Vu la procédure suivante :
La société Agu et associés Var a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2011 à 2013 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1600947 du 24 avril 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18MA02969 du 17 septembre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur l'appel de la société Agu et associés Var, annulé ce jugement puis, statuant par la voie de l'évocation, rejeté la demande de cette société.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 novembre 2019 et 18 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Agu et associés Var demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 95-115 du 4 février 1995 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Koutchouk, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Agu et associés Var ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Agu et associés Var exerce, depuis sa création le 22 juin 2009, une activité d'expert d'assurances dans des locaux situés rue de l'Etoile à Toulon, au sein de l'une des zones franches urbaines définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Estimant avoir créé une activité au sein de cette zone, elle a appliqué l'exonération totale d'impôt sur les sociétés, prévue par les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts, aux bénéfices qu'elle a réalisés pendant les soixante mois suivant sa création. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de cette exonération au titre des exercices clos au cours des années 2011 à 2013. La société Agu et associés Var se pourvoit en cassation contre l'article 2 de l'arrêt du 17 septembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 avril 2018, a, statuant par la voie de l'évocation, rejeté sa demande de décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge.
2. Aux termes du premier alinéa du I de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2014, créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ainsi que ceux qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent des activités dans les zones franches urbaines définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la même loi sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à concurrence de 40 %, 60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours des cinq premières, de la sixième et septième ou de la huitième et neuvième périodes de douze mois suivant cette période d'exonération. " Le huitième alinéa du même I dispose que : " Si l'exonération est consécutive au transfert, à la reprise, à la concentration ou la restructuration d'activités préexistantes et si celles-ci bénéficient ou ont bénéficié des dispositions du présent article ou de celles de l'article 44 octies, l'exonération prévue au présent article s'applique dans les conditions prévues au premier alinéa en déduisant de la durée qu'il fixe la durée d'exonération déjà écoulée au titre de ces articles avant le transfert, la reprise, la concentration ou la restructuration. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que la création, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2014, d'activités au sein d'une zone franche urbaine, le cas échéant transférées depuis un autre site où elles étaient jusqu'alors exploitées, entraîne de plein droit l'application de l'exonération totale qu'elles prévoient pendant les soixante mois qui suivent. Dans l'hypothèse où les activités transférées étaient jusqu'alors exercées au sein d'une autre zone franche urbaine, elles imposent de déduire de cette durée d'exonération celle pendant laquelle les activités exercées dans cette autre zone ont déjà fait l'objet d'une exonération. En revanche, dans l'hypothèse où les activités transférées étaient jusqu'alors exercées en dehors d'une telle zone, l'exonération s'applique pour l'ensemble de la durée de soixante mois à compter du transfert en zone franche urbaine. Enfin, il résulte de ces mêmes dispositions que la reprise d'activités déjà exercées sur le même site n'entraîne l'application de l'exonération totale que pour la durée restant à courir après déduction de la durée d'exonération déjà écoulée au titre de l'article 44 octies ou de l'article 44 octies A du code.
4. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en cas de transfert ou de reprise d'activités préexistantes, le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 octies A du code général des impôts à l'issue de cette opération n'est subordonné ni à la condition que ces activités aient bénéficié jusque-là de l'exonération applicable dans les zones franches urbaines, ni à celle que le dirigeant de l'entreprise qui les transfère ou les reprend soit distinct de celui de l'entreprise qui les exerçait jusqu'alors. Par suite, en se fondant notamment, pour rejeter la demande de décharge présentée par la société Agu et associés Var, sur les circonstances tirées de ce que les sociétés cabinet Agu et Agu et associés Var étaient dirigées par la même personne et que l'activité litigieuse n'aurait pas effectivement bénéficié de l'exonération applicable dans les zones franches urbaines avant 2009, la cour a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la société Agu et associés Var est fondée à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt qu'elle attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à cette société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 17 septembre 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'Etat versera à la société Agu et associés Var une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Agu et associés Var et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.