Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 6 juillet 2018 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de réexaminer sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.
Par une décision n° 18043850 du 25 juin 2019, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 23 septembre 2019 et le 20 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la SCP Melka, Prigent, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Melka - Prigent, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. En vertu de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) se prononce sur la reconnaissance de la qualité de réfugié ou l'octroi de la protection subsidiaire au terme d'une instruction unique au cours de laquelle le demandeur d'asile est mis en mesure de présenter les éléments à l'appui de sa demande. L'article L. 723-3 du même code dispose que : " L'office convoque le demandeur à une audition. Il peut s'en dispenser s'il apparaît que : / a) L'office s'apprête à prendre une décision positive à partir des éléments en sa possession ; / b) Le demandeur d'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ; / c) Les éléments fournis à l'appui de la demande sont manifestement infondés ; / d) Des raisons médicales interdisent de procéder à l'entretien ". Aux termes de l'article L. 723-16 du même code : " A l'appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d'asile./ L'office procède à un examen préliminaire des faits ou des éléments nouveaux présentés par le demandeur intervenus après la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu'il n'a pu en avoir connaissance qu'après cette décision./ Lors de l'examen préliminaire, l'office peut ne pas procéder à un entretien./ Lorsque, à la suite de cet examen préliminaire, l'office conclut que ces faits ou éléments nouveaux n'augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection, il peut prendre une décision d'irrecevabilité ".
2. En vertu de l'article L. 731-2 du même code, la Cour nationale du droit d'asile statue sur les recours formés contre les décisions de l'OFPRA prises en application des articles L. 711-1, L. 712-1 à L. 712-3 et L. 723-1 à L. 723-3.
3. Il appartient, en principe, à la Cour nationale du droit d'asile, qui est saisie d'un recours de plein contentieux, non d'apprécier la légalité de la décision de l'OFPRA qui lui est déférée, mais de se prononcer elle-même sur le droit de l'intéressé à la qualité de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire au vu de l'ensemble des circonstances de fait dont elle a connaissance au moment où elle statue. Toutefois, lorsque le recours dont est saisie la Cour est dirigé contre une décision de l'Office qui a statué sur une demande d'asile sans procéder à l'audition du demandeur prévue par l'article L. 723-3, il revient à la Cour, eu égard au caractère essentiel et à la portée de la garantie en cause, si elle juge que l'Office n'était pas dispensé par la loi de convoquer le demandeur à une audition et que le défaut d'audition est imputable à l'Office, d'annuler la décision qui lui est déférée et de renvoyer l'examen de la demande d'asile à l'Office, sauf à ce qu'elle soit en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection au vu des éléments établis devant elle.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., de nationalité pakistanaise, a présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile qui a été rejetée comme irrecevable par une décision de l'OFPRA en date du 6 juillet 2018 sans que l'intéressé ait été reçu à un entretien par l'Office. Dès lors que la Cour nationale du droit d'asile avait considéré que M. A... avait présenté, à l'appui de sa demande de réexamen, des éléments de preuve nouveaux augmentant de manière significative la probabilité qu'il justifie des conditions requises pour bénéficier d'une protection, elle devait annuler la décision d'irrecevabilité prise par l'OFPRA et lui renvoyer la demande de réexamen sauf à ce qu'elle soit en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection au vu des éléments établis devant elle. En rejetant le recours de M. A... sans renvoyer l'examen de sa demande à l'OFPRA afin qu'il soit mis à même de bénéficier de la garantie que constitue son audition, la cour a dès lors méconnu son office.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Melka, Prigent son avocat, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 25 juin 2019 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : L'OFPRA versera une somme de 3 000 euros à la SCP Melka , Prigent au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.