Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fondation Jérôme Lejeune demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération n° 2017.0049/DC/SEESP du 26 avril 2017 du collège de la Haute Autorité de santé portant adoption de la recommandation en santé publique intitulée " Place des tests ADN libre circulant dans le sang maternel dans le dépistage de la trisomie 21 foetale ", ainsi que cette recommandation et la décision du 27 septembre 2018 par laquelle le président de la Haute Autorité de santé a rejeté sa demande d'abrogation de ce document ;
2°) de mettre à la charge de la Haute Autorité de santé la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme A... B..., maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 27 mai 2014, la ministre chargée de la santé a demandé à la Haute Autorité de santé d'actualiser ses recommandations relatives à la stratégie de dépistage et de diagnostic de la trisomie 21 foetale, dans le contexte nouveau du possible dépistage de la trisomie 21 foetale grâce à l'ADN foetal circulant librement dans le sang de la femme enceinte, en vue d'une éventuelle modification des règles de bonnes pratiques en matière de dépistage et de diagnostic prénatals et prise en charge par l'assurance maladie du test correspondant, dit " ADNlcT21 ". En réponse à cette saisine, le collège de la Haute Autorité de santé a adopté, par une délibération du 26 avril 2017, une recommandation intitulée " Place des tests ADN libre circulant dans le sang maternel dans le dépistage de la trisomie 21 foetale ", qui procède notamment à une évaluation médico-économique, à une évaluation des aspects éthiques et à une analyse des problématiques organisationnelles et préconise qu'un " test ADNlcT21 soit proposé à toutes les femmes enceintes dont le niveau de risque de trisomie 21 foetale est compris entre 1/1 000 et 1/51 à l'issue du dépistage par dosage des marqueurs sériques " et que " la possibilité de réalisation d'un caryotype foetal d'emblée soit proposée à toutes les femmes enceintes dont le niveau de risque de trisomie 21 foetale est supérieur ou égal à 1/50 à l'issue du dépistage par dosage des marqueurs sériques ", un test ADNlcT21 pouvant " cependant être réalisé avant un éventuel caryotype foetal selon la préférence de la femme enceinte ". Ce document comporte également des recommandations relatives aux conditions de mise en oeuvre des nouveaux tests, portant sur le contrôle de la qualité des tests et des laboratoires concernés et sur l'information et l'accompagnement des femmes enceintes, ainsi que des recommandations relatives au suivi et à l'évaluation de l'impact du recours aux nouveaux tests sur la procédure de dépistage de la trisomie 21 foetale.
2. Si ce document a été qualifié par le collège de la Haute Autorité de santé de " recommandation en santé publique ", il ne constitue pas une recommandation de bonnes pratiques destinée aux professionnels de santé, mais un avis à l'intention du ministre chargé de la santé, compétent, en vertu de l'article R. 2131-2-1 du code de la santé publique, pour préciser les conditions de prescription et de réalisation des examens relevant du diagnostic prénatal et, en vertu de l'article R. 2131-2-2 du même code, pour déterminer les recommandations de bonnes pratiques relatives aux modalités de prescription, de communication des résultats et de réalisation des examens biologiques concourant au diagnostic biologique prénatal. Il constitue ainsi un élément de la procédure d'élaboration des décisions qu'il appartient à cette autorité de prendre, le cas échéant. Le bien-fondé des positions prises par la Haute Autorité peut être discuté à l'occasion d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre ces décisions. Par suite, ni cette recommandation, ni la délibération par laquelle le collège de la Haute Autorité de santé l'a adoptée, ni le refus de l'abroger ne constituent des actes faisant grief, susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
3. Dès lors, les conclusions de la fondation requérante tendant à l'annulation de ces actes sont entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance et le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, peut les rejeter, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par application de l'article R. 351-4 du code de justice administrative.
4. Enfin, la Haute Autorité de santé, qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat et ne justifie pas avoir exposé des frais spécifiques à l'occasion de l'instance, n'est pas fondée à demander qu'une somme soit mise à la charge de la fondation requérante, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la fondation Jérôme Lejeune est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Haute Autorité de santé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la fondation Jérôme Lejeune et à la Haute Autorité de santé.
Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.