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29/06/2020 | FRANCE | N°430584

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 29 juin 2020, 430584


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1800184 du 9 mai 2019, enregistrée le 15 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête et le mémoire en réplique enregistrés le 3 janvier 2018 et le 1er mars 2019 au greffe de ce tribunal, présentés par M. B... A.... Par cette requête, ce mémoire en réplique et un mémoire complémentaire, enregistré le 13 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Cons

eil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) de condamner l'Eta...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1800184 du 9 mai 2019, enregistrée le 15 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête et le mémoire en réplique enregistrés le 3 janvier 2018 et le 1er mars 2019 au greffe de ce tribunal, présentés par M. B... A.... Par cette requête, ce mémoire en réplique et un mémoire complémentaire, enregistré le 13 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 29 348 euros en réparation du préjudice qu'il a subi du fait du refus illégal de nomination dont il a fait l'objet, dont 24 348 euros au titre de la perte de chance sérieuse d'être nommé juge de proximité dès le 3 octobre 2013 et 5 000 euros au titre du préjudice moral ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'organisation judiciaire ;

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, résultant de la loi n° 2003-153 du 26 février 2003 ;

- le décret n°93-21 du 7 janvier 1993 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Moreau, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la décision du 25 novembre 2013 du Conseil supérieur de la magistrature rendant un avis non conforme à la nomination de M. A..., président honoraire de tribunal de grande instance, aux fonctions de juge de proximité, le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé, par une lettre du 3 octobre 2013, de proposer sa nomination en cette qualité dans la juridiction de proximité de Charleville-Mézières. Par une décision du 2 décembre 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé la décision de refus de nomination du garde des sceaux, ministre de la justice. M. A... demande réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de la décision illégale de refus de nomination.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 41-19 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, alors en vigueur : " Les juges de proximité sont nommés pour une durée de sept ans non renouvelable, dans les formes prévues pour les magistrats du siège. (...)." Aux termes de l'article 41-17 de la même ordonnance : " Peuvent être nommés juges de proximité, pour exercer une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions judiciaires de première instance, s'ils remplissent les conditions prévues aux 2° à 5° de l'article 16 : 1° Les anciens magistrats de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif (...). " L'article 41-21 de la même ordonnance dispose que " Les juges de proximité exercent leurs fonctions à temps partiel. Ils perçoivent une indemnité de vacation dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. " L'article 35-14 du décret du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, alors en vigueur, dispose que " Dans la limite des crédits ouverts à cet effet au budget du ministère de la justice, il est attribué aux juges de proximité, pour l'accomplissement des fonctions judiciaires qui leur sont dévolues, une indemnité de vacation forfaitaire dont le taux unitaire est égal à vingt-cinq dix millièmes du traitement brut annuel moyen d'un magistrat du second grade. Le nombre de vacations allouées à chaque juge de proximité ne peut excéder 200 par an. (...). "

3. L'illégalité de la décision du 3 octobre 2013 du garde des sceaux, ministre de la justice constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. M. A... est en droit d'obtenir réparation des préjudices directs et certains ayant résulté pour lui de cette décision.

4. D'une part, M. A... qui, à la suite d'une nouvelle demande, a été nommé dans les fonctions de juge de proximité par décret du Président de la République le 6 avril 2016, soutient que la décision illégale du garde des sceaux, ministre de la justice l'a privé d'une chance sérieuse d'être nommé dans les fonctions de juge de proximité dès le 3 octobre 2013. Il résulte de l'instruction que le requérant remplissait les conditions requises pour être nommé dans les fonctions de juge de proximité, qu'il bénéficiait d'un avis favorable des chefs de juridiction de la cour d'appel de Reims, que son aptitude à exercer des missions juridictionnelles n'était pas contestée et qu'un poste était vacant au tribunal de grande instance de Charleville-Mézières. Dans ces conditions, seul l'avis non conforme du Conseil supérieur de la magistrature a conduit le garde des sceaux, ministre de la justice à refuser de nommer M. A... dans les fonctions de juge de proximité. Celui-ci doit donc être regardé comme ayant été privé d'une chance sérieuse d'occuper les fonctions de juge de proximité du 3 octobre 2013 au 6 avril 2016, date à laquelle il a été nommé en cette qualité dans la juridiction de proximité de Charleville-Mézières, et de percevoir, pour la période en cause, l'indemnité de vacation mentionnée à l'article 41-21 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. Il sera fait une exacte appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 22 826 euros.

5. D'autre part, M. A... soutient qu'il a subi un préjudice moral du fait du refus illégal de nomination. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral en en fixant le montant global à 3 000 euros.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à M. A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. A..., une somme de 25 826 euros.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 430584
Date de la décision : 29/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2020, n° 430584
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Moreau
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:430584.20200629
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