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07/10/2020 | FRANCE | N°423062

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 07 octobre 2020, 423062


Vu la procédure suivante :

La société Prevor a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 avril 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 3ème section de l'unité territoriale du Val-d'Oise a refusé de l'autoriser à licencier Mme B... A.... Par un jugement n° 1405369 du 5 novembre 2015, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n°s 15VE03930, 16VE00017 du 26 juin 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appels du ministre du travail et de Mme A..., annulé ce juge

ment et rejeté la demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémenta...

Vu la procédure suivante :

La société Prevor a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 avril 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 3ème section de l'unité territoriale du Val-d'Oise a refusé de l'autoriser à licencier Mme B... A.... Par un jugement n° 1405369 du 5 novembre 2015, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n°s 15VE03930, 16VE00017 du 26 juin 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appels du ministre du travail et de Mme A..., annulé ce jugement et rejeté la demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 9 août et 9 novembre 2018 et 8 et 10 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Prevor demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de Mme A... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Colin-Stoclet, avocat de la société Prevor ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., employée par la société Prevor et salariée protégée, a fait l'objet d'une demande d'autorisation de licenciement. Par une décision du 4 avril 2014, l'inspectrice du travail a refusé de délivrer cette autorisation en retenant trois motifs distincts, tirés d'un vice dans la procédure de consultation du comité d'entreprise, de l'absence de gravité suffisante des fautes reprochées à la salariée pour justifier son licenciement et d'un lien entre la candidature de la salariée aux élections professionnelles et la demande d'autorisation de licenciement. Par un jugement du 5 novembre 2015, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision, contestée devant lui par la société Prevor, au seul motif que le lien entre la candidature de Mme A... aux élections professionnelles et la demande d'autorisation de licenciement n'était pas établi. Sur appels du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et de Mme A..., la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par la société Prevor devant le tribunal administratif par un arrêt du 26 juin 2018, contre lequel la société Prevor se pourvoit en cassation.

2. Aux termes de l'article R. 2421-10 du code du travail : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel, d'un membre du comité d'entreprise ou d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploie (...) / La demande énonce les motifs du licenciement envisagé (...) ". D'une part, lorsqu'un employeur demande à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier un salarié protégé, il lui appartient de faire précisément état dans sa demande des motifs justifiant, selon lui, le licenciement et d'autre part, l'inspecteur du travail ne peut, pour accorder l'autorisation demandée, se fonder sur d'autre motifs que ceux énoncés dans la demande.

3. Pour annuler le jugement du tribunal administratif et rejeter la demande présentée par la société Prevor devant ce tribunal, la cour administrative d'appel s'est fondée sur la circonstance qu'en l'absence de motivation suffisamment précise de la demande d'autorisation de licenciement, permettant à l'autorité administrative d'identifier le motif du licenciement, l'inspecteur du travail était en situation de compétence liée pour refuser l'autorisation sollicitée et ne s'est pas prononcée sur les autres moyens, notamment les moyens de légalité externe, qui étaient soulevés par la société Prevor pour contester la légalité de la décision de l'inspecteur du travail devant le tribunal administratif et qu'elle a implicitement regardés comme inopérants. En statuant ainsi, alors que l'inspecteur du travail, pour relever l'éventuelle insuffisance de motivation de la demande d'autorisation de licenciement, était nécessairement conduit à porter une appréciation sur les faits de l'espèce et qu'il ne se trouvait donc pas, pour rejeter cette demande, en situation de compétence liée rendant inopérants les moyens de légalité externe présentés devant le tribunal administratif pour contester la légalité de sa décision, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit et insuffisamment motivé son arrêt. Dès lors, son arrêt doit, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, être annulé.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Prevor au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 26 juin 2018 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à la société Prevor une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Prevor, à Mme B... A... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 423062
Date de la décision : 07/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 oct. 2020, n° 423062
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : CABINET COLIN-STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:423062.20201007
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