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22/07/2020 | FRANCE | N°437115

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 22 juillet 2020, 437115


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille d'ordonner à l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'éditer son titre de permis de conduire " motocyclette " dans un délai de 8 jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1908276 du 11 décembre 2019, le juge des référés a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 26

décembre 2019 et les 10 janvier et 27 mars 2020 au secrétariat du contentieux du...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille d'ordonner à l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'éditer son titre de permis de conduire " motocyclette " dans un délai de 8 jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1908276 du 11 décembre 2019, le juge des référés a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 26 décembre 2019 et les 10 janvier et 27 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ANTS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé, de rejeter la demande de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la route ;

- le décret n° 2007-240 du 22 février 2007 ;

- le décret n° 2007-255 du 27 février 2007 ;

- l'arrêté du 20 avril 2012 fixant les conditions d'établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire modifié ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Charmont, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de l'Agence nationale des titres sécurisés et à Me Le Prado, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Saisi sur le fondement de ces dispositions, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l'urgence justifie, notamment sous forme d'injonctions adressées à l'administration, à la condition que ces mesures soient utiles, ne se heurtent à aucune contestation sérieuse et ne fassent obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative, à moins qu'il ne s'agisse de prévenir un péril grave.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Lille qu'après avoir réussi, le 30 octobre 2017, l'examen de passage du permis de conduire de catégorie A " motocyclette ", M. A... a, à de nombreuses reprises et notamment le 15 novembre 2017 et les 22 mai et 13 juin 2018, vainement tenté de compléter, sur le site informatique du téléservice " Demande de permis de conduire " de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), un dossier de demande de titre sécurisé de permis de conduire " motocyclette ". Il a alors saisi le juge des référés pour qu'il enjoigne à l'ANTS, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative cité ci-dessus, de lui éditer le titre sécurisé correspondant à son permis de conduire. L'ANTS se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 11 décembre 2019 par laquelle le juge des référés a fait droit à sa demande.

3. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 112-9 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'elle met en place un ou plusieurs téléservices, l'administration rend accessibles leurs modalités d'utilisation, notamment les modes de communication possibles. Ces modalités s'imposent au public. Lorsqu'elle a mis en place un téléservice réservé à l'accomplissement de certaines démarches administratives, une administration n'est régulièrement saisie par voie électronique que par l'usage de ce téléservice. "

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 22 février 2007 portant création de l'Agence nationale des titres sécurisés, dans sa rédaction applicable à la date de l'ordonnance attaquée : " L'agence a pour mission de répondre aux besoins des administrations de l'Etat de conception, de gestion, de production de titres sécurisés et des transmissions de données qui leurs sont associées. Ces titres sont des documents délivrés par l'Etat et faisant l'objet d'une procédure d'édition et de contrôle sécurisée. / Sans préjudice des dispositions relatives au système d'information et de communication de l'Etat, pour l'accomplissement de ces missions, l'agence est chargée notamment de : (...) / 2° Assurer ou faire assurer, la mise en oeuvre de services en ligne, de moyens d'identification électronique et de transmissions de données associée à la délivrance et à la gestion des titres sécurisés ; (...) / La liste des titres sécurisés est fixée par décret. / (...). Sa mission exclut l'instruction des demandes et la délivrance des titres (...) ". En vertu du 11° de l'article 1er du décret du 27 février 2007 fixant la liste des titres sécurisés relevant de l'Agence nationale des titres sécurisés, dans sa version applicable au présent litige, le permis de conduire est au nombre des titres sécurisés pour lesquels l'ANTS exerce les missions qui lui sont confiées par les dispositions citées ci-dessus.

5. Enfin, aux termes du II de l'article R. 221-1-1 du code de la route : " Le permis de conduire est délivré à tout candidat qui a satisfait aux épreuves d'examen prévues au présent chapitre par le préfet du département de sa résidence ou par le préfet du département dans lequel ces épreuves ont été subies ", les articles R. 221-10 à R. 221-13 du même code fixant les conditions dans lesquelles cette délivrance peut être soumise par le préfet à un contrôle médical de l'aptitude à la conduite, ou limitée dans sa durée.

6. Il résulte de ces dispositions que la personne qui, ayant passé avec succès les épreuves d'examen de l'une des catégories de permis de conduire mentionnées à l'article R. 221-4 du code de la route, entend obtenir la délivrance du titre de conduite afférent, doit renseigner son dossier de demande en utilisant la plateforme informatique du site de l'ANTS. Lorsque l'autorité préfectorale à laquelle ce dossier est transmis délivre, à l'issue de l'instruction conduite par les services compétents de l'Etat, l'autorisation de conduire, elle fait assurer par l'ANTS la production du titre de conduite sécurisé et son expédition à l'intéressé.

7. Il résulte des termes mêmes de l'ordonnance attaquée que, pour juger qu'il y avait lieu d'enjoindre à l'ANTS d'éditer le permis de conduire de M. A..., le juge des référés s'est fondé sur ce que, d'une part, l'intéressé avait passé avec succès l'examen de permis de conduire et que, d'autre part, le dossier qu'il avait fait parvenir à l'administration devait être regardé comme complet. En statuant ainsi, sans rechercher si l'intéressé disposait, à la suite de l'instruction de sa demande par l'autorité préfectorale à laquelle le dossier de cette demande est transmis, d'une autorisation de conduire délivrée par cette même autorité, il a entaché son ordonnance d'une erreur de droit.

,

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, l'ANTS est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé.

10. En premier lieu, en l'absence, ainsi qu'il résulte de l'instruction, de tout examen du dossier de M. A... par l'autorité préfectorale compétente pour statuer sur la délivrance d'une autorisation de conduire une motocyclette relevant d'un permis " A ", la demande tendant à ce que le juge des référés enjoigne à l'ANTS d'éditer le titre sécurisé correspondant à ce titre de conduite est de nature à faire obstacle à l'exécution d'une décision administrative.

11. En second lieu, si la demande de M. A... peut être regardée comme tendant, à titre subsidiaire, à ce que le juge des référés ordonne toute mesure de nature à permettre l'enregistrement effectif de son dossier afin qu'il soit instruit en vue de la production du titre sécurisé qu'il sollicite, le requérant ne justifie pas, à la date de la présente décision, ne pas être en mesure de déposer sur le site de l'ANTS, conformément aux dispositions de 1'article 1er de l'arrêté du 20 avril 2012 fixant les conditions d'établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire dans sa rédaction applicable au litige, un dossier complet de demande de titre sécurisé de permis de conduire, compte tenu de l'existence de " points d'accueil numériques " installés au sein de la préfecture et des sous-préfectures du département du Nord et des propositions d'aide du service téléphonique spécialisé de l'ANTS dénommé " Centre de Contact Citoyen ", auxquelles il n'a au demeurant, en 2018 et 2019, pas donné suite. Dès lors, une injonction adressée en ce sens à l'ANTS ne présente plus, à la date de la présente décision, de caractère utile.

12. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence posée par l'article L. 521-3 du code de justice administrative, les autres conditions posées par cette article ne sont pas remplies. La demande de M. A... doit, par suite, être rejetée, y compris, par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente, tant en première instance qu'en cassation, au titre de l'article L. 761-1 du même code.

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme que demande l'ANTS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille du 11 décembre 2019 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'Agence nationale des titres sécurisés et par M A... sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Agence nationale des titres sécurisés et à M. B... A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 437115
Date de la décision : 22/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2020, n° 437115
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Charmont
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:437115.20200722
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