autres Etats ainsi que sur la dimension internationale de l'action de soutien du CCTF aux activités opérationnelles du LTTE. Ce faisant, elle n'a pas commis d'erreur de droit et a suffisamment motivé sa décision.

8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la condamnation de M. A... à trois ans d'emprisonnement pour association de malfaiteurs et extorsion en relation avec une entreprise terroriste et financement d'une entreprise terroriste par le tribunal correctionnel de Paris est fondée sur son appartenance au CCTF au sein duquel il était chargé de la gestion de l'informatique et du courrier. Il assurait aussi la collecte de fonds dans le 10ème arrondissement de Paris ainsi que l'ensemble du transfert des données au Sri-Lanka. Le jugement du tribunal correctionnel de Paris souligne le fait qu'" il exerce une fonction charnière dans l'organisation de l'association qui est importante ". Par suite, en jugeant qu'eu égard à ces constatations et à la condamnation prononcée, au caractère volontaire de son engagement au sein du CCTF, de sa connaissance des agissements répréhensibles du LTTE dont il ne s'est jamais désolidarisé, ainsi qu'à l'importance du rôle qu'il a joué dans le fonctionnement du CCTF, il existait des raisons sérieuses de penser qu'une part de responsabilité pouvait lui être personnellement imputée dans les agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies mentionnés au point 7, la Cour n'a pas entaché sa décision d'inexacte qualification juridique des faits.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 433161
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 déc. 2020, n° 433161
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Roulaud
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:433161.20201203
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