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29/07/2020 | FRANCE | N°428158

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 29 juillet 2020, 428158


Vu la procédure suivante :

La SCI l'Harmas a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 23 juillet 2015 par laquelle le conseil municipal d'Aix-en-Provence a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune.

Par une ordonnance n° 1507978 du 27 avril 2017, prise sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 2éme chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17MA02667 du 20 décembre 2018, la cour

administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la SCI l'Harmas, annulé ce...

Vu la procédure suivante :

La SCI l'Harmas a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 23 juillet 2015 par laquelle le conseil municipal d'Aix-en-Provence a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune.

Par une ordonnance n° 1507978 du 27 avril 2017, prise sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 2éme chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17MA02667 du 20 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la SCI l'Harmas, annulé cette ordonnance et rejeté la demande d'annulation présentée par cette société devant le tribunal administratif de Marseille.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 18 février et 20 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI l'Harmas demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la SCI l'Harmas et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la Métropole Aix-Marseille Provence ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces soumis aux juges du fond que par une délibération du 23 juillet 2015, le conseil municipal de la commune d'Aix-en-Provence a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune. La SCI l'Harmas a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir cette délibération. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 décembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir annulé l'ordonnance du 27 avril 2017 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille ayant déclaré irrecevable sa demande, a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation.

2. En premier lieu, en jugeant que la seule circonstance qu'il s'était écoulé un délai de presque treize ans entre la délibération du 5 juillet 2001 qui a prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et la délibération qui a arrêté le projet de ce document était par elle-même sans incidence sur la légalité de la délibération attaquée et en relevant que le moyen tiré de l'absence de prise en compte des nouvelles dispositions issues des lois dites Grenelle 1 et II n'était pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit ni méconnu la portée des écritures de la SCI l'Harmas.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle le conseil municipal d'Aix-en-Provence a prescrit l'élaboration de son plan local d'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de la commune. La délibération qui prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les modalités de concertation, conformément à l'article L. 300-2, est notifiée au préfet, au président du conseil régional, au président du conseil général (...) ". Pour juger que le défaut de notification aux autorités mentionnées à cet article de délibérations postérieures à celle du 5 juillet 2001 ayant défini les modalités de la concertation préalable avait été sans influence sur le sens de la décision adoptée par la commune d' Aix-en-Provence et n'avait pas privé les intéressés d'une garantie, la cour a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier, notamment, du rapport de la commission d'enquête, que ces autorités avaient été associées à l'élaboration du plan local d'urbanisme et avaient émis un avis. En statuant ainsi, elle n'a pas commis d'erreur de droit.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un schéma de cohérence territoriale, un plan local d'urbanisme ou une carte communale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes :1° En cas d'illégalité autre qu'un vice de forme ou de procédure, pour les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité est susceptible d'être régularisée par une procédure de modification prévue à la section 6 du chapitre III du titre IV du livre Ier et à la section 6 du chapitre III du titre V du livre Ier ; 2° En cas d'illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité a eu lieu, pour les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme, après le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables. Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un jugement du 4 mai 2017, rendu à l'occasion d'une autre instance, le tribunal administratif de Marseille a retenu le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'avis de la commission d'enquête, fondé sur la méconnaissance de l'article R. 123-19 du code de l'environnement, et a sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme. Le 17 juillet 2015, la commission d'enquête a complété son avis. Le 29 septembre 2017, le conseil municipal d'Aix-en-Provence a approuvé la régularisation du vice tendant à l'absence de motivation des conclusions de la commission d'enquête. La SCI l'Harmas soutient que la cour administrative d'appel de Marseille aurait commis des erreurs de droit en estimant que l'irrégularité tenant à l'insuffisante motivation de l'avis de la commission d'enquête avait été régularisée par cette délibération.

6. D'une part, en vertu des II et III de l'article 42 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, la métropole d'Aix-Marseille-Provence visée à l'article L. 5218-1 du code général des collectivités territoriales a été créée au 1er janvier 2016. Aux termes du I de l'article L. 5217-2 du même code, cette métropole " exerce de plein droit, en lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : (...) 2° En matière d'aménagement de l'espace métropolitain : a) (...) plan local d'urbanisme (...) ". L'article L. 5218-2 du même code dispose toutefois qu'à l'exception de certaines compétences au nombre desquelles ne figure pas celle en matière de plan local d'urbanisme, les compétences prévues au I de l'article L. 5217-2 qui n'avaient pas été transférées par les communes aux établissements publics de coopération intercommunale fusionnés continuent d'être exercées par les communes jusqu'au 1er janvier 2018.

7. Pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, eu égard à leur objet et à leur portée, il appartient à l'autorité compétente de régulariser le vice de forme ou de procédure affectant la décision attaquée en faisant application des dispositions en vigueur à la date à laquelle cette décision a été prise. En revanche, comme le soutient la SCI l'Harmas, la compétence de l'autorité appelée à approuver la régularisation doit être appréciée au regard des dispositions en vigueur à la date de cette approbation. Il résulte toutefois des dispositions précitées des articles L. 5217-2 et L. 5218-2 du code général des collectivités territoriales qu'à la date du 29 septembre 2017, la commune d'Aix-en-Provence continuait d'exercer la compétence en matière de plan local d'urbanisme, le transfert à la métropole d'Aix-Marseille-Provence n'étant intervenu que le 1er janvier 2018. C'est donc sans erreur de droit que la cour administrative d'appel de Marseille a jugé qu'il appartenait au conseil municipal de cette commune d'approuver la régularisation du vice tendant à l'absence de motivation des conclusions de la commission d'enquête.

8. D'autre part, il est vrai que l'article R. 123-20 du code de l'environnement permet à l'autorité compétente pour organiser l'enquête publique de saisir le président du tribunal administratif pour qu'il demande au commissaire enquêteur ou à la commission d'enquête de compléter ses conclusions. Toutefois, l'existence de cette procédure, susceptible d'être mise en oeuvre à la suite de la réception des conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, ne fait pas obstacle à l'application de la procédure de régularisation prévue par l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme quand, ultérieurement, le tribunal saisi d'une demande tendant à l'annulation du plan local d'urbanisme, estime fondé le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'avis de la commission d'enquête. Eu égard à la différence d'objet, de nature et de cadre juridique de ces deux procédures, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'elles n'étaient pas exclusives l'une de l'autre.

9. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ;/ b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ;/ c) Soit de leur caractère d'espaces naturels./ En zone N, peuvent seules être autorisées: 1 - les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière ; 2 - les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...) ". En relevant qu'alors même que la parcelle cadastrée section EK n° 197, propriété de la SCI l'Harmas, est située à proximité d'un quartier urbanisé, elle n'est pas bâtie et s'inscrit dans l'environnement naturel du Vallon des Gordes, caractéristique des paysages aixois, et en déduisant que le classement de cette parcelle en zone naturelle n'était pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, la cour administrative d'appel de Marseille, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas dénaturé les pièces du dossier.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la SCI l'Harmas doit être rejeté, y compris les conclusions qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge le versement à la commune d'Aix-en-Provence d'une somme de 3 000 euros à ce titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SCI l'Harmas est rejeté.

Article 2 : La SCI l'Harmas versera à la commune d'Aix-en-Provence une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société L'harmas, à la Commune D'aix-en-provence et à Metropole D'aix-marseille Provence.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 428158
Date de la décision : 29/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-06-04 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES. POUVOIRS DU JUGE. - POSSIBILITÉ POUR LE JUGE DE SURSEOIR À STATUER EN VUE DE PERMETTRE LA RÉGULARISATION D'UN VICE ENTACHANT UN DOCUMENT D'URBANISME (ART. L. 600-9 DU CODE DE L'URBANISME) - DROIT APPLICABLE - 1) RÈGLES DE FORME ET DE PROCÉDURE - DROIT EN VIGUEUR À LA DATE DU DOCUMENT CONTESTÉ [RJ1] - 2) DÉTERMINATION DE L'AUTORITÉ COMPÉTENTE POUR APPROUVER LA RÉGULARISATION - DROIT EN VIGUEUR À LA DATE DE CETTE APPROBATION [RJ2].

68-06-04 1) Pour la mise en oeuvre de l'article L. 600 9 du code de l'urbanisme, eu égard à son objet et à sa portée, il appartient à l'autorité compétente de régulariser le vice de forme ou de procédure affectant la décision attaquée en faisant application des dispositions en vigueur à la date à laquelle cette décision a été prise.... ,,2) En revanche, la compétence de l'autorité appelée à approuver la régularisation doit être appréciée au regard des dispositions en vigueur à la date de cette approbation.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 22 décembre 2017, Commune de Sempy c/ M.,, n° 395963, p. 380.,,

[RJ2]

Rappr., sur l'autorité compétente pour modifier, abroger ou retirer un acte administratif, CE, Section, 30 septembre 2005,,, n° 280605, p. 402.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2020, n° 428158
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bertrand Mathieu
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet
Avocat(s) : CABINET BRIARD ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:428158.20200729
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