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05/11/2020 | FRANCE | N°433377

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 05 novembre 2020, 433377


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 août et 25 octobre 2019 et le 13 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 1er juillet 2019 par lequel le Président de la République lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois dont quatre mois avec sursis ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.

761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
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Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 août et 25 octobre 2019 et le 13 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 1er juillet 2019 par lequel le Président de la République lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois dont quatre mois avec sursis ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2005-939 du 2 août 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Roussel, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., commissaire général de police, a occupé les fonctions d'adjoint au sous-directeur de la lutte contre la criminalité organisée et de la délinquance financière du ministère de l'intérieur à compter du 30 juin 2014 avant d'être, à compter du 20 août 2018, affecté au service central des armes, en qualité de chargé de mission auprès du chef de service puis, à compter du 18 octobre 2018, en qualité d'adjoint au chef de service. Par un décret du Président de la République du 1er juillet 2019, M. A... a fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de six mois dont quatre mois avec sursis, pour " de graves manquements dans l'exercice même de ses fonctions, notamment en adoptant un comportement s'apparentant à du harcèlement, manquant en l'occurrence à son devoir de protection dû par l'autorité hiérarchique ainsi qu'à son devoir d'obéissance pour inexécution d'un ordre donné ". M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, si, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ", il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par le secrétaire général du Gouvernement que le décret a été signé par le Président de la République et contresigné par le Premier ministre et le ministre de l'intérieur, l'ampliation n'ayant pour sa part pas à être revêtu de la signature de l'auteur de l'acte. Par ailleurs, le décret, dans cette même ampliation, fait apparaître en caractère lisible le nom, le prénom et la qualité de son auteur.

3. En deuxième lieu, aucune disposition législative ni réglementaire ni aucun principe n'impose que l'avis rendu par le conseil de discipline soit communiqué à l'agent concerné avant l'intervention d'une mesure de sanction.

4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'enquête administrative préalable à l'engagement de la procédure disciplinaire aurait été conduite par la division nationale des enquêtes de l'inspection générale de la police dans des conditions méconnaissant le principe d'impartialité.

Sur la légalité interne :

5. Aux termes de l'article R. 434-6 du code de la sécurité intérieure : " I. - Le supérieur hiérarchique veille en permanence à la préservation de l'intégrité physique de ses subordonnés. Il veille aussi à leur santé physique et mentale. Il s'assure de la bonne condition de ses subordonnés. / (...) ". Aux termes de l'article R. 434-10 du même code : " Le policier ou le gendarme fait, dans l'exercice de ses fonctions, preuve de discernement. (...) ". Aux termes de l'article R. 434-27 du même code : " Tout manquement du policier ou du gendarme aux règles et principes définis par le présent code de déontologie l'expose à une sanction disciplinaire en application des règles propres à son statut, indépendamment des sanctions pénales encourues le cas échéant. ".

6. En premier lieu, il ressort des termes de la décision attaquée qu'elle a été motivée, d'une part, par la circonstance que M. A..., alors adjoint au sous-directeur en fonctions à la direction centrale de la police judiciaire, a adressé à l'une de ses collaboratrices de nombreux messages au contenu inapproprié, excédant en outre les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, et, d'autre part, par la persistance de ce comportement en dépit des instructions d'y mettre fin, reçues de son supérieur hiérarchique. Ces faits, dont la matérialité n'est pas contestée, caractérisent, contrairement à ce qui est soutenu, des manquements de nature à justifier une sanction disciplinaire.

7. En deuxième lieu, eu égard à la nature et à la durée des manquements constatés ainsi qu'aux obligations d'un supérieur hiérarchique et au devoir d'exemplarité attendu tout particulièrement d'un agent occupant les fonctions qui étaient les siennes, M. A... n'est pas fondé à soutenir, en dépit par ailleurs de la qualité des états de service qu'il invoque, que l'autorité disciplinaire a pris une sanction disproportionnée en l'excluant temporairement de ses fonctions pour une durée de six mois, dont quatre avec sursis.

8. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision d'affecter M. A..., dès le 20 août 2018 au service central des armes, d'abord en qualité de chargé de mission puis, à compter du 18 octobre 2018, en qualité d'adjoint au chef de service, a été prise dans l'intérêt du service et ne présentait pas en l'espèce le caractère d'une sanction déguisée. M. A... ne peut, par suite, utilement soutenir qu'il aurait fait l'objet lors de la décision attaquée l'objet de deux sanctions disciplinaires pour les mêmes faits ni que, par suite, la sanction attaquée serait contraire au principe de nécessité des peines.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, également être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 433377
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 nov. 2020, n° 433377
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Florian Roussel
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP DE NERVO, POUPET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:433377.20201105
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