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23/11/2020 | FRANCE | N°441057

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 23 novembre 2020, 441057


Vu la procédure suivante :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1601212, 1604168 du 17 mai 2017, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17PA02434 du 5 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Paris a réduit les bases d'imposition de M. et Mme A... au titre des années 2011 et 2012 à

concurrence, respectivement, des sommes de 154 828 et 340 000 euros, prononc...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1601212, 1604168 du 17 mai 2017, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17PA02434 du 5 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Paris a réduit les bases d'imposition de M. et Mme A... au titre des années 2011 et 2012 à concurrence, respectivement, des sommes de 154 828 et 340 000 euros, prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes, réformé le jugement en conséquence et rejeté le surplus de l'appel formé par M. et Mme A....

Par une décision n° 428147 du 10 juillet 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il faisait partiellement droit à l'appel des contribuables et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Paris.

Par un arrêt n° 19PA02408 du 10 avril 2020, la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté la requête d'appel de M. et Mme A....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juin et 28 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, notamment son article 16 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. et Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte de ces dispositions que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. En vertu de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 et applicable aux demandes adressées à compter du 1er janvier 2013, l'administration fiscale peut adresser au contribuable une demande de justifications " lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir qu'il peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 € ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".

3. Il résulte d'une jurisprudence constante du Conseil d'Etat, statuant au contentieux que ces dispositions autorisent l'administration à taxer d'office à l'impôt sur le revenu une disponibilité en tant que revenu d'origine indéterminée lorsque, en dépit, d'une part, des renseignements dont elle disposait à son sujet avant même toute demande de justifications, d'autre part, des éléments apportés par le contribuable à la suite d'une telle demande ou, le cas échéant, d'une mise en demeure de compléter sa réponse, demeurent incertains tant le caractère non imposable de cette disponibilité que la catégorie de revenus à laquelle elle serait susceptible de se rattacher. Toutefois, lorsque le contribuable établit que la disponibilité provient d'un membre de sa famille, il est réputé établir également qu'elle a pour cause un prêt ou une libéralité échappant à l'impôt sur le revenu, sauf à ce qu'il soit avec l'auteur du versement, à un titre quelconque, en relation d'affaires.

4. M. et Mme A... soutiennent que, telles qu'interprétées par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, les dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, en tant que n'est pas précisée la définition des " relations d'affaires " de nature à faire obstacle à ce que l'origine familiale de sommes portées au crédit des comptes bancaires du contribuable suffise à les faire regarder comme non taxables à l'impôt sur le revenu, méconnaîtraient l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et porteraient ainsi atteinte au respect des droits de la défense, garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

5. Toutefois, la circonstance que le contribuable soit en relation d'affaires avec le membre de sa famille dont proviennent les sommes portées au crédit de ses comptes bancaires et regardées par l'administration comme des revenus d'origine indéterminée a pour seule conséquence qu'il se trouve soumis aux règles de droit commun de dévolution de la charge de la preuve, telles que prévues par les dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales. Lorsque, en application de ces règles, il supporte la charge de la preuve, le contribuable conserve la possibilité d'établir, par tous moyens, que les sommes en cause ne sont pas taxables, notamment parce qu'elles auraient la nature d'un prêt. L'imprécision alléguée de la notion de relation d'affaires n'est ainsi, en tout état de cause, pas de nature, contrairement à ce qui est soutenu, à porter atteinte aux droits de la défense.

6. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur les autres moyens du pourvoi :

7. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

8. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, M. et Mme B... A... soutiennent que la cour administrative d'appel de Paris :

- l'a insuffisamment motivé et entaché d'erreur de droit et d'erreur de qualification juridique des faits en jugeant établie l'existence d'une relation d'affaires entre eux et le membre de leur famille qui leur a versé les fonds en litige en se fondant sur ce que cette personne avait antérieurement financé une société détenue par eux et dont elle avait par la suite acquis une action et sur l'importance des montants en cause, sans tenir compte de leurs arguments relatifs à l'absence de contrepartie de l'aide ainsi apportée ;

- a commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant établie l'existence d'un manquement délibéré, au sens de l'article 1729 du code général des impôts.

9. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme B... A....

Article 2 : Le pourvoi de M. et Mme A... n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B... A....

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 441057
Date de la décision : 23/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 nov. 2020, n° 441057
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:441057.20201123
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