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16/10/2020 | FRANCE | N°433414

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 16 octobre 2020, 433414


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 7 août 2019 et 7 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), devenu Ile-de-France Mobilités, demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le second alinéa de l'article 3 du décret n° 2019-87 du 8 février 2019 relatif à la gestion technique des lignes, ouvrages et installations du réseau de transport public du Grand Paris et des réseaux mentionnés à l'article 20-2 de la loi du 3 juin 2010 relative au Gran

d Paris ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux con...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 7 août 2019 et 7 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), devenu Ile-de-France Mobilités, demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le second alinéa de l'article 3 du décret n° 2019-87 du 8 février 2019 relatif à la gestion technique des lignes, ouvrages et installations du réseau de transport public du Grand Paris et des réseaux mentionnés à l'article 20-2 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux contre cette disposition.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 72-2 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des transports ;

- la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 ;

- la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 ;

- le décret n° 2011-320 du 23 mars 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Leïla Derouich, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris prévoit la création d'un réseau de transport public de voyageurs au moyen d'un métro automatique de grande capacité en rocade, dont le financement des infrastructures est assuré par l'Etat. Selon l'article 7 de cette loi, un établissement public industriel et commercial dénommé " Société du Grand Paris " (SGP) est chargé de concevoir ce nouveau réseau de transport public et d'en assurer la réalisation, qui comprend notamment la construction des lignes, ouvrages et installations fixes. Le I de l'article 20 de la même loi, dans sa version antérieure à la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, prévoit que ces " lignes, ouvrages et installations sont, après leur réception par le maître d'ouvrage, confiés à la Régie autonome des transports parisiens qui en assure la gestion technique dans les conditions prévues à l'article 2 de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 [devenu l'article L. 2142-3 du code des transports] ". En vertu de l'article 20-2 de la même loi, la Régie autonome des transports parisiens (RATP) assure également la gestion des infrastructures en cas de désignation de la SGP pour assurer la maîtrise d'ouvrage de " projets de création ou d'extension d'infrastructures du réseau de métropolitain affecté au transport public urbain de voyageurs en Ile-de-France prévoyant au moins une correspondance avec le réseau de transport public du Grand Paris ".

2. Pour l'accomplissement de ces missions, la RATP est, comme en dispose l'article L. 2142-3 du code des transports, " rémunérée par le Syndicat des transports d'Ile-de-France dans le cadre d'une convention pluriannuelle qui, pour chacune de ces missions, établit de façon objective et transparente la structure et la répartition des coûts, prend en compte les obligations de renouvellement des infrastructures et assure une rémunération appropriée des capitaux engagés ".

3. Enfin, ces différentes dispositions renvoient à un décret en Conseil d'Etat pour en préciser les modalités d'application.

4. Le décret contesté du 8 février 2019 a été pris pour l'application de ces dispositions. Relatif à la gestion technique des lignes, ouvrages et installations du réseau de transport public du Grand Paris et des réseaux mentionnés à l'article 20-2 de la loi du 3 juin 2010, il rappelle, au premier alinéa de son article 3, que la RATP est rémunérée par le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) pour l'exercice de sa mission de gestion technique. Il ajoute, dans un second alinéa, que " sans préjudice des stipulations des conventions conclues entre la Société du Grand Paris, la Régie autonome des transports parisiens et le Syndicat des transports d'Ile-de-France antérieurement à l'entrée en vigueur du présent décret, cette rémunération comprend les dépenses engagées à ce titre par la Régie autonome des transports parisiens avant comme après la réception des lignes, ouvrages et installations ". Le STIF demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet alinéa en tant qu'il prévoit qu'il doit rémunérer la RATP pour des dépenses engagées avant la réception des infrastructures concernées.

5. En premier lieu, si, en vertu des articles 20 et 20-2 de la loi du 3 juin 2010, la mission de gestion technique des lignes, ouvrages et installations n'est confiée à la RATP qu'à compter de leur réception par le maître d'ouvrage, il appartient à la RATP, avant la date de réception, de se préparer à l'exercice de cette mission, de telle sorte qu'elle soit en mesure d'assurer effectivement, à la date de réception, la prise en gestion des lignes, ouvrages et installations en cause. A cette fin, la RATP peut engager, avant la réception, des dépenses se rattachant à l'exercice de sa mission légale de gestionnaire technique des infrastructures, tels que notamment le recrutement et les frais de formation des personnels qui seront affectés à la gestion du réseau ou l'acquisition des outils, véhicules et logiciels nécessaires. Ces dépenses, en vertu des dispositions combinées de la loi du 3 juin 2010 et de l'article L. 2142-3 du code des transports, ont alors vocation à être prises en charge par le STIF. Par suite, les moyens tirés du défaut de base légale et de la méconnaissance de l'article 20 de de la loi du 3 juin 2010 doivent être écartés.

6. En deuxième lieu, si l'article L. 2142-3 du code des transports prévoit que la RATP est rémunérée par le STIF dans le cadre d'une convention pluriannuelle, le pouvoir réglementaire pouvait légalement préciser les conditions de rémunération de la Régie par le STIF au titre de sa mission de gestionnaire technique des infrastructures liées à la réalisation du Grand Paris. Par suite, en prévoyant que, sans préjudice des conventions antérieures, la rémunération par le STIF comprend les dépenses engagées par la RATP avant comme après la réception des lignes, le décret n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 2142-3.

7. En troisième lieu, comme il a été dit au point précédent, les dispositions attaquées du décret du 8 février 2019 ont pour objet de préciser les conditions de la rémunération par le STIF de la mission de gestion technique confiée à la RATP dans le cadre défini par les articles 20 et 20-2 de la loi du 3 juin 2010. Par suite, le Premier ministre n'a procédé ni à un transfert d'une compétence qui relevait de l'Etat, ni à une création ou extension de compétence. Dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions contestées seraient contraires à l'article 72-2 de la Constitution doit être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que le STIF n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du second alinéa de l'article 3 du décret du 8 février 2019.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du Syndicat des transports d'Île-de-France est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Ile-de-France Mobilités, au Premier ministre et à la ministre de la transition écologique.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 433414
Date de la décision : 16/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 oct. 2020, n° 433414
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Leïla Derouich
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:433414.20201016
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