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19/06/2020 | FRANCE | N°433786

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 19 juin 2020, 433786


Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière Carol, Mme B... C..., M. A... H... G..., M. I... E..., la société à responsabilité limitée Imo-Group, M. D... F..., la société civile immobilière Audonienne et la société civile immobilière Albert ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 février 2014 du préfet de la Seine-Saint-Denis déclarant immédiatement cessibles, pour cause d'utilité publique, à la société d'économie mixte de construction et de rénovation de Saint-Ouen (SEMISO), les parcelles

de terrain nécessaires à l'opération d'aménagement de la zone d'aménagement conce...

Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière Carol, Mme B... C..., M. A... H... G..., M. I... E..., la société à responsabilité limitée Imo-Group, M. D... F..., la société civile immobilière Audonienne et la société civile immobilière Albert ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 février 2014 du préfet de la Seine-Saint-Denis déclarant immédiatement cessibles, pour cause d'utilité publique, à la société d'économie mixte de construction et de rénovation de Saint-Ouen (SEMISO), les parcelles de terrain nécessaires à l'opération d'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) de la Porte de Saint-Ouen. Par un jugement n° 1505386, 1505392, 1505397, 1505606 et 1505641 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté attaqué.

Par un arrêt n° 16VE01738 du 20 juin 2019, la cour administrative d'appel de Versailles, sur appel de la SEMISO et du ministre de l'intérieur, a annulé le jugement du tribunal administratif de Montreuil et rejeté les demandes des requérants.

Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 20 août et 20 novembre 2019 et le 27 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F..., M. E..., la SARL Imo-Group et la SCI Carol demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;

3°) de mettre la somme de 4 000 euros à la charge de la SEMISO et de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;

- le décret n° 2014-408 du 16 avril 2014 ;

- le décret n° 2017-1070 du 24 mai 2017 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de M. F..., de M. E..., de la Société Imo-group et de la Société Carol et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Semiso ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI Carol, Mme C..., MM. H... G..., E... et F..., la SARL Imo-Group, la SCI Audonienne et la SCI Albert ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 3 février 2014 déclarant immédiatement cessibles, pour cause d'utilité publique, à la société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen, SEMISO, les parcelles de terrain nécessaires à l'opération d'aménagement de la zone d'aménagement concerté Porte de Saint-Ouen. Par un jugement du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à cette demande. M. F..., M. E..., la SARL Imo-Group et la SCI Carol se pourvoient en cassation contre l'arrêt en date du 20 juin 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, sur appel de la SEMISO et du ministre de l'intérieur, a annulé le jugement du tribunal administratif de Montreuil et rejeté les requêtes dirigées contre l'arrêté attaqué du 3 février 2014.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la recevabilité de l'appel du ministre de l'intérieur :

2. En premier lieu, l'article R. 811-10 du code de justice administrative dispose que : " (...) Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat. / Les ministres peuvent déléguer leur signature dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 16 avril 2014 relatif aux attributions du ministre de l'intérieur : " (...) Conjointement avec le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, il prépare et met en oeuvre la politique du gouvernement à l'égard des collectivités territoriales. (...) ". Aux termes de l'article premier du décret du 24 mai 2017 relatif aux attributions du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur : " (...) Conjointement avec le ministre de la cohésion des territoires et dans les conditions prévues à l'article 2, il prépare et met en oeuvre la politique du gouvernement à l'égard des collectivités territoriales. (...) ". Il résulte des dispositions précitées des décrets des 16 avril 2014 et 24 mai 2017 qu'il entrait dans les attributions du ministre de l'intérieur de mettre en oeuvre la politique du gouvernement à l'égard des collectivités territoriales. Il s'ensuit qu'en jugeant que le ministre de l'intérieur avait qualité pour faire appel du jugement rendu en première instance sur un recours pour excès de pouvoir formé contre un arrêté préfectoral de cessibilité, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 751-8 du code de justice administrative : " Lorsque la notification d'une décision du tribunal administratif (...) doit être faite à l'Etat, l'expédition est adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige. Copie de la décision est adressée au préfet ainsi que, s'il y a lieu, à l'autorité qui assure la défense de l'Etat devant la juridiction. (...) ". Aux termes de l'article R. 811-2 du même code : " Sauf dispositions contraires, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4-1 (...) ". Il ressort des pièces de la procédure devant les juges du fond que le jugement du tribunal administratif du 7 avril 2016 n'a pas été notifié au ministre de l'intérieur. Il s'ensuit qu'en jugeant sans incidence sur le déclenchement du délai de recours à la fois la notification du jugement du tribunal administratif au préfet de la Seine-Saint-Denis le 8 avril 2016 et la seule communication par la cour de la procédure d'appel de la SEMISO au ministre de l'intérieur le 4 août 2016 et en écartant en conséquence la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'appel du ministre, la cour administrative d'appel n'a ni commis erreur de droit ni inexactement qualifié les faits.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur l'existence et la légalité de la délibération 11/118-2 du 27 juin 2011 du conseil municipal de Saint-Ouen :

4. En premier lieu, en se fondant sur la retranscription des débats du conseil municipal du 27 juin 2011 et sur le procès-verbal de la séance pour juger que la demande d'ouverture des enquêtes publiques conjointes, objet de la délibération 11/118-2, a été soumise au débat et au vote du conseil municipal, ce vote ayant été regroupé avec le surplus du point 29 de l'ordre du jour, pour en déduire que le tribunal administratif avait à tort retenu l'inexistence de la délibération 11/118-2 du 27 juin 2011, la cour, qui n'a pas entaché son appréciation souveraine de dénaturation des pièces du dossier, n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en se fondant sur les mentions de la délibération 11/118-2 du 27 juin 2011 et sur le relevé des décisions du conseil municipal pour juger que le quorum était atteint au moment du vote de cette délibération, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la légalité de l'arrêté du 3 février 2014 déclarant immédiatement cessibles les parcelles de terrain nécessaires à l'opération d'aménagement de la ZAC de Saint-Ouen :

6. En premier lieu, si les requérants soutenaient en appel que l'expropriation, même partielle, des parcelles visées n'était plus nécessaire à la réalisation du projet de ZAC à la suite du changement de conseil municipal, la cour a pu, sans erreur de droit, écarter ce moyen dès lors que, se fondant sur des circonstances postérieures à l'arrêté attaqué, il était inopérant.

7. En second lieu, d'une part, l'article R. 11-28 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors en vigueur, dispose que : " Sur le vu du procès-verbal et des documents y annexés, le préfet, par arrêté, déclare cessibles les propriétés ou parties de propriétés dont la cession est nécessaire. Ces propriétés sont désignées conformément aux dispositions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et l'identité des propriétaires est précisée conformément aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article 5 de ce décret ou de l'alinéa 1er de l'article 6 du même décret, sans préjudice des cas exceptionnels mentionnés à l'article 82 du décret d'application n° 55-1350 du 14 octobre 1955 (...) ". D'autre part, l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière prévoit que : " Tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un service chargé de la publicité foncière doit indiquer, pour chacun des immeubles qu'il concerne, la nature, la situation, la contenance et la désignation cadastrale (section, numéro du plan et lieu-dit). Le lieu-dit est remplacé par l'indication de la rue et du numéro pour les immeubles situés dans les parties agglomérées des communes urbaines. / Lorsqu'il réalise ou constate une division de la propriété du sol entraînant changement de limite, l'acte ou la décision doit désigner l'immeuble tel qu'il existait avant la division et chacun des nouveaux immeubles résultant de cette division, sauf en cas de lotissement effectué dans le cadre de la législation sur les lotissements ou s'il s'agit d'immeubles situés dans les communes où le cadastre n'est pas rénové. La constitution sur une fraction de parcelle d'un droit d'usufruit, d'un droit de superficie ou d'un bail emphytéotique est considérée comme un changement de limite de propriété. / Lorsque, sans réaliser ou constater une division de la propriété du sol entraînant changement de limite, il ne concerne qu'une ou plusieurs fractions d'un immeuble, l'acte ou la décision judiciaire doit comporter à la fois la désignation desdites fractions et celle de l'ensemble de l'immeuble. La désignation de la fraction est faite conformément à un état descriptif de division, ou, éventuellement, à un état modificatif, établi dans les conditions fixées par décret, et préalablement publié ; elle doit mentionner le numéro du lot dans lequel la fraction est comprise, et, sous réserve des exceptions prévues audit décret, la quote-part dans la propriété du sol afférente à ce lot. Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables lorsque l'acte ou la décision concerne soit une servitude, soit un droit d'usage ou d'habitation, soit un bail de plus de douze années. Elles sont également sans application lorsque l'acte ou la décision entraîne la suppression de la division de l'immeuble. / Les mêmes indications doivent obligatoirement figurer dans tout bordereau, extrait, expédition ou copie, déposé en vue de l'exécution de la formalité. / S'il s'agit d'immeubles situés dans les communes où le cadastre a été rénové, et faisant l'objet d'une mutation par décès, d'un acte ou d'une décision judiciaire translatif, déclaratif ou constitutif d'un droit réel susceptible d'hypothèque, la désignation est faite conformément à un extrait cadastral ayant moins de six mois de date au jour de la remise au service chargé de la publicité foncière, et, en cas de changement de limite, d'après les documents d'arpentage établis spécialement en vue de la conservation du cadastre. Cet extrait ou ces documents doivent être remis au service chargé de la publicité foncière à l'appui de la réquisition de la formalité ".

8. Il résulte des dispositions combinées citées au point précédent que lorsqu'un arrêté de cessibilité déclare cessibles des parties de parcelles, ce qui implique de modifier les limites des terrains concernés, un document d'arpentage doit être préalablement réalisé afin que l'arrêté de cessibilité désigne les parcelles concernées conformément à leur numérotation issue de ce document. Le défaut d'accomplissement de cette obligation, qui constitue alors une garantie pour les propriétaires concernés par la procédure d'expropriation, entache d'irrégularité l'arrêté de cessibilité.

9. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. F..., M. E... et la SARL Immo-Group ont fait valoir dans leurs écritures d'appel que l'arrêté du 3 février 2014 déclarant cessibles les parcelles nécessaires à l'opération d'aménagement de la zone d'aménagement concerté Porte de Saint-Ouen n'avait pas été précédé d'un document d'arpentage alors même que les parcelles dont ils sont propriétaires n'étaient que partiellement expropriées. En écartant ce moyen comme non assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et en exigeant en conséquence des intéressés, dont les allégations n'étaient pas contestées, des précisions qui n'étaient pas nécessaires pour apprécier si la règle énoncée au point 8, dont ils se prévalaient, avait été méconnue, la cour a commis une erreur de droit.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêt du 20 juin 2019 ne doit être annulé qu'en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté du 3 février 2014 en tant qu'il déclare immédiatement cessibles les parcelles Z 13 et Z 14 appartenant d'une part, à M. E... et à la SARL Imo-Group et, d'autre part, à M. F....

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas d'avantage lieu de faire droit aux conclusions présentées, au même titre par la SEMISO.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 20 juin 2019 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté du 3 février 2014 en tant qu'il déclare immédiatement cessibles les parcelles Z 13 et Z 14 appartenant, d'une part, à M. E... et à la SARL Imo-Group et, d'autre part, à M. F....

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi ainsi que les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SEMISO au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D... F..., premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, à la société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 433786
Date de la décision : 19/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2020, n° 433786
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Myriam Benlolo Carabot
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP OHL, VEXLIARD ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:433786.20200619
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