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15/07/2020 | FRANCE | N°417706

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 15 juillet 2020, 417706


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 30 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017 relatif au comité social et économique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;
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- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondame...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 30 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017 relatif au comité social et économique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;

- l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Yaël Treille, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de la Confédération générale du travail - Force ouvrière ;

Considérant ce qui suit :

1. L'article 1er de l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales fusionne en une seule instance, le comité social et économique, trois instances d'information et de consultation préexistantes : les délégués du personnel, le comité d'entreprise et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. La Confédération générale du travail - Force ouvrière demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 29 décembre 2017 relatif au comité social et économique pris pour son application. Elle soutient que ce décret a pour base légale plusieurs dispositions législatives du code du travail issues de cette ordonnance qui méconnaissent l'article 151 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou est pris pour leur application.

2. D'une part, aux termes de l'article 151 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " L'Union et les États membres, conscients des droits sociaux fondamentaux, tels que ceux énoncés dans la charte sociale européenne signée à Turin le 18 octobre 1961 et dans la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989, ont pour objectifs la promotion de l'emploi, l'amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale adéquate, le dialogue social, le développement des ressources humaines permettant un niveau d'emploi élevé et durable et la lutte contre les exclusions (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité ".

4. En premier lieu, si l'article L. 2315-36 du code du travail dispose qu'une commission santé, sécurité et conditions de travail est créée au sein du comité social et économique dans les entreprises d'au moins trois cents salariés et dans les installations nucléaires de base et installations susceptibles de donner lieu à des servitudes d'utilité publique, cette disposition ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce qu'une telle commission soit créée dans d'autres entreprises à titre obligatoire ou à titre facultatif. A cet égard, l'article L. 2315-37 du code du travail prévoit que dans les entreprises de moins de trois cents salariés, l'inspecteur du travail peut imposer la création d'une commission santé, sécurité et conditions de travail, notamment en raison de la nature des activités, de l'agencement ou de l'équipement des locaux. De même, une ou des commissions santé, sécurité et conditions de travail peuvent être instituées par voie conventionnelle dans les conditions prévues par les articles L. 2315-41 à L. 2315-43 du code du travail ou, à défaut d'accord conclu en application de l'article L. 2315-43, par décision unilatérale de l'employeur sur le fondement du second alinéa de l'article L. 2315-44 du même code. Le syndicat requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la circonstance que les dispositions précitées permettent la création d'une commission santé, sécurité et conditions de travail dans les entreprises de moins de trois cents salariés sans l'imposer dans toutes ces entreprises méconnaîtrait les stipulations de droit européen citées aux points 2 et 3.

5. En deuxième lieu, en se bornant à faire valoir que certaines des attributions antérieurement dévolues au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne seraient plus au nombre des attributions du comité social et économique énoncées par les dispositions législatives du code du travail dans leur rédaction issue de l'ordonnance précitée du 22 septembre 2017 ou de l'ordonnance du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, la confédération requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le décret attaqué aurait été pris sur le fondement ou pour l'application des dispositions législatives relatives au comité social et économique contraires, pour ce motif, à l'article 151 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou à l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

6. En troisième lieu, si la Confédération générale du travail - Force ouvrière soutient que les dispositions du code du travail relatives à la composition et au fonctionnement du comité social et économique et de ses commissions issues des ordonnances du 22 septembre 2017 et du 20 décembre 2017 précitées, notamment celles de l'article L. 2315-39 relatives au nombre minimum de représentants du personnel à la commission mentionnée au point 4, de l'article L. 2314-1 sur les règles de présence, lors des séances du comité, des membres suppléants de la délégation du personnel, de l'article L. 2315-40 concernant la durée minimale de formation des membres de la commission mentionnée au point 4 et de l'article L. 2315-80 pour la prise en charge par le comité social et économique d'une partie du coût de certaines expertises auxquelles il décide de recourir, seraient de nature à affaiblir, de même que l'absence, selon elle, de spécialisation des membres du comité, la défense de la protection de la santé des travailleurs, il n'en résulte pas, en tout état de cause, que, par elles-mêmes, ces dispositions méconnaîtraient l'article 151 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

7. Enfin, les dispositions de l'article L. 2315-41 du code du travail, en ce qu'elles prévoient que dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, l'accord d'entreprise défini à l'article L. 2313-2 du code du travail fixe les modalités de mise en place de la ou des commissions santé, sécurité et conditions de travail, en définissant notamment " les missions déléguées à la ou les commissions par le comité économique et social et leurs modalités d'exercice ", ne méconnaissent pas, en tout état de cause, l'article 151 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

8. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret qu'elle attaque serait illégal au motif qu'il a pour base légale plusieurs dispositions législatives contraires au droit de l'Union ou qu'il est pris pour leur application.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la Confédération générale du travail - Force ouvrière doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la Confédération générale du travail - Force ouvrière est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale du travail - Force ouvrière, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 417706
Date de la décision : 15/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2020, n° 417706
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Yaël Treille
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:417706.20200715
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