Vu la procédure suivante :
M. C... A... a porté plainte devant le conseil régional de l'ordre des géomètres-experts de Paris contre M. D... B..., géomètre-expert. Par une décision du 5 octobre 2017, le conseil régional a rejeté sa demande comme irrecevable.
Par une décision n° 998D du 10 janvier 2019, le conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts a, sur appel de M. A..., annulé cette décision et renvoyé l'affaire devant le conseil régional de Paris.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars et 13 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat:
1°) d'annuler cette décision ;
2°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 ;
- le décret n° 96-478 du 31 mai 1996 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Calothy, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. B..., à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat du conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts et à la SCP Piwnica, Molinie, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un litige de voisinage opposant Mme A... et la propriétaire de la parcelle voisine, le juge des référés du tribunal de grande instance a confié à M. B..., géomètre-expert, une mission d'expertise. A la suite de cette mission, M. B... a fait l'objet d'une plainte engagée par M. A..., père de Mme A..., devant le conseil régional de l'ordre des géomètres-experts de Paris. Le conseil régional de Paris a jugé que la plainte de M. A... était irrecevable, faute d'intérêt à agir du requérant, qui n'était pas partie dans le litige initial. Saisi en appel par M. A..., le conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts a annulé la décision du conseil régional de Paris et lui a renvoyé l'affaire. M. B... se pourvoit en cassation contre cette décision.
2. Aux termes de l'article 23 de la loi du 7 mai 1946 instituant l'ordre des géomètres-experts : " Tout manquement aux devoirs de la profession rend son auteur passible d'une sanction disciplinaire (...) / Les poursuites sont intentées auprès du conseil régional soit par le commissaire du gouvernement, soit d'office, soit sur plainte des intéressés ". Aux termes de l'article 92 du décret du 31 mai 1996 portant règlement de la profession de géomètre-expert et code des devoirs professionnels : " Le chargé de la déontologie, soit de sa propre initiative, soit à la demande du commissaire du Gouvernement ou de son délégué ou sur la plainte de toute personne intéressée, fait procéder à une enquête par un membre de l'ordre désigné à cet effet. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., qui assistait sa fille pour la préparation et l'exécution des travaux qu'elle envisageait, a participé en son nom aux opérations de bornage réalisées par M. B..., géomètre-expert, dans le cadre d'une expertise demandée par le juge judiciaire afin d'établir la limite séparative entre la propriété de Mme A... et celle de sa voisine. Toutefois, la seule circonstance d'avoir participé à des opérations de bornage pour le compte d'un tiers, en l'espèce sa fille, dont il est constant qu'elle était majeure au moment des faits en cause, et d'estimer avoir observé à cette occasion, chez le géomètre-expert, un comportement contraire aux règles déontologiques, ne confère pas à M. A... un intérêt suffisamment personnel et direct pour lui donner la qualité de " personne intéressée " au sens des dispositions précitées et lui permettre de déposer plainte contre le géomètre-expert devant les instances ordinales. Il suit de là que le conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts, en jugeant qu'il avait la qualité de " personne intéressée " au sens des dispositions précitées au seul motif qu'il avait participé aux opérations de bornage de la propriété de sa fille, qu'il assistait dans ses travaux, a commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens, que M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision du conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros à verser à M. B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts du 10 janvier 2019 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts.
Article 3: M. A... versera à M. B... une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5: La présente décision sera notifiée à M. D... B..., au conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts et à M. C... A....