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12/11/2020 | FRANCE | N°425340

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 12 novembre 2020, 425340


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 12 novembre 2018 et le 12 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association contre la corruption et pour l'éthique en politique Anticor demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2018-412 du 30 mai 2018, dans sa version rectifiée, relatif à l'organisation des travaux de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) ainsi qu'au traitement du président et aux indemnités

susceptibles d'être allouées au vice-président, aux membres, aux collaborat...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 12 novembre 2018 et le 12 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association contre la corruption et pour l'éthique en politique Anticor demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2018-412 du 30 mai 2018, dans sa version rectifiée, relatif à l'organisation des travaux de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) ainsi qu'au traitement du président et aux indemnités susceptibles d'être allouées au vice-président, aux membres, aux collaborateurs et aux rapporteurs de cette commission, ainsi que le refus d'abroger ce décret opposé par le Premier ministre le 10 septembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 mai 2018 du ministre de l'intérieur et du ministre de l'action et des comptes publics relatif au traitement du président et aux taux et modalités d'attribution des indemnités et vacations susceptibles d'être allouées au vice-président, aux membres, aux collaborateurs et aux rapporteurs de cette commission, ainsi que le refus d'abroger cet arrêté opposé par le Premier ministre le 10 septembre 2018 et par le ministre de l'intérieur le 30 octobre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi organique n° 2017-54 du 20 janvier 2017 ;

- la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 ;

- le décret n° 97-255 du 18 mars 1997 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... B..., auditrice,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article 1er de la loi organique du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes : " toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante est instituée par la loi. / La loi fixe les règles relatives à la composition et aux attributions ainsi que les principes fondamentaux relatifs à l'organisation et au fonctionnement des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. " Aux termes de l'article L. 52-14 du code électoral, dans sa rédaction issue de l'article 41 de la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes : " Il est institué une autorité administrative indépendante dénommée Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Cette commission comprend neuf membres nommés, pour cinq ans, par décret (...). Le président de la commission exerce ses fonctions à temps plein. ". Cet article ainsi que les articles L. 52-15 et L. 52-17 du code électoral fixent les principes fondamentaux relatifs à l'organisation et au fonctionnement de la commission, notamment le nombre de membres et leurs modalités de désignation, les ressources à leur disposition et leur mission.

2. Le décret attaqué du 30 mai 2018 dispose que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est assistée par un secrétaire général, des secrétaires généraux adjoints et des collaborateurs permanents. Il modifie les modalités de rémunération du président de la commission, d'une part, en supprimant son indemnité forfaitaire, d'autre part, en faisant porter son traitement au niveau du premier groupe supérieur des emplois de l'Etat classés hors échelle et, enfin, en lui attribuant une indemnité de fonction. Il fixe également une indemnité forfaitaire mensuelle versée au vice-président et une indemnité forfaitaire par séance pour les autres membres de la commission. Le décret autorise le président de la commission à verser une indemnité aux collaborateurs du secrétariat général. Le montant de ces différentes indemnités est précisé par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et des ministres chargés de la fonction publique et du budget. L'arrêté attaqué du 30 mai 2018 fixe le montant des indemnités prévues par le décret attaqué, notamment les indemnités de fonction du président de la commission, les indemnités forfaitaires mensuelles du vice-président, l'indemnité forfaitaire par séance et les vacations susceptibles d'être allouées aux membres de la commission et l'indemnité susceptible d'être allouée aux personnels permanents du secrétariat général de la commission.

Sur la compétence du pouvoir réglementaire :

3. En vertu de l'article 1er de la loi organique du 20 janvier 2017, prise sur le fondement de l'article 34 de la Constitution, la fixation des principes fondamentaux relatifs à l'organisation et au fonctionnement des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes relève de la loi. En ayant précisé, par le décret attaqué et par l'arrêté attaqué auquel le décret renvoie, la composition du secrétariat général assistant la commission ainsi que les modalités de calcul du régime de rémunération des différents membres de cette commission, qui ne relèvent pas des principes fondamentaux relatifs à l'organisation et au fonctionnement de cette autorité administrative indépendante, le pouvoir réglementaire n'a pas empiété sur la compétence réservée, par la loi organique, au seul législateur. Par suite, le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire n'était pas compétent pour prendre le décret et l'arrêté attaqués doit, dès lors, être écarté.

Sur la légalité interne :

4. Par la loi du 20 janvier 2017, le législateur a entendu réorganiser les autorités administratives indépendantes, en réduisant leur nombre et en renforçant et professionnalisant le fonctionnement de celles qu'il estimait nécessaire de maintenir, notamment en les dotant d'un statut commun et en renforçant leurs structures. A ce titre, il résulte des dispositions de la loi citées ci-dessus que le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques exerce désormais ses fonctions à temps plein. En vertu de l'article 1er du décret du 18 mars 1997 pris pour l'application de l'article L. 52-14 du code électoral et relatif à l'organisation de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques : " En cas d'absence ou d'empêchement du président, le vice-président le supplée dans toutes ses fonctions. " L'article 10 du décret attaqué, publié le 31 mai 2018, prévoit une entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2018 des dispositions de l'article 2 qui dispose que " Le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques reçoit une rémunération annuelle égale au traitement afférent à un emploi supérieur de l'Etat classé hors échelle E2 correspondant à l'indice majoré 1324, assortie d'une indemnité de fonction dont le montant est fixé par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et des ministres chargés de la fonction publique et du budget. Le vice-président perçoit une indemnité forfaitaire mensuelle. " L'article 7 de l'arrêté attaqué, publié le 31 mai 2018, prévoit une entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2018, de l'article 1er qui dispose que : " I. - Le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques reçoit une indemnité de fonction dont le montant annuel est fixé à 9 500 € brut. / II. - Le montant des indemnités forfaitaires mensuelles susceptibles d'être allouées au vice-président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est fixé ainsi qu'il suit : / - vice-président, en activité dans son corps d'origine : 1 373 € ; / - vice-président à la retraite : 2 744 €. "

5. Ainsi qu'il a été dit au point 3, il appartenait au pouvoir réglementaire de prendre les mesures d'application de la loi à laquelle le législateur a entendu donner un effet immédiat. Dès lors, le pouvoir réglementaire était habilité à modifier les conditions de rémunération des membres de la Commission nationale, la seule circonstance que ce changement intervenait en cours de mandat étant sans incidence sur la légalité de ses dispositions. En outre, en prévoyant que ces dispositions prenaient effet à titre rétroactif, à compter du 1er janvier de l'année budgétaire en cours, le décret et l'arrêté attaqué ont entendu tirer les conséquences des modifications législatives apportées aux conditions d'exercice des fonctions de président et, par voie de conséquence, de vice-président de la Commission nationale, afin que puisse être versée aux intéressés la rémunération à laquelle ils ont droit. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que les textes attaqués méconnaissent les dispositions de la loi organique et de la loi citées ci-dessus ni le principe de non-rétroactivité des actes administratifs.

6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le Premier ministre, la requête de l'association Anticor doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'association contre la corruption et pour l'éthique en politique Anticor est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association contre la corruption et pour l'éthique en politique Anticor, au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la relance, au ministre de l'intérieur et au ministre de la transformation et de la fonction publiques.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 425340
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - RÉTROACTIVITÉ - RÉTROACTIVITÉ LÉGALE - DÉCRET ET ARRÊTÉ MODIFIANT LES CONDITIONS DE RÉMUNÉRATION DES MEMBRES DE LA CNCCFP AVEC EFFET RÉTROACTIF À COMPTER DU 1ER JANVIER DE L'ANNÉE BUDGÉTAIRE EN COURS.

01-08-02-01 Loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017, prise en application de la loi organique n° 2017-54 du même jour, réorganisant les autorités administratives indépendantes en réduisant leur nombre et en renforçant et professionnalisant le fonctionnement de celles que le législateur estimait nécessaire de maintenir, notamment en les dotant d'un statut commun et en renforçant leurs structures.... ,,Article 41 de la loi du 20 janvier 2017, modifiant l'article L. 52-14 du code électoral, prévoyant que le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) exerce désormais ses fonctions à temps plein.,,,Il appartenait au pouvoir réglementaire de prendre les mesures d'application de la loi à laquelle le législateur a entendu donner un effet immédiat. Dès lors, le pouvoir réglementaire était habilité à modifier les conditions de rémunération des membres de la CNCCFP, la seule circonstance que ce changement intervenait en cours de mandat étant sans incidence sur la légalité de ses dispositions. En outre, en prévoyant que ces dispositions prenaient effet à titre rétroactif, à compter du 1er janvier de l'année budgétaire en cours, le décret et l'arrêté attaqués ont entendu tirer les conséquences des modifications législatives apportées aux conditions d'exercice des fonctions de président et, par voie de conséquence, de vice-président de la CNCCFP, afin que puisse être versée aux intéressés la rémunération à laquelle ils ont droit.... ,,Le décret et l'arrêté attaqués ne méconnaissent donc pas la loi organique et la loi du 20 janvier 2017, ni le principe de non-rétroactivité des actes administratifs.

POUVOIRS PUBLICS ET AUTORITÉS INDÉPENDANTES - AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES - COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES - DÉCRET ET ARRÊTÉ MODIFIANT LES CONDITIONS DE RÉMUNÉRATION DES MEMBRES EN COURS DE MANDAT ET AVEC EFFET RÉTROACTIF À COMPTER DU 1ER JANVIER DE L'ANNÉE BUDGÉTAIRE EN COURS - LÉGALITÉ.

52-045 Loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017, prise en application de la loi organique n° 2017-54 du même jour, réorganisant les autorités administratives indépendantes en réduisant leur nombre et en renforçant et professionnalisant le fonctionnement de celles que le législateur estimait nécessaire de maintenir, notamment en les dotant d'un statut commun et en renforçant leurs structures.... ,,Article 41 de la loi du 20 janvier 2017, modifiant l'article L. 52-14 du code électoral, prévoyant que le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) exerce désormais ses fonctions à temps plein.,,,Il appartenait au pouvoir réglementaire de prendre les mesures d'application de la loi à laquelle le législateur a entendu donner un effet immédiat. Dès lors, le pouvoir réglementaire était habilité à modifier les conditions de rémunération des membres de la Commission nationale, la seule circonstance que ce changement intervenait en cours de mandat étant sans incidence sur la légalité de ses dispositions. En outre, en prévoyant que ces dispositions prenaient effet à titre rétroactif, à compter du 1er janvier de l'année budgétaire en cours, le décret et l'arrêté attaqués ont entendu tirer les conséquences des modifications législatives apportées aux conditions d'exercice des fonctions de président et, par voie de conséquence, de vice-président de la Commission nationale, afin que puisse être versée aux intéressés la rémunération à laquelle ils ont droit.... ,,Le décret et l'arrêté attaqués ne méconnaissent donc pas la loi organique et la loi du 20 janvier 2017, ni le principe de non-rétroactivité des actes administratifs.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 nov. 2020, n° 425340
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Vaullerin
Rapporteur public ?: M. Olivier Fuchs

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:425340.20201112
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