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07/10/2020 | FRANCE | N°429093

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 07 octobre 2020, 429093


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mars, 13 juin et 18 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Novactifs patrimoine et M. A... B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 24 janvier 2019 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à l'encontre de la société Novactifs patrimoine une sanction pécuniaire de 250 000 euros, et à l'encontre de M. B... une sanction pécuniaire de 10

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Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mars, 13 juin et 18 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Novactifs patrimoine et M. A... B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 24 janvier 2019 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à l'encontre de la société Novactifs patrimoine une sanction pécuniaire de 250 000 euros, et à l'encontre de M. B... une sanction pécuniaire de 100 000 euros et un avertissement, et a ordonné la publication de cette décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers pour une durée de cinq ans ;

2°) à titre subsidiaire, de réduire le montant des sanctions ;

3°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code monétaire et financier ;

- le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Calothy, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société Novactifs Patrimoine et de M. B... et à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de l'Autorité des marchés financiers ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que la société Novactifs patrimoine, anciennement AGEO patrimoine, dirigée par M. B..., a une activité de conseil en investissements financiers qu'elle exerce directement auprès de sa propre clientèle et par l'intermédiaire d'une plateforme de distribution référençant des produits financiers et des contrats d'assurance. Elle a, dans ce cadre, proposé à ses clients de souscrire à des actions ou à des obligations émises par des sociétés non cotées appartenant aux groupes Cap Vert Energie et Maranatha. Le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers a, en application de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, diligenté, le 30 mai 2016, une procédure de contrôle du respect, par la société Novactifs patrimoine, de ses obligations professionnelles s'agissant de la souscription d'actions ou d'obligations émises par des sociétés appartenant aux groupes Cap Vert Energie et Maranatha. Sur le fondement de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, le président de l'Autorité des marchés financiers a notifié, le 5 juillet 2017, des griefs à la société Novactifs patrimoine et à M. B..., en sa qualité de dirigeant de cette société, tirés du non-respect des diligences liées au statut de conseil en investissements financiers, de la méconnaissance de l'obligation d'agir avec diligence dans l'intérêt des clients, de l'exercice d'une activité de placement en violation avec le statut de conseil en investissements financiers, et du non-respect des règles applicables au mandat de démarchage financier confié par la société à certaines de ses agences. Le 24 janvier 2019, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à l'encontre de la société Novactifs patrimoine une sanction pécuniaire de 250 000 euros et à l'encontre de M. B... un avertissement et une sanction pécuniaire de 100 000 euros. Elle a, en outre, décidé de publier cette décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers pendant une durée de cinq ans. La société Novactifs patrimoine et M. B... demandent au Conseil d'Etat l'annulation et, subsidiairement, la réformation de cette décision.

Sur la régularité de la décision attaquée :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Le collège examine le rapport d'enquête ou de contrôle établi par les services de l'Autorité des marchés financiers, ou la demande formulée par le président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. / Sous réserve de l'article L. 465-3-6, s'il décide l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction qu'en application de ces dispositions, le président de l'Autorité des marchés financiers a, à l'issue d'une seule procédure d'enquête concernant la société Novactifs patrimoine, notifié des griefs à cette société et à son dirigeant, M. B.... Par suite, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a statué sur la procédure de sanction ouverte à l'encontre de la société Novactifs patrimoine et son dirigeant, M. B..., et n'avait, contrairement à ce qui est soutenu, pas à prononcer la jonction de deux procédures. Le moyen tiré de l'irrégularité, pour ce motif, de la décision attaquée ne peut, en conséquence, qu'être écarté.

4. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une insuffisance de motivation en ce qu'elle aurait prononcé des sanctions à l'encontre de la société Novactifs patrimoine et de M. B... sans préciser dans quelle mesure elle tenait compte des processus de régularisation mis en oeuvre par la société pour remédier aux lacunes identifiées à l'occasion du contrôle, qui manque en fait, ne peut qu'être écarté.

Sur les sanctions prononcées :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 621-17 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors en vigueur : " Tout manquement par les conseillers en investissements financiers définis à l'article L. 541-1 ou par les conseillers en investissements participatifs mentionnés à l'article L. 547-1 aux lois, règlements et obligations professionnelles les concernant est passible des sanctions prononcées par la commission des sanctions selon les modalités prévues aux I, a et b du III et III bis à V de l'article L. 621-15. ". Aux termes du III de l'article L. 621-15 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, les sanctions applicables sont : " a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l'article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d'euros ou au décuple du montant de l'avantage retiré du manquement si celui-ci peut être déterminé ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; / b) Pour les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° à 17° du II de l'article L. 621-9, ou exerçant des fonctions dirigeantes, au sens de l'article L. 533-25, au sein de l'une de ces personnes, l'avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l'interdiction temporaire de négocier pour leur compte propre, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités ou de l'exercice des fonctions de gestion au sein d'une personne mentionnée aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° à 17° du II de l'article L. 621-9. La commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d'euros ou au décuple du montant de l'avantage retiré du manquement si ce montant peut être déterminé, en cas de pratiques mentionnées au II du présent article. (...) ". Il résulte également du III ter du même article que la sanction doit être fixée notamment en fonction de la gravité des manquements commis, de l'importance des gains obtenus, de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s'agissant d'une personne physique de ses revenus annuels, s'agissant d'une personne morale de son chiffre d'affaires total, et de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement.

6. Il appartient au juge administratif, saisi d'une requête dirigée contre une sanction pécuniaire prononcée par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, de vérifier que son montant était, à la date à laquelle elle a été infligée, proportionné tant aux manquements commis qu'à la situation, notamment financière, de la personne sanctionnée.

7. Il résulte de l'instruction que les manquements commis par la société Novactifs patrimoine et son dirigeant aux obligations professionnelles pesant sur les conseils en investissements financiers ont été multiples, se sont étendus sur une période d'un peu plus de deux ans, et que les commissions résultant des souscriptions des produits Cap Energie Vert et Maranatha ont représenté 30 % du chiffre d'affaires relatif à l'activité de conseil en investissements financiers de la société en 2015. Il résulte des termes même de la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers que celle-ci a tenu compte des circonstances de l'espèce, d'une part, en retenant la mise en place, par la société, de mesures correctives pour chacun des manquements relevés, d'autre part, en prenant en considération le chiffre d'affaires de la société Novactifs patrimoine et les revenus de M. B... tels qu'il en a été justifié devant elle à la date à laquelle elle s'est prononcée. Les requérants ne sauraient, à cet égard, invoquer le chiffre d'affaires et les revenus postérieurs à la date à laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers s'est prononcée au soutien du caractère disproportionné de cette sanction. Au regard de l'ensemble de ces éléments, en infligeant à la société Novactifs patrimoine une sanction pécuniaire d'un montant de 250 000 euros, et à M. B... une sanction pécuniaire de 100 000 euros et un avertissement, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n'a pas prononcé une sanction disproportionnée à la gravité des manquements commis et à la situation notamment financière des requérants.

8. En second lieu, en application du V de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, la décision de la commission des sanctions est rendue publique sauf lorsque celle-ci " risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause ". Si M. B... soutient que la sanction complémentaire de publication a eu des effets sur son activité professionnelle et qu'il a dû démissionner du conseil de surveillance de deux sociétés, il ne résulte pas de l'instruction que la publication de la décision lui aurait causé un préjudice disproportionné. Par suite, le moyen tiré de ce que la sanction complémentaire de publication serait, pour ce motif, disproportionnée, doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Novactifs patrimoine et M. B... ne sont pas fondés à demander l'annulation ou la réformation de la décision qu'ils attaquent.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Autorité des marchés financiers qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Novactifs patrimoine et de M. B... la somme globale de 3 000 euros à verser à l'Autorité des marchés financiers au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Novactifs patrimoine et de M. B... est rejetée.

Article 2 : La société Novactifs patrimoine et M. B... verseront à l'Autorité des marchés financiers une somme de globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Novactifs patrimoine, première requérante dénommée, et à l'Autorité des marchés financiers.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 429093
Date de la décision : 07/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 oct. 2020, n° 429093
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Calothy
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP L. POULET-ODENT ; SCP OHL, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:429093.20201007
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