La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2020 | FRANCE | N°425335

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 03 juillet 2020, 425335


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 novembre 2018 et 13 février et 14 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 septembre 2018 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, a refusé son inscription au tableau de l'ordre des médecins et a décidé qu'il ne pourrait présenter de nouvelle demande d'inscription qu'après avoir

suivi " trois semestres de formation dans des services validant pour le DES d'...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 novembre 2018 et 13 février et 14 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 septembre 2018 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, a refusé son inscription au tableau de l'ordre des médecins et a décidé qu'il ne pourrait présenter de nouvelle demande d'inscription qu'après avoir suivi " trois semestres de formation dans des services validant pour le DES d'ORL " ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. A... et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., médecin spécialiste qualifié en oto-rhino-laryngologie, qui exerçait jusqu'alors dans le département du Val d'Oise a, par une demande du 22 juin 2017, sollicité, à l'occasion du transfert de sa résidence professionnelle à Paris, son inscription au tableau de l'ordre de ce département. Le conseil départemental de la ville de Paris a, sur le fondement du II de l'article R. 4112-2 du code de la santé publique, saisi le conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des médecins aux fins que soit diligentée une expertise en vue de vérifier sa compétence professionnelle. Au vu du rapport d'expertise, le conseil départemental a, par une décision du 16 mai 2018, refusé l'inscription de M. A... au tableau de l'ordre des médecins. Le conseil régional d'Ile-de-France a, pour les mêmes motifs, également refusé de faire droit à la demande de M. A.... Ce dernier demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 5 septembre 2018 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, a refusé qu'il soit inscrit au tableau de l'ordre.

2. Aux termes de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique : " Les médecins (...) qui exercent dans un département sont inscrits sur un tableau établi et tenu à jour par le conseil départemental de l'ordre dont ils relèvent. / (...) /. Nul ne peut être inscrit sur ce tableau s'il ne remplit pas les conditions requises par le présent titre et notamment les conditions nécessaires de moralité, d'indépendance et de compétence (...) ". Aux termes de l'article L. 4112-3 du même code : " Le conseil départemental de l'ordre statue sur la demande d'inscription au tableau dans un délai maximum de trois mois à compter de la réception de la demande, accompagnée d'un dossier complet. / Les modalités selon lesquelles le conseil départemental vérifie que l'intéressé ne présente pas d'insuffisance professionnelle, d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession sont prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 4112-5 du même code : " (...) En cas de transfert de la résidence professionnelle hors du département ou de la collectivité territoriale où il est inscrit, l'intéressé doit, au moment de ce transfert, demander son inscription au tableau de l'ordre du département ou de la collectivité territoriale de la nouvelle résidence ". Aux termes de l'article R. 4112-2 du même code : " I. A la réception de la demande [d'inscription au tableau de l'ordre], le président du conseil départemental désigne un rapporteur parmi les membres du conseil. Ce rapporteur procède à l'instruction de la demande et fait un rapport écrit. / Le conseil vérifie les titres du candidat et demande communication du bulletin n°2 du casier judiciaire de l'intéressé. Il refuse l'inscription si le demandeur est dans l'un des trois cas suivants : (...) / 2°) Il est établi, dans les conditions fixées au II, qu'il ne remplit pas les conditions nécessaires de compétence (...) / II. En cas de doute sérieux sur la compétence professionnelle du demandeur, le conseil départemental saisit, par une décision non susceptible de recours, le conseil régional ou interrégional qui diligente une expertise. Le rapport d'expertise est établi dans les conditions prévues aux II, III, IV, VI et VII de l'article R. 4124-3-5 et il est transmis au conseil départemental. / S'il est constaté, au vu du rapport d'expertise, une insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession, le conseil départemental refuse l'inscription et précise les obligations de formation du praticien. La notification de cette décision mentionne qu'une nouvelle demande d'inscription ne pourra être acceptée sans que le praticien ait au préalable justifié avoir rempli les obligations de formation fixées par la décision du conseil départemental (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 4124-3-5 du même code : " (...) II. - La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional dans les conditions suivantes : / 1° Pour les médecins, le rapport est établi par trois médecins qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien concerné désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts. Ce dernier est choisi parmi les personnels enseignants et hospitaliers titulaires de la spécialité. Pour la médecine générale, le troisième expert est choisi parmi les personnels enseignants titulaires ou les professeurs associés ou maîtres de conférences associés des universités (...). / IV. Les experts procèdent ensemble, sauf impossibilité manifeste, à l'examen des connaissances théoriques et pratiques du praticien. Le rapport d'expertise est déposé au plus tard dans le délai de six semaines à compter de la saisine du conseil. Il indique les insuffisances relevées au cours de l'expertise, leur dangerosité et préconise les moyens de les pallier par une formation théorique et, si nécessaire, pratique. / Si les experts ne peuvent parvenir à la rédaction de conclusions communes, le rapport comporte l'avis motivé de chacun d'eux (...) ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins a décidé de saisir le conseil régional en vue qu'une expertise soit diligentée sur la compétence professionnelle de M. A..., en estimant qu'il y avait un doute sérieux sur celle-ci, M. A... ayant pris sa retraite en 2005 même s'il continuait à avoir une activité médicale réduite. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le conseil départemental aurait eu recours à une expertise dans un cas non prévu par les dispositions du II de l'article R. 4112-2 du code de la santé publique et que l'expertise aurait été irrégulièrement diligentée.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'alors même que l'expertise n'a pas conclu à l'insuffisance professionnelle de M. A..., deux des experts étant favorables à ce qu'il poursuive une activité médicale en oto-rhino-laryngologie en cabinet, en cessant toutefois son activité chirurgicale " en tant qu'opérateur " et le troisième expert étant favorable à la poursuite de la totalité de son activité, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 2 et n'a pas commis d'erreur de droit en retenant que M. A..., qui n'avait pas suivi de formation médicale continue depuis 1998 et qui ne justifiait, pour la période allant du mois d'octobre 2016 au mois de novembre 2017, que de la réalisation de treize interventions chirurgicales, ce qui était insusceptible de lui permettre de continuer de maîtriser l'ensemble des gestes nécessaires à l'activité chirurgicale, présentait une insuffisance professionnelle rendant dangereux qu'il exerce la spécialité d'oto-rhino-laryngologie, qui comporte une part d'activité chirurgicale. Si M. A... fait valoir que la décision refusant de l'inscrire au tableau de l'ordre est disproportionnée dès lors que l'instance ordinale aurait dû autoriser son inscription au tableau et simultanément, en application des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, le suspendre du droit d'exercer toute activité chirurgicale, il résulte du code de la santé publique que les procédures d'inscription au tableau de l'ordre et de suspension pour insuffisance professionnelle, qui sont distinctes et ont des objets différents, ne peuvent être mises en oeuvre simultanément par le Conseil national de l'ordre des médecins.

5. En dernier lieu, la circonstance que l'expertise diligentée sur les compétences professionnelles de M. A... ne se soit pas prononcée sur la nécessité que ce dernier suive une formation théorique et, le cas échéant, pratique, ne faisait pas, par elle-même, obstacle à ce que l'instance ordinale décide que M. A... ne pourrait présenter de nouvelle demande d'inscription au tableau de l'ordre qu'après avoir suivi " trois semestres de formation dans des services validant pour le diplôme d'études spécialisées (DES) d'ORL ".

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du Conseil national de l'ordre des médecins, au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du Conseil national de l'ordre des médecins, présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au Conseil national de l'ordre des médecins.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 425335
Date de la décision : 03/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - APPRÉCIATIONS SOUMISES À UN CONTRÔLE NORMAL - APPRÉCIATION PAR LES INSTANCES ORDINALES DE LA COMPÉTENCE PROFESSIONNELLE D'UN PRATICIEN SOLLICITANT SON INSCRIPTION AU TABLEAU DE L'ORDRE D'UNE PROFESSION MÉDICALE (ART - L - 4112-1 ET S - DU CSP).

54-07-02-03 Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur l'appréciation portée par les instances ordinales des professions médicales, en application des articles L. 4112-1 et suivants du code de la santé publique (CSP) relatifs aux conditions d'inscription au tableau de l'ordre, sur la compétence professionnelle du praticien qui sollicite son inscription au tableau de l'ordre.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - ORDRES PROFESSIONNELS - ORGANISATION ET ATTRIBUTIONS NON DISCIPLINAIRES - QUESTIONS PROPRES À CHAQUE ORDRE PROFESSIONNEL - PROFESSIONS MÉDICALES - INSCRIPTION AU TABLEAU DE L'ORDRE - 1) APPRÉCIATION DE LA COMPÉTENCE PROFESSIONNELLE DU DEMANDEUR - CONTRÔLE NORMAL DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - 2) EXPERTISE NE SE PRONONÇANT PAS SUR LA NÉCESSITÉ POUR LE DEMANDEUR DE SUIVRE UNE FORMATION - CIRCONSTANCE FAISANT OBSTACLE À CE QUE L'INSTANCE ORDINALE SUBORDONNE LA PRÉSENTATION D'UNE NOUVELLE DEMANDE D'INSCRIPTION AU SUIVI D'UNE FORMATION - ABSENCE.

55-01-02 1) Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur l'appréciation portée par les instances ordinales des professions médicales, en application des articles L. 4112-1 et suivants du code de la santé publique (CSP) relatifs aux conditions d'inscription au tableau de l'ordre, sur la compétence professionnelle du praticien qui sollicite son inscription au tableau de l'ordre.,,,2) La circonstance que l'expertise diligentée sur les compétences professionnelles d'un praticien sollicitant son inscription au tableau de l'ordre d'une profession médicale ne se soit pas prononcée sur la nécessité que ce dernier suive une formation théorique et, le cas échéant, pratique, ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que l'instance ordinale décide que l'intéressé ne pourrait présenter de nouvelle demande d'inscription au tableau de l'ordre qu'après avoir suivi une formation.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - ACCÈS AUX PROFESSIONS - PROFESSIONS MÉDICALES - INSCRIPTION AU TABLEAU DE L'ORDRE - 1) APPRÉCIATION DE LA COMPÉTENCE PROFESSIONNELLE DU DEMANDEUR - CONTRÔLE NORMAL DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - 2) EXPERTISE NE SE PRONONÇANT PAS SUR LA NÉCESSITÉ POUR LE DEMANDEUR DE SUIVRE UNE FORMATION - CIRCONSTANCE FAISANT OBSTACLE À CE QUE L'INSTANCE ORDINALE SUBORDONNE LA PRÉSENTATION D'UNE NOUVELLE DEMANDE D'INSCRIPTION AU SUIVI D'UNE FORMATION - ABSENCE.

55-02 1) Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur l'appréciation portée par les instances ordinales des professions médicales, en application des articles L. 4112-1 et suivants du code de la santé publique (CSP) relatifs aux conditions d'inscription au tableau de l'ordre, sur la compétence professionnelle du praticien qui sollicite son inscription au tableau de l'ordre.,,,2) La circonstance que l'expertise diligentée sur les compétences professionnelles d'un praticien sollicitant son inscription au tableau de l'ordre d'une profession médicale ne se soit pas prononcée sur la nécessité que ce dernier suive une formation théorique et, le cas échéant, pratique, ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que l'instance ordinale décide que l'intéressé ne pourrait présenter de nouvelle demande d'inscription au tableau de l'ordre qu'après avoir suivi une formation.


Publications
Proposition de citation : CE, 03 jui. 2020, n° 425335
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Françoise Tomé
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:425335.20200703
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award