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01/07/2020 | FRANCE | N°434105

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 01 juillet 2020, 434105


Vu les procédures suivantes :

1° Par une ordonnance n° 1802094 du 27 août 2019, enregistrée le 28 août 2019 sous le n° 434105 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. B... A....

Par cette requête, enregistrée le 24 mai 2018 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, et un mémoire complémentaire, enregistré le 9 décembre 2019 au secrétariat du contentieux

du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour exc...

Vu les procédures suivantes :

1° Par une ordonnance n° 1802094 du 27 août 2019, enregistrée le 28 août 2019 sous le n° 434105 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. B... A....

Par cette requête, enregistrée le 24 mai 2018 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, et un mémoire complémentaire, enregistré le 9 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la sanction de quatre jours d'arrêts qui lui a été infligée le 24 avril 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Par une ordonnance n° 1803578 du 27 août 2019, enregistrée le 28 août 2019 sous le n° 434106 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. B... A....

Par cette requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 8 août 2018 et 24 août 2019 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, et un nouveau mémoire, enregistré le 9 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la sanction de dix jours d'arrêts qui lui a été infligée le 21 juin 2018 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 434105 et n° 434106 présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur la requête n° 434105 :

2. Il ressort des pièces du dossier que le capitaine A..., officier fusilier commando parachutiste de l'air, affecté au sein de la brigade aérienne des forces de sécurité et d'intervention (BAFSI), située sur la base aérienne (BA) 106 de Bordeaux-Mérignac, s'est vu infliger, le 24 avril 2018, une sanction du premier groupe de quatre jours d'arrêts au motif qu'il avait refusé d'obéir aux ordres.

3. Toutefois, par une décision du 17 décembre 2019, la ministre des armées a, postérieurement à l'introduction de la présente requête, retiré cette sanction. Il en résulte que les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette sanction, quand bien même elle serait entièrement exécutée, sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

4. Il n'y a pas lieu dans cette affaire, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n° 434106 :

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a sollicité, le 1er mars 2018, une demande de permission pour se rendre du 30 mars au 8 avril 2018 à Moscou (Russie). Le commandant en second de la BAFSI a émis un avis favorable à sa demande pour la période, mais réservé au vu de l'avis de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense pour la destination. Du 25 au 30 mars 2018, le capitaine A... était en mission à Cahors. Le 27 mars 2018, le commandant de la BA 106, a refusé pour des " raisons de sécurité " de lui accorder la permission sollicitée pour se rendre en Russie. Du 31 mars au 8 avril 2018, M. A... ne s'est pas présenté au service. A son retour, le 9 avril 2018, il a indiqué qu'étant en mission du 25 au 30 mars 2018, il n'avait pas été informé de ce refus de permission. Le commandant des forces aériennes a décidé, le 21 juin 2018, de lui infliger une sanction du premier groupe de dix jours d'arrêts au motif qu'il n'avait présenté aucun justificatif d'absence pour la période du 31 mars au 8 avril 2018.

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4137-2 du code de la défense : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / 1° Les sanctions du premier groupe sont : (...) e) Les arrêts (...) ". Aux termes de l'article L. 4137-4 du même code : " Le ministre de la défense ou les autorités habilitées à cet effet prononcent les sanctions disciplinaires et professionnelles prévues aux articles L.4137-1 et L.4137-2 (...) ". Aux termes de l'article R. 4137-10 du même code : " Les autorités investies du pouvoir disciplinaire mentionnées à l'article L. 4137-4 du code de la défense (...) sont le ministre de la défense et les autorités militaires. / Les autorités militaires sont désignées parmi les officiers (...) en position d'activité des forces armées et des formations rattachées. Elles sont réparties en trois niveaux en fonction de la nature des sanctions disciplinaires du premier groupe mentionnées à l'article R. 4137-25 qu'elles sont habilitées à infliger. / La liste des fonctions pour lesquelles les autorités militaires sont investies des prérogatives d'autorité de premier, deuxième ou troisième niveau est fixée par arrêté du ministre de la défense (...) ". Aux termes de l'article R. 4137-16 de ce code : " Lorsqu'un militaire a commis une faute ou un manquement, il fait l'objet d'une demande de sanction motivée qui est adressée à l'autorité militaire de premier niveau dont il relève (...)./ Si l'autorité militaire de premier niveau estime que la gravité de la faute ou du manquement constaté justifie soit une sanction disciplinaire du premier groupe excédant son pouvoir disciplinaire, soit une sanction du deuxième ou troisième groupe, la demande de sanction est adressée à l'autorité militaire de deuxième niveau dont relève l'autorité militaire de premier niveau même si le militaire fautif a changé de formation administrative durant cette période (...) ". L'article R. 4137-25 du code de la défense dispose que les autorités militaires de deuxième niveau sont habilitées à infliger jusqu'à 30 jours d'arrêts au titre des sanctions disciplinaires du même groupe. Enfin, l'arrêté du 18 février 2016 fixant, au sein de l'armée de l'air, la liste des autorités militaires de premier et deuxième niveaux, désigne, pour les unités relevant du commandant des forces aériennes, le commandant des forces aériennes comme autorité militaire de deuxième niveau.

7. Il résulte des dispositions précitées que le commandant des forces aériennes était compétent pour infliger, en tant qu'autorité militaire de deuxième niveau, une sanction de dix jours d'arrêts au capitaine A.... Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la sanction doit, par suite, être écarté.

8. En deuxième lieu, la circonstance que le commandant des forces aériennes a repris à son compte les motifs figurant dans la demande de sanction n'implique pas qu'il se soit estimé en situation de compétence liée pour prendre la sanction en litige, qui est suffisamment motivée.

9. En dernier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 4121-5 du code de la défense : " Lorsque les circonstances l'exigent, la liberté de circulation des militaires peut être restreinte ". Aux termes de l'article D. 4121-4 du même code : " En dehors du service et lorsqu'ils ne sont pas soumis à une astreinte liée à l'exécution du service ou à la disponibilité de leur formation, les militaires sont libres de circuler :/ 1° Dans l'ensemble constitué par le territoire national, les pays de l'Union européenne et ceux figurant sur une liste établie par le ministre de la défense ; (...) / Lorsque les circonstances l'exigent, le ministre de la défense peut restreindre l'exercice de la liberté de circulation ". La circulaire du 21 février 2003 relative aux conditions dans lesquelles les militaires peuvent franchir les limites du territoire métropolitain définit les Etats, parmi lesquels figure la Russie (hors du district fédéral du nord-Caucase), où les déplacements doivent être expressément autorisés par le commandant de la formation administrative après avis du poste de protection et de sécurité de la défense auquel la formation est rattachée. Le militaire doit présenter sa demande d'autorisation, en plus de la demande de permission, au moins trois semaines avant la date de départ prévue.

10. M. A... soutient que les motifs justifiant le refus de lui accorder cette autorisation pour se rendre en Russie entre le 30 mars et le 8 avril 2018 n'étaient pas légitimes et que, par suite, sa demande d'autorisation doit être considérée comme valide. Toutefois, il ne conteste pas avoir sollicité cette autorisation et être parti en Russie sans avoir vérifié que celle-ci et la permission d'absence correspondante lui avaient été accordées, alors même qu'elles lui avaient été refusées à plusieurs reprises les mois précédents au motif notamment de son manque de coopération à l'enquête de sécurité effectuée dans le cadre de ses demandes. Dès lors et alors même que le refus d'autorisation et de permission n'a pas été notifié à M. A..., qui était alors en mission, le fait pour celui-ci de s'être absenté du service sans autorisation préalable de la hiérarchie et sans être en mesure de présenter un justificatif valable constitue une faute de nature à justifier une sanction.

11. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de sanction dont il a fait l'objet le 21 juin 2018. Ses conclusions indemnitaires fondées sur la responsabilité de l'administration en raison du caractère fautif de cette décision ne peuvent, par suite, qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la ministre.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées sous le n° 434105.

Article 2 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous le n° 434105 et la requête n° 434106 sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la ministre des armées.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 434105
Date de la décision : 01/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2020, n° 434105
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Mélanie Villiers
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:434105.20200701
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