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10/07/2020 | FRANCE | N°428857

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 10 juillet 2020, 428857


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1903781/5-1 du 14 mars 2019, enregistrée le 20 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 22 février 2019 au greffe de ce tribunal, présentée par Mme A... B.... Par cette requête, enregistrée le 3 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir

l'arrêté du 5 décembre 2018 par lequel la garde des sceaux, ministre de l...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1903781/5-1 du 14 mars 2019, enregistrée le 20 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 22 février 2019 au greffe de ce tribunal, présentée par Mme A... B.... Par cette requête, enregistrée le 3 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 décembre 2018 par lequel la garde des sceaux, ministre de la justice ne l'a pas autorisée à poursuivre sa participation aux épreuves du concours de recrutement de magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire, pour la session 2018 ;

2°) d'enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice de l'autoriser à poursuivre sa participation à ce concours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- décret n° 2001-1099 du 22 novembre 2001 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- l'arrêté du 22 novembre 2001 relatif aux concours de recrutement de magistrats prévus par l'article 21-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 5 décembre 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice ne l'a pas admise à poursuivre sa participation aux épreuves du concours de recrutement de magistrats du second grade prévu par l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, ouvert par un arrêté du 13 avril 2018, auquel elle a été admise à concourir le 19 juillet 2018.

2. En vertu de l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Deux concours sont ouverts pour le recrutement de magistrats du second et du premier grade de la hiérarchie judiciaire. / Les candidats doivent remplir les conditions prévues à l'article 16 ", ce dernier prévoyant notamment que les candidats doivent " 3° Jouir de leurs droits civiques et être de bonne moralité ". En vertu de l'article 1er du décret du 22 novembre 2001 pris pour l'application de l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 : " Le programme des épreuves, les modalités d'organisation et la discipline des concours ainsi que les conditions d'inscription et les listes des candidats admis à prendre part aux épreuves sont fixés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 22 novembre 2001 pris à cet effet, dans sa version applicable au litige : " Le directeur de l'Ecole nationale de la magistrature s'assure que les dossiers de candidature sont régulièrement constitués. / Il transmet alors les dossiers en état au garde des sceaux, ministre de la justice, qui fixe par arrêté, après avis du directeur de l'Ecole nationale de la magistrature, la liste des candidats admis à prendre part respectivement à chacun des concours. La vérification des conditions exigées par l'article 16 (3°) de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée est toutefois effectuée dans les conditions prévues à l'article 7. (...) ". L'article 7 du même arrêté dispose que : " Dès que le jury de chaque concours a arrêté la liste des candidats déclarés admissibles, le directeur de l'Ecole nationale de la magistrature communique aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance et aux procureurs de la République près les tribunaux de première instance, par l'intermédiaire des procureurs généraux près les cours d'appel et des procureurs de la République près les tribunaux supérieurs d'appel, l'identité de ceux résidant dans leur ressort. / Le procureur de la République recueille, pour chaque candidat, les pièces suivantes : / 1° Bulletin n° 2 du casier judiciaire ; / 2° Avis de l'autorité administrative, assorti du rapport établi par les services chargés de l'enquête. / Le procureur de la République, après avoir recueilli, le cas échéant, tous renseignements complémentaires utiles, transmet ces éléments au procureur général ou au procureur près le tribunal supérieur d'appel qui les adresse au directeur de l'Ecole nationale de la magistrature, dans le délai prescrit par ce dernier, avec un rapport contenant son avis motivé. (...) Dès réception de ces éléments, le directeur de l'école les transmet avec son avis au garde des sceaux, ministre de la justice. / Les candidats qui ne satisfont pas aux conditions exigées par l'article 16 (3°) de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée reçoivent notification de la décision prise à leur égard par le garde des sceaux, ministre de la justice. "

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

3. En premier lieu, aux termes du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) les directeurs d'administration centrale (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. E... a été nommé directeur des services judiciaires du ministère de la justice par un décret du 11 octobre 2017 et a reçu délégation de signature à compter du 12 octobre 2017 à l'effet de signer au nom du garde des sceaux, ministre de la justice, tous actes et décisions à l'exclusion des décrets. Par suite, il était compétent pour signer au nom du garde des sceaux, ministre de la justice, la décision du 5 décembre 2018 n'autorisant pas Mme B... à poursuivre sa participation aux épreuves du concours de recrutement de magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire.

4. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la décision attaquée, qui comporte les motifs de droit et de fait qui la fondent, est insuffisamment motivée manque en fait.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Il résulte des dispositions citées au point 2 que le candidat à un concours de recrutement prévu par l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 est inscrit sur la liste des candidats admis à concourir sous réserve de la vérification du respect des conditions fixées au 3° de l'article 16 de cette ordonnance, qui est effectuée après que la liste des candidats admissibles a été arrêtée. L'appréciation alors portée a pour seul objet de vérifier que le candidat satisfait aux conditions fixées par le législateur et la décision qui, à l'issue de cette vérification, n'admet pas un candidat à poursuivre sa participation au concours ne peut être regardée comme étant au nombre des décisions individuelles que mentionne l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elle n'est pas davantage au nombre des décisions soumises à une obligation de motivation en application de l'article L. 211-2 du même code ni, par suite, au nombre des mesures individuelles qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de faire valoir ses observations ou de prendre connaissance de son dossier et n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les autres lois et les règlements, lesquelles ne prévoient pas non plus de telles obligations. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait irrégulière pour avoir été prise sans que Mme B... ait eu connaissance au préalable des éléments recueillis lors de la vérification qui l'a précédée ne peut qu'être écarté.

6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 15 mai 2017, le directeur de l'Ecole nationale de la magistrature a donné délégation à Mme D... C... à l'effet de prendre notamment les actes relatifs à l'aptitude des auditeurs de justice et des autres publics formés par les services de la formation initiale et à la vie administrative et pédagogique de l'Ecole. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle n'avait pas compétence pour rendre l'avis sur la candidature de Mme B... doit être écarté.

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

7. La procédure prévue par les articles 6 et 7 de l'arrêté du 22 novembre 2001 cités au point 2, instituée pour procéder à la vérification que le candidat satisfait à la condition de " bonne moralité " résultant de la combinaison des articles 16 et 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, a pour objet de s'assurer que les candidats présentent les garanties nécessaires pour exercer les fonctions de magistrat et, en particulier, pour remplir les devoirs qui s'attachent à leur état. En prenant en compte les éléments résultant du rapport d'enquête prévu par l'article 7 de l'arrêté du 22 novembre 2001 faisant état de comportements inappropriés de l'intéressée à l'égard des services du greffe du tribunal de grand instance de Douai, à plusieurs reprises entre 2011 et 2016, qui mettaient en cause tant les personnes que l'institution judiciaire, la garde des sceaux, ministre de la justice a retenu des faits susceptibles de caractériser un défaut de moralité, au sens des dispositions précitées. Contrairement à ce qui est soutenu, elle n'a pas procédé à une appréciation de l'aptitude de Mme B... à exercer les fonctions de magistrat, qui relève du jury prévu par l'article 21 de l'ordonnance, après la formation probatoire organisée par l'Ecole nationale de la magistrature et n'a entaché sa décision d'aucune erreur de droit ni d'aucun détournement de pouvoir.

8. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que l'appréciation portée par la garde des sceaux, ministre de la justice, serait entachée d'une erreur manifeste doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque. Ses conclusions aux fins d'injonction et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Madame B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 10 jui. 2020, n° 428857
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laurence Franceschini
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck

Origine de la décision
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Date de la décision : 10/07/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 428857
Numéro NOR : CETATEXT000042133608 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-07-10;428857 ?
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