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02/10/2020 | FRANCE | N°432971

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 02 octobre 2020, 432971


Vu la procédure suivante :

La société Jet Aviation AG a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 10 mai 2017 par laquelle l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) lui a infligé une amende administrative d'un montant de 18 000 euros.

Par un jugement n° 1713855, 1719917 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 18PA03027 du 12 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel de l'ACNUSA contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et

des mémoires complémentaires, enregistrés les 25 juillet et 28 octobre 2019, ainsi qu...

Vu la procédure suivante :

La société Jet Aviation AG a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 10 mai 2017 par laquelle l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) lui a infligé une amende administrative d'un montant de 18 000 euros.

Par un jugement n° 1713855, 1719917 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 18PA03027 du 12 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel de l'ACNUSA contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et des mémoires complémentaires, enregistrés les 25 juillet et 28 octobre 2019, ainsi que les 6 mai et 27 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ACNUSA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Jet Aviation AG la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-675 QPC du 24 novembre 2017 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

- le code de l'aviation civile ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Gauthier, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Jet aviation AG ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article L. 6361-14 du code des transports, dans sa rédaction maintenue en vigueur du fait du report au 30 juin 2018 de l'abrogation de ses dispositions déclarées inconstitutionnelles par la décision n° 2017-675 QPC du 24 novembre 2017 du Conseil constitutionnel : " Les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article L. 6142-1 constatent les manquements aux mesures définies par l'article L. 6361-12. Ces manquements font l'objet de procès-verbaux qui, ainsi que le montant de l'amende encourue, sont notifiés à la personne concernée et communiqués à l'autorité. / A l'issue de l'instruction, le président de l'autorité peut classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières à la commission des faits le justifient ou que ceux-ci ne sont pas constitutifs d'un manquement pouvant donner lieu à sanction. / (...) Un rapporteur permanent et son suppléant sont placés auprès de l'autorité. / Au terme de l'instruction, le rapporteur notifie le dossier complet d'instruction à la personne concernée. Celle-ci peut présenter ses observations au rapporteur. / L'autorité met la personne concernée en mesure de se présenter devant elle ou de se faire représenter. Elle délibère valablement au cas où la personne concernée néglige de comparaître ou de se faire représenter. / Après avoir entendu le rapporteur et, le cas échéant, la personne concernée ou son représentant, l'autorité délibère hors de leur présence (...) ".

2. D'autre part, l'article R. 227-2 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Le rapporteur permanent clôt l'instruction menée par les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article R. 227-1. Il communique le dossier d'instruction à la personne concernée en lui précisant les faits reprochés, leur qualification, les textes applicables à ces faits et l'amende encourue et en l'invitant à présenter ses observations dans un délai d'un mois. / A réception de ces observations ou, à défaut, à l'issue de ce délai, le rapporteur permanent communique le dossier au président de l'autorité. Ce dernier fait convoquer la personne concernée au minimum un mois avant la séance au cours de laquelle l'affaire doit être examinée en lui communiquant le dossier complet de l'instruction qui comporte une notification des griefs retenus, les textes qui les fondent et le montant de l'amende encourue et en lui indiquant qu'elle peut se présenter ou se faire représenter à la séance. / Dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 227-4 [deuxième alinéa de l'article L. 6361-14 du code des transports], le président de l'autorité peut prononcer le classement sans suite de la procédure. Le rapporteur permanent notifie cette décision à la personne concernée. ".

3. Il ressort des pièces soumises aux juges du fond qu'à la suite du procès-verbal dressé le 8 février 2016 par des agents de la direction générale de l'aviation civile pour manquement aux règles de restriction d'exploitation de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) a prononcé une amende administrative de 18 000 euros à l'encontre de la société Jet Aviation AG, par une décision du 10 mai 2017. Par un jugement du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé cette sanction pour méconnaissance du principe d'impartialité garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'ACNUSA se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 juillet 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.

4. Pour juger que la société Jet Aviation AG avait pu raisonnablement avoir l'impression, compte tenu de l'enchaînement des actes pris au cours de la procédure devant l'ACNUSA, d'être poursuivie et jugée par la même personne et en déduire que la décision de sanction était intervenue en méconnaissance du principe d'impartialité, la cour a relevé que le président de l'ACNUSA avait " fait convoquer " la société Jet Aviation AG à la séance du 10 mai 2017 au cours de laquelle a été examiné son dossier et avait siégé à cette séance puis participé au délibéré. Toutefois, il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis qu'ainsi qu'elle l'a souligné, la lettre de convocation datée du 31 mars 2017 n'avait pas été signée par le président de l'ACNUSA. Celui-ci ayant renoncé à ses prérogatives en matière de convocation de la personne mise en cause, cette lettre avait été signée par le rapporteur permanent agissant " au nom de l'autorité " et exerçant ses compétences " en pleine indépendance " en vertu de l'article 3 de la délibération du 28 avril 2010 portant règlement intérieur de l'ACNUSA. Dans ces conditions, en jugeant que les conditions de convocation de la société Jet Aviation AG caractérisaient une méconnaissance du principe d'impartialité garanti par les stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour a commis une erreur de droit.

5. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'ACNUSA est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de société Jet Aviation AG le versement d'une somme au titre des frais engagés devant le tribunal administratif, la cour administrative d'appel et le Conseil d'Etat. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, le versement des sommes que demande la société Jet Aviation AG à ce titre.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 12 juillet 2019 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'ACNUSA et par la société Jet Aviation AG au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires et à la société Jet Aviation AG.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 432971
Date de la décision : 02/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 oct. 2020, n° 432971
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sébastien Gauthier
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:432971.20201002
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