La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2020 | FRANCE | N°427001

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 18 novembre 2020, 427001


Vu la procédure suivante :

Par une demande, enregistrée le 9 janvier 2019 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... D... demande au Conseil d'Etat :

- de prescrire les mesures qu'implique l'exécution de la décision n° 160310 du 12 septembre 2018 par laquelle la Commission centrale d'aide sociale a annulé la décision du 17 octobre 2013 par laquelle le président du conseil départemental du Morbihan a récupéré sur la succession de Mme J... A... les sommes avancées par l'aide sociale pour ses frais de séjour en maison de repos au titre de

l'aide médicale en établissement et la décision du 3 octobre 2014 par laqu...

Vu la procédure suivante :

Par une demande, enregistrée le 9 janvier 2019 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... D... demande au Conseil d'Etat :

- de prescrire les mesures qu'implique l'exécution de la décision n° 160310 du 12 septembre 2018 par laquelle la Commission centrale d'aide sociale a annulé la décision du 17 octobre 2013 par laquelle le président du conseil départemental du Morbihan a récupéré sur la succession de Mme J... A... les sommes avancées par l'aide sociale pour ses frais de séjour en maison de repos au titre de l'aide médicale en établissement et la décision du 3 octobre 2014 par laquelle la commission départementale d'aide sociale du Morbihan a rejeté son recours contre la décision du 17 octobre 2013 ;

- de condamner le département du Morbihan à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Elle soutient que :

- le département du Morbihan n'a pas entièrement exécuté la décision de la Commission centrale d'aide sociale, faute de versement des intérêts de la somme de 1 697,50 euros depuis le titre exécutoire du 4 novembre 2013 et de remboursement des sommes de 35 euros de contribution pour l'aide juridique et de 240 euros de frais de déclaration de succession ;

- elle a subi un préjudice moral.

En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, Mme D... a été informée que la décision du Conseil d'Etat était susceptible d'être fondée sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de sa demande indemnitaire, faute de demande préalable à l'administration.

Par une ordonnance du 5 février 2020, le président de la section du contentieux a, dès lors qu'un délai de six mois s'était écoulé depuis la saisine du Conseil d'Etat par Mme D..., décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle, en application de l'article R. 931-4 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 18 mars 2020, le département du Morbihan s'en remet à la sagesse du Conseil d'Etat quant à l'existence d'un préjudice moral et conclut au rejet du surplus de la demande de Mme D.... Il soutient que la décision de la Commission centrale d'aide sociale a été exécutée par des paiements effectués les 28 décembre 2018 et 4 janvier 2019.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 26 mai 2020, Mme D... reprend les conclusions de sa demande et les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme K... L..., conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-5 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'une de ses décisions ou d'une décision rendue par une juridiction administrative autre qu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel, le Conseil d'Etat peut, même d'office, lorsque cette décision n'a pas défini les mesures d'exécution, procéder à cette définition, fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte contre les personnes morales en cause ". L'article R. 931-2 du même code prévoit, en outre, que : " Les parties intéressées peuvent demander au Conseil d'Etat de prescrire les mesures nécessaires à l'exécution d'une de ses décisions ou d'une décision d'une juridiction administrative spéciale, en assortissant le cas échéant ces prescriptions d'une astreinte (...) ".

2. Il résulte de l'instruction que, le 17 octobre 2013, le président du conseil général du Morbihan a décidé de récupérer sur la succession de Mme A... les deux tiers de la somme de 5 092,50 euros exposée par le département, au titre de l'aide médicale, pour la prise en charge de frais de séjour en maison de repos. A cette fin, il a émis le 25 novembre 2013 deux titres exécutoires de 1 697,50 euros chacun à l'encontre de ses filles, Mme H... et Mme D.... Par une décision du 12 septembre 2018, la Commission centrale d'aide sociale a annulé la décision du 17 octobre 2013, ainsi que la décision du 3 octobre 2014 par laquelle la commission départementale d'aide sociale du Morbihan a rejeté le recours de Mme H... et de Mme D... contre cette décision du 17 octobre 2013 et a mis à la charge du département le versement d'une somme de 100 euros à Mme D... au titre des frais liés au litige.

3. Il résulte de l'instruction que, pour l'exécution de la décision de la Commission centrale d'aide sociale, le département du Morbihan a mandaté le 28 décembre 2018 une somme de 1 697,50 euros au profit de Mme H... et une somme du même montant au profit de Mme D... puis, le 2 janvier 2019, une somme de 100 euros au profit de cette dernière.

Sur les intérêts :

4. En vertu de l'article 1153 du code civil, dont les dispositions ont été reprises à l'article 1231-6 du même code, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une somme d'argent consistent dans les intérêts au taux légal. Les intérêts moratoires dus en application de ces dispositions, lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.

5. Par suite, la décision de la Commission centrale d'aide sociale, qui a fait droit à la demande de Mme D... tendant à l'annulation de la décision de récupération sur succession et au remboursement, pour elle-même et pour sa soeur, des sommes de 1 697,50 euros recouvrées durant la première instance, assorties des intérêts, implique le versement des intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 29 décembre 2014, jour de la saisine de cette juridiction.

6. Faute d'avoir versé ces intérêts à la date de la présente décision, le département du Morbihan ne peut être regardé comme ayant pris les mesures propres à assurer la complète exécution de la décision de la Commission centrale d'aide sociale du 12 septembre 2018. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au département du Morbihan de justifier de cette exécution dans un délai de six semaines à compter de la notification de la présente décision.

Sur le surplus de la demande :

7. Si Mme D... demandait également à la Commission centrale d'aide sociale de condamner le département du Morbihan à lui rembourser la somme de 240 euros exposée en règlement de la déclaration de succession de Mme A... et celle de 35 euros correspondant au coût de la contribution pour l'aide juridique acquittée au titre de la première instance, la Commission centrale d'aide sociale n'a pas fait droit à ces conclusions. Ni le versement de ces sommes, ni celui de la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle invoque, demandé pour la première fois devant le Conseil d'Etat, ne relèvent ainsi des mesures nécessaires à l'exécution de la décision de la Commission centrale d'aide sociale.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le département du Morbihan justifiera, dans les six semaines suivant la notification de la présente décision, avoir versé à Mme E... D... et à Mme I... H... les intérêts moratoires dus à compter du 29 décembre 2014 sur les sommes de 1 697,50 euros qui leur ont été remboursées.

Il communiquera copie des actes justifiant ces mesures au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme E... D... et au département du Morbihan.

Copie en sera adressée à Mme I... H... et à la section du rapport et des études.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 427001
Date de la décision : 18/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 2020, n° 427001
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:427001.20201118
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award