La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/12/2020 | FRANCE | N°429112

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 02 décembre 2020, 429112


Vu la procédure suivante :

Par une requête et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 25 mars, 23 mai, 26 septembre et 6 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 janvier 2019 du Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, le suspendant, sur le fondement des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, pour une durée d'un an, du droit d'exercer tout acte chirurgical, tout acte obstétrical et tout a

cte d'échographie et subordonnant la reprise de l'ensemble de ses activi...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 25 mars, 23 mai, 26 septembre et 6 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 janvier 2019 du Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, le suspendant, sur le fondement des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, pour une durée d'un an, du droit d'exercer tout acte chirurgical, tout acte obstétrical et tout acte d'échographie et subordonnant la reprise de l'ensemble de ses activités à la justification du respect d'obligations de formation ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de santé publique ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... D..., auditrice,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de M. B... et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique : " I. - En cas d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire, totale ou partielle, du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. (...) / II. - La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional dans les conditions suivantes : / 1° Pour les médecins, le rapport est établi par trois médecins qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien concerné désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts (...) / IV. - Les experts procèdent ensemble, sauf impossibilité manifeste, à l'examen des connaissances théoriques et pratiques du praticien (...) Le rapport d'expertise (...) indique les insuffisances relevées au cours de l'expertise, leur dangerosité et préconise les moyens de les pallier par une formation théorique et, si nécessaire, pratique. / (...) VI. - Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre. / VII. - La décision de suspension temporaire du droit d'exercer pour insuffisance professionnelle définit les obligations de formation du praticien. La notification de la décision mentionne que la reprise de l'exercice professionnel par le praticien ne pourra avoir lieu sans qu'il ait au préalable justifié (...) avoir rempli les obligations de formation fixées par la décision (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier que le conseil départemental de l'Aude de l'ordre des médecins a saisi le conseil régional du Languedoc-Roussillon de l'ordre des médecins, sur le fondement des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, d'une demande de suspension du droit d'exercice de sa profession de M. B..., médecin spécialiste qualifié en gynécologie-obstétrique. Par la décision attaquée du 17 janvier 2019, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins, auquel l'affaire avait été renvoyée en application des dispositions du VI de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique cité au point 1, a décidé, d'une part, de suspendre M. B... pour un an du droit d'exercer toute activité chirurgicale, toute activité obstétricale et tout acte d'échographie, son exercice devant se limiter à des consultations de gynécologie médicale et, d'autre part, que pendant la période de suspension, M. B... devrait suivre un stage pratique en service qualifiant en centre hospitalier universitaire pour le diplôme d'études spécialisées de gynécologie obstétrique, un diplôme interuniversitaire d'échographie gynécologique et obstétricale et trois modules de développement professionnel continue portant sur les recommandations de pratique clinique.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les experts désignés en application des dispositions citées au point 1 ont procédé à l'examen des connaissances pratiques et théoriques de M. B... en l'interrogeant notamment sur les indications de la coelioscopie dans le bilan de fertilité, sur les moments-clés et actes caractérisant la bientraitance lors de la prise en charge d'un accouchement et sur la conduite à tenir en présence de différents cas cliniques ou actes courants de la pratique professionnelle d'un gynécologue-obstétricien. M. B... n'est donc, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que circonstance que les experts l'aient également interrogé sur sa manière de traiter le cas de cinq de ses patientes est de nature à entacher la décision attaquée de vice de procédure au regard des dispositions du IV de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique citées au point 1.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'expertise, qui fait apparaître de graves insuffisances professionnelles dans la prise en charge de certaines situations et une absence de prise en compte de la bientraitance médicale et qui conclut à ce que l'intéressé se limite, durant le temps nécessaire à ce qu'il suive des formations sur ces points, à pratiquer les actes relevant de la gynécologie médicale, et seulement si les exigences des " programmes de qualité " étaient satisfaites, les échographies morphologiques foetales et la colposcopie, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a fait une exacte application des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique et n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que M. B... présentait des insuffisances professionnelles rendant dangereuse la pratique de toute activité chirurgicale, de toute activité obstétricale et de tout acte d'échographie, son exercice devant se limiter à des consultations de gynécologie médicale et qu'une mesure de suspension temporaire du droit de pratiquer ces actes devait, par suite, être prise à son égard. Par ailleurs, eu égard à l'importance pour un médecin, et tout particulièrement pour un gynécologue-obstétricien, d'être en mesure de délivrer des informations claires et aisément compréhensibles par les patients et par tous les professionnels de santé avec lesquels il est en relation, ainsi que le rappellent d'ailleurs les dispositions de l'article L. 4112-2 du code de la santé publique qui subordonnent l'inscription au tableau à une connaissance suffisante de la langue française, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins ne pouvait légalement tenir compte de ce qu'aux insuffisances professionnelles d'ordre médical s'ajoutait, en l'espèce, une insuffisance professionnelle à pratiquer les actes de sa spécialité tenant à son imparfaite maîtrise de la langue française.

5. En dernier lieu, il ressort également des pièces du dossier qu'en fixant à un an la durée de la suspension litigieuse en fonction de l'obligation de formation assignée à M. B..., au regard des délais d'inscription et de déroulement des formations retenues par la décision attaquée, la décision attaquée n'a pas davantage fait une inexacte application des dispositions citées au point 1.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des médecins au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des médecins au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... B... et au Conseil national de l'ordre des médecins.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 429112
Date de la décision : 02/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 déc. 2020, n° 429112
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Yaël Treille
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : LE PRADO ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:429112.20201202
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award