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13/11/2020 | FRANCE | N°436792

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 13 novembre 2020, 436792


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge partielle de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, ainsi que des contributions sociales et pénalités afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 et la décharge totale de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, ainsi que des contributions sociales et pénalités afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011. Par un jugement n° 1503737 et 1505644 du 21 février 2018, le tribunal administra

tif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18MA01999 du 17 octo...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge partielle de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, ainsi que des contributions sociales et pénalités afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 et la décharge totale de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, ainsi que des contributions sociales et pénalités afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011. Par un jugement n° 1503737 et 1505644 du 21 février 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18MA01999 du 17 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête dans la mesure du dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 décembre 2019 et 21 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt dans la mesure où il a rejeté ses conclusions d'appel ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit dans cette mesure à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 21 août 2020, M. A... demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son articles 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts, notamment son article 109 ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Ranquet, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. B... A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge partielle de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, ainsi que des contributions sociales et pénalités afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 et la décharge totale de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, ainsi que des contributions sociales et pénalités afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011. Par l'arrêt du 17 octobre 2019 contre lequel il se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir prononcé un non-lieu à statuer dans la mesure du dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de son appel contre le jugement du 21 février 2018 du tribunal administratif de Marseille rejetant ses demandes.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. En posant une question prioritaire de constitutionnalité sur une disposition législative, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition.

4. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé, alors même que l'inscription résulterait d'une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.

5. M. A... soutient que les dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, telles qu'interprétées au point 4, méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, en tant qu'elles font obstacle à ce que le contribuable puisse combattre la présomption de revenu posée par cet article, découlant de l'inscription d'une somme au crédit de son compte courant d'associé, en soutenant que cette inscription procède d'une erreur comptable involontaire.

6. Aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

7. L'exigence de prise en compte des facultés contributives, qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource.

8. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Sauf convention contraire avec la société, le titulaire d'un compte courant d'associé acquiert, par le seul fait de l'inscription dans les écritures de cette dernière d'une somme au crédit de ce compte, la faculté de prélever cette somme. Elle est donc à sa disposition, y compris dans le cas où l'inscription au crédit du compte procèderait d'une erreur comptable. Dès lors, l'interprétation contestée, qui s'oppose à ce que l'intéressé se prévale de l'existence d'une erreur comptable, non corrigée avant la clôture de l'exercice, pour combattre la présomption selon laquelle la somme en cause constitue un revenu distribué à son profit, ne méconnaît pas l'exigence de prise en compte des facultés contributives. Le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques ne présente en conséquence pas un caractère sérieux.

9. Par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité, qui n'est pas nouvelle, soulevée par M. A....

Sur les autres moyens du pourvoi :

10. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

11. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, M. A... soutient que la cour administrative d'appel de Marseille :

- a rendu son arrêt au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que le sens des conclusions du rapporteur public n'a pas été mis en ligne dans un délai raisonnable avant l'audience ;

- a commis une erreur de droit, méconnu les règles d'administration de la preuve et dénaturé les pièces du dossier en refusant de déduire des revenus qu'il aurait reçus de l'EURL Version en 2010 une somme de 19 257 euros dont il établissait qu'il s'agissait du solde d'un prêt, ce que l'administration avait reconnu par des prises de position formelles et alors que cette dernière n'apportait pas la preuve contraire qui lui incombait ;

- a commis une erreur de droit en jugeant que, pour combattre la présomption que les sommes inscrites au crédit de son compte courant d'associé dans les écritures de la SAS Garance en 2011 constituaient un revenu distribué, M. A... ne pouvait utilement invoquer la circonstance que cette inscription résultait d'une erreur comptable ;

- a commis une erreur de droit en regardant ces mêmes sommes comme un revenu distribué sans rechercher quel était le solde du compte courant d'associé de M. A... au 31 décembre de l'année d'imposition ;

- a dénaturé les pièces du dossier en considérant qu'il n'établissait pas avoir été dans l'impossibilité en droit ou en fait de procéder au prélèvement des sommes créditées sur son compte courant d'associé ;

- a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en retenant que les sommes portées, dans les comptes de la SAS Garance, au débit du compte de fournisseur de l'EURL Montage Technique constituaient un abandon de créances injustifié ;

- a commis une erreur de droit en se bornant, pour regarder comme justifiée la pénalité pour manquement délibéré prononcée à l'encontre de M. A..., à relever qu'il avait fait l'objet de rectifications antérieures pour les mêmes motifs.

12. Aucun de ces moyens n'est de nature à justifier l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A....

Article 2 : Le pourvoi de M. A... n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 436792
Date de la décision : 13/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 nov. 2020, n° 436792
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Ranquet
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:436792.20201113
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