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23/11/2020 | FRANCE | N°427778

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 23 novembre 2020, 427778


Vu la procédure suivante :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008. Par un jugement n° 1305224 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°15MA02142 du 25 février 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par Mme D... contre ce jugement.

Par une décision n° 399150 du 19 mars 2018, rectifiée par une ordonnance du 9 avri

l 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour admi...

Vu la procédure suivante :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008. Par un jugement n° 1305224 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°15MA02142 du 25 février 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par Mme D... contre ce jugement.

Par une décision n° 399150 du 19 mars 2018, rectifiée par une ordonnance du 9 avril 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé l'affaire devant cette cour.

Par un nouvel arrêt n°18MA01463 du 6 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par Mme D... contre le jugement du 24 mars 2015.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 février, 9 et 17 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. B... C..., chargé des fonctions de maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Buk-Lament, Robillot, avocat de Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'occasion d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de Mme D..., l'administration fiscale a remis en cause l'application des dispositions de l'article 163-0 A du code général des impôts à la plus-value de cessions de titres réalisée par elle le 19 septembre 2008. Mme D... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 décembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 24 mars 2015 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 à la suite de cette rectification.

2. Aux termes de l'article 163-0 A du code général des impôts : " Lorsqu'au cours d'une année un contribuable a réalisé un revenu qui par sa nature n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement et que le montant de ce revenu exceptionnel dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels ce contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années, l'intéressé peut demander que l'impôt correspondant soit calculé en ajoutant le quart du revenu exceptionnel net à son revenu net global imposable et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 12 janvier 2006, Mme D... a reçu de son père, par voie de donation à titre gratuit, 3 740 actions de la société par actions simplifiée Cérès. Les 15 juin 2006 et 19 septembre 2008, cette société a racheté à Mme D... respectivement 1 520 et 1 555 de ses actions. Si aucune plus-value n'a été réalisée en 2006, la valeur unitaire de rachat des parts ayant été fixée à celle de 535 euros retenue à l'occasion de la donation, l'opération intervenue en 2008 est, en revanche, à l'origine d'une plus-value de 567 575 euros, les parts ayant été rachetées au prix unitaire de 900 euros. Estimant que le gain ainsi réalisé constituait un revenu exceptionnel, Mme D... a opté pour son imposition selon le système du quotient prévu par l'article 163-0 A du code général des impôts.

4. Pour juger que le gain litigieux né du rachat, en 2008, de ses propres actions par la société Cérès ne présentait pas un caractère exceptionnel au sens de l'article 163-0 A du code général des impôts, la cour a relevé, d'une part, qu'à la suite des rachats d'actions réalisés en 2006 et 2008, Mme D... disposait encore de 665 actions et, d'autre part, qu'il n'était fait état d'aucun élément particulier de nature à s'opposer à une nouvelle opération de rachat, par la société Cérès, du reliquat de parts restant entre les mains de Mme D..., de sorte que l'opération réalisée en 2008 par la contribuable, parce qu'elle pouvait être amenée à se reproduire, devait être regardée comme susceptible d'être recueillie annuellement. En statuant ainsi, alors qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'opération de rachat des titres aurait eu vocation à se renouveler régulièrement les années suivantes quand bien même la contribuable avait conservé après 2008 une partie de ses actions, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui était soumis. Par suite, Mme D... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi.

5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la plus-value en litige constitue un revenu qui, par sa nature, n'était pas susceptible d'être recueilli annuellement. Dès lors qu'il n'est pas contesté que l'autre condition pour bénéficier du système du quotient prévu par l'article 163-0 A du code général des impôts, tenant au montant, est satisfaite, Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, pour l'ensemble de la procédure, la somme de 6 000 euros à verser à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 6 décembre 2018 de la cour administrative de Marseille et le jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 mars 2015 sont annulés.

Article 2 : Mme D... est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008.

Article 3 : L'Etat à versera à Mme D... la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 427778
Date de la décision : 23/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 nov. 2020, n° 427778
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Prévoteau
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:427778.20201123
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