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13/11/2020 | FRANCE | N°433460

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 13 novembre 2020, 433460


1° Sous le n° 433460, par une requête, enregistrée le 8 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des industries de la protection des plantes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du 23 juillet 2019 du ministre de la transition écologique et solidaire, du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation relative à l'entrée en vigueur de l'interdiction portant sur certains produits phytopharmaceutiques pour des raisons de protection de la santé et de l'environnement,

en application de la modification de l'article L. 253-8 du code ru...

1° Sous le n° 433460, par une requête, enregistrée le 8 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des industries de la protection des plantes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du 23 juillet 2019 du ministre de la transition écologique et solidaire, du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation relative à l'entrée en vigueur de l'interdiction portant sur certains produits phytopharmaceutiques pour des raisons de protection de la santé et de l'environnement, en application de la modification de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 434501, par une requête, enregistrée le 10 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union française des semenciers demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la même circulaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux du 10 septembre 1998 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 ;

- le règlement n° 649/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Janicot, auditeur,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de l'Union des industries de la protection des plantes et au Cabinet Colin-Stoclet, avocat de l'Union française des semenciers ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous : " sont interdits à compter du 1er janvier 2022 la production, le stockage et la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précitée, sous réserve du respect des règles de l'Organisation mondiale du commerce ". Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une même décision, l'Union des industries de la protection des plantes (UIPP) et l'Union française des semenciers (UFS) demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 23 juillet 2019 du ministre de la transition écologique et solidaire, du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation relative à l'entrée en vigueur de l'interdiction prévue par ces dispositions du IV de l'article L. 253-8 du rural et de la pêche maritime.

2. En premier lieu, par décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil : " 1. Une substance active est approuvée conformément à l'annexe II s'il est prévisible, eu égard à l'état actuel des connaissances scientifiques et techniques, que, compte tenu des critères d'approbation énoncés aux points 2 et 3 de cette annexe, les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active satisfont aux conditions prévues aux paragraphes 2 et 3 (...) 3. Un produit phytopharmaceutique, dans des conditions d'application conformes aux bonnes pratiques phytosanitaires et dans des conditions réalistes d'utilisation, satisfait aux conditions suivantes : a) il est suffisamment efficace ; b) il n'a pas d'effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine, y compris les groupes vulnérables, ou sur la santé animale (...) ; c) il n'a aucun effet inacceptable sur les végétaux ou les produits végétaux ; d) il ne provoque ni souffrances ni douleurs inutiles chez les animaux vertébrés à combattre ; e) il n'a pas d'effet inacceptable sur l'environnement (...) ". Aux termes de l'article 28 du même règlement : " 1. Un produit phytopharmaceutique ne peut être mis sur le marché ou utilisé que s'il a été autorisé dans l'État membre concerné conformément au présent règlement. 2. Par dérogation au paragraphe 1, aucune autorisation n'est requise dans les cas suivants (...) ; d) production, stockage ou circulation d'un produit phytopharmaceutique destiné à être utilisé dans un pays tiers, à condition que l'État membre dans lequel s'effectue la production, le stockage ou la circulation ait mis en place des règles d'inspection visant à garantir que le produit phytopharmaceutique n'est pas utilisé sur son territoire (...) ". Aux termes de l'article 29 du même règlement : " 1. Sans préjudice de l'article 50, un produit phytopharmaceutique ne peut être autorisé que si, selon les principes uniformes visés au paragraphe 6, il satisfait aux exigences suivantes : a) ses substances actives, phytoprotecteurs et synergistes ont été approuvés ; b) sa substance active, son phytoprotecteur ou son synergiste a une origine différente, ou à la même origine mais a connu une modification de son procédé et/ou de son lieu de fabrication; i) mais la spécification, conformément à l'article 38, ne s'écarte pas sensiblement de la spécification figurant dans le règlement approuvant ladite substance ou ledit phytoprotecteur ou synergiste, et ii) ladite substance ou ledit phytoprotecteur ou synergiste n'a pas davantage d'effets nocifs au sens de l'article 4, paragraphes 2 et 3 dus à ses impuretés que s'il avait été produit selon le procédé de fabrication indiqué dans le dossier étayant l'approbation (...) ".

4. L'UIPP et l'UFS soutiennent que l'interdiction prévue au IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime méconnaîtrait les articles 28 et 29 du règlement du 21 octobre 2009, en ce que les dispositions de ces articles autoriseraient la production, le stockage et la circulation en France de produits phytopharmaceutiques, même s'ils contiennent des substances actives non approuvées, dès lors que ces articles dispensent d'autorisation de mise sur le marché les produits destinés à être utilisés dans un pays tiers.

5. Cependant, le règlement n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 fixe des règles concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques à l'intérieur de la Communauté. Si les dispositions précitées de ce règlement prévoient que la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché n'est pas requise en cas de production, de stockage ou de circulation d'un produit phytopharmaceutique destiné à être utilisé dans un pays tiers, à condition que l'État membre dans lequel s'effectue la production, le stockage ou la circulation ait mis en place des règles d'inspection visant à garantir que le produit phytopharmaceutique n'est pas utilisé sur son territoire, elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'empêcher un État membre d'interdire la production, le stockage ou la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances non approuvées en vue de leur exportation vers un pays tiers. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions du IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime méconnaîtraient les articles 28 et 29 du règlement n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 2 du règlement (UE) n° 649/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 concernant les exportations et importations de produits chimiques dangereux : " 1. Le présent règlement a pour objet : a) de mettre en oeuvre la convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l'objet d'un commerce international (ci- après dénommée "convention") ; b) d'encourager le partage des responsabilités et la coopération dans le domaine du commerce international des produits chimiques dangereux, afin de protéger la santé des personnes et l'environnement contre des dommages éventuels ; c) de contribuer à l'utilisation écologiquement rationnelle des produits chimiques dangereux ". Aux termes de l'article 7 de ce même règlement : " 1. Les produits chimiques soumis à la notification d'exportation, les produits chimiques répondant aux critères requis pour être soumis à la notification PIC et les produits chimiques soumis à la procédure PIC sont énumérés à l'annexe I. 2. Les produits chimiques énumérés à l'annexe I sont classés dans un ou plusieurs des trois groupes de produits chimiques correspondant aux parties 1, 2 et 3 de ladite annexe. Les produits chimiques énumérés à l'annexe I, partie 1, sont soumis à la procédure de notification d'exportation prévue à l'article 8, par laquelle des informations détaillées sont fournies sur l'identité de chaque substance, la catégorie et/ou sous-catégorie d'utilisation soumise à restriction, le type de restriction et, le cas échéant, des informations supplémentaires, en particulier concernant les dispenses de notification d'exportation. Les produits chimiques énumérés à l'annexe I, partie 2, en plus d'être soumis à la procédure de notification d'exportation prévue à l'article 8, répondent aux critères requis pour être soumis à la procédure de notification PIC prévue à l'article 11, par laquelle des informations détaillées sont fournies sur l'identité de chaque substance et sur la catégorie d'utilisation. Les produits chimiques énumérés à l'annexe I, partie 3, sont soumis à la procédure PIC, par laquelle la catégorie d'utilisation est précisée et, le cas échéant, d'autres informations, en particulier sur les exigences en matière de notification d'exportation, sont fournies ". Aux termes de l'article 8 du même règlement : " 1. Dans le cas des substances énumérées à l'annexe I, partie 1 (...), les paragraphes 2 à 8 du présent article sont applicables quel que soit l'utilisation prévue du produit chimique dans la partie importatrice ou l'autre pays importateur. 2. Lorsqu'un exportateur souhaite exporter, de l'Union vers une partie ou un autre pays, un produit chimique visé au paragraphe 1 pour la première fois depuis que ce produit est soumis aux dispositions du présent règlement, il en informe l'autorité nationale désignée de l'État membre dans lequel il est établi (ci- après dénommé " État membre de l'exportateur "), au plus tard trente-cinq jours avant la date prévue d'exportation (...) ". Aux termes de l'article 15 du même règlement : " (...) 2. Les produits chimiques et les articles dont l'utilisation est interdite dans l'Union aux fins de protection de la santé des personnes ou de l'environnement, tels qu'énumérés à l'annexe V, ne sont pas exportés ".

7. Le règlement (UE) n° 649/2012 du 4 juillet 2012, pris sur le fondement tant de l'article 207 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, relatif à la politique commerciale commune, que sur celui de son article 192, paragraphe 1, relatif à la politique de l'Union dans le domaine de l'environnement, a pour objet d'harmoniser au sein de l'Union européenne la mise en oeuvre de la convention de Rotterdam du 10 septembre 1998 sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l'objet d'un commerce international. Ainsi, il fixe à ses différentes annexes la liste des produits qui sont soumis à cette procédure au moment de leur exportation vers des pays tiers. Cependant, s'il prévoit également à son article 15 cité au point 6, que certains produits sont interdits d'exportation, principalement pour la mise en oeuvre de la convention de Stockholm du 22 mai 2001 sur les polluants organiques persistants, il ne saurait être regardé, d'une part, et compte tenu à la fois de cette limite et de son objet général, comme fixant intégralement la liste des produits dont l'exportation est interdite, de sorte que les Etats membres se verraient privés de la faculté d'adopter, conformément à l'article 10 du règlement (UE) 2015/479 relatif au régime commun applicable aux exportations, des restrictions quantitatives aux exportations justifiées par des raisons de protection de la santé, d'autre part, comme limitant la faculté ouverte aux Etats membres, par l'article 193 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de maintenir ou d'établir des mesures de protection renforcées dans le domaine de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de ce que le législateur ne pouvait interdire la production, le stockage et la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées en vue de leur exportation vers des pays tiers sans méconnaître le règlement n° 649/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 doit être écarté.

8. Il résulte de ce tout ce qui précède que l'Union des industries de la protection des plantes et l'Union française des semenciers ne sont pas fondées à demander l'annulation de la circulaire qu'elles attaquent. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de l'Union des industries de la protection des plantes et de l'Union française des semenciers sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union des industries de la protection des plantes, à l'Union française des semenciers, à la ministre de la transition écologique, au ministre de l'économie, des finances et de la relance et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 433460
Date de la décision : 13/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 nov. 2020, n° 433460
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Janicot
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:433460.20201113
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