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19/06/2020 | FRANCE | N°427471

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 19 juin 2020, 427471


Vu les procédures suivantes :

M. C... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 9 août 2017 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui a retiré la qualité de réfugié qui lui avait été reconnue le 4 décembre 1992.

Par une décision n° 17034354 du 14 décembre 2018, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

1° Sous le n° 427471, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 29 janvier, 19 avril 2019 et 30 décembre

2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

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Vu les procédures suivantes :

M. C... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 9 août 2017 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui a retiré la qualité de réfugié qui lui avait été reconnue le 4 décembre 1992.

Par une décision n° 17034354 du 14 décembre 2018, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

1° Sous le n° 427471, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 29 janvier, 19 avril 2019 et 30 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 17034354, qui lui a été notifiée par un courrier du 19 décembre 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 429803, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 15 avril et 8 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 17034354 du 14 décembre 2018, qui lui a été notifiée le 21 mars 2019 ;

2°) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la SCP Rocheteau-Uzan-Sarano, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, auditeur,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. B... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'office français de protection des refugies et apatrides ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces de la procédure menée devant la Cour nationale du droit d'asile que M. B... l'a saisie d'une requête tendant à l'annulation de la décision du 4 août 2017 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à son statut de réfugié. Une audience, au cours de laquelle il a été entendu, s'est tenue le 12 juillet 2018. La minute signée de la décision n° 17034354 comporte comme date de lecture celle du 14 décembre 2018. Il s'ensuit que si la Cour nationale du droit d'asile a notifié, par erreur, au requérant une " décision " n° 17034354 faisant état d'une date de lecture du 30 août 2018, il résulte des mentions de la minute, qui seules font foi en vertu de l'article R. 733-30 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la seule décision prise à son égard a été lue le 14 décembre 2018 ainsi que cela lui a été notifié par un courrier du 21 mars 2019. Il s'ensuit que les documents enregistrés sous le n° 427471 doivent être regardés comme des mémoires présentés dans le cadre de la requête enregistrée sous le n° 429803 qui tend à l'annulation de la decision du 14 décembre 2018 et que la requête enregistrée sous le n° 427471doit être rayée des registres du secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat.

Sur la régularité de la décision attaquée :

2. Il résulte des motifs énoncés au point précédent que le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait irrégulière au motif qu'il existerait deux minutes portant des dates différentes doit être écarté.

Sur le bien-fondé de la décision attaquée :

3. Aux termes du 2° du A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui : " craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ". Aux termes du F de l'article 1er de la même convention : " Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : (...) c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au présent litige, l'OFPRA peut " mettre fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié lorsque : (.../...) 3° Le réfugié doit, compte tenu de circonstances intervenues après la reconnaissance de cette qualité, en être exclu en application des sections D, E ou F de l'article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951 (...) ".

4. En premier lieu, le deuxième alinéa de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui est issu de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, reconnait à l'OFPRA le pouvoir de mettre fin au statut de réfugié lorsque la personne qui a bénéficié de ce statut doit en être exclue en application des sections D, E ou F de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951. Ces dispositions se bornent à tirer les conséquences de ce que l'intéressé ne remplit plus les conditions pour bénéficier de la protection conventionnelle. Il s'ensuit que les décisions prises sur le fondement de cet article ne constituent pas une sanction ayant le caractère de punition. Dès lors, la cour, à qui il appartient de se prononcer sur le droit au maintien du statut de réfugié, ne s'est pas méprise sur la portée des écritures du requérant et n'a pas commis d'erreur de droit en faisait application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors même que les agissements reprochés à M. A... étaient antérieurs à leur entrée en vigueur.

5. En deuxième lieu, les actes terroristes ayant une ampleur internationale en termes de gravité, d'impact international et d'implications pour la paix et la sécurité internationales peuvent être assimilés à des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies au sens du c) du F de l'article 1er de la convention de Genève. Il en va de même des actions de soutien à une organisation qui commet, prépare ou incite à la commission de tels actes, notamment en participant de manière significative à son financement. L'OFPRA peut mettre fin au statut de réfugié d'une personne dont il existe des raisons sérieuses de penser qu'une part de responsabilité dans de tels agissements peut lui être imputée personnellement.

6. Il ressort des énonciations non contestées de la décision attaquée que M. B..., de nationalité sri lankaise et qui bénéficiait du statut de réfugié depuis 1992, a, par un jugement définitif du tribunal correctionnel de Paris du 23 novembre 2009, été reconnu coupable et condamné à une peine de deux années d'emprisonnement pour association de malfaiteurs et extorsion en relation avec une entreprise terroriste et financement d'une entreprise terroriste, en raison de sa participation aux activités du comité de coordination Tamoul France (CCTF), alors liée au mouvement sri-lankais des Tigres Libérateurs de l'Eelam Tamoul (LTTE), organisation faisant partie des groupes terroristes figurant sur la liste annexée à la position commune 2001/931 PESC du 27 décembre 2001 du Conseil de l'Union européenne relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme en vertu de la position commune du Conseil du 29 mai 2006.

7. D'une part, pour juger que l'activité de financement du LTTE par le CCTF relevait d'agissements contraires aux buts et principes des Nations unies, la Cour s'est fondée sur le caractère terroriste de la première organisation, sur les moyens dont elle disposait et qui lui permettaient d'agir sur la scène internationale, sur les effets des actions violentes menées par celle-ci jusqu'en 2009 au Sri-Lanka et dans d'autres Etats et sur la dimension internationale de l'action de soutien du CCTF aux activités opérationnelles du LTTE. Ce faisant, elle n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l'espèce.

8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la condamnation de M. B... à deux ans d'emprisonnement pour association de malfaiteurs et extorsion en relation avec une entreprise terroriste et financement d'une entreprise terroriste par le tribunal correctionnel de Paris est fondée sur le constat selon lequel ce dernier a sciemment mis à la disposition des membres dirigeants du CCTF, auxquels il était lié de longue date, le magasin dont il était le gérant à Paris, qui était non seulement un lieu de rencontre régulier entre ces derniers et un vecteur de diffusion de la propagande du LTTE, mais également le lieu de convergence et de transit de fonds collectés par le CCTF au profit du LTTE, de sorte que l'intéressé constituait, ainsi que l'a relevé la Cour, un " rouage important de l'organisation du LTTE en France " et tenait, dans le dispositif de financement de cette organisation par le CCTF, un " rôle central qui justifie le prononcé d'une peine sévère ". En jugeant qu'eu égard à ces constatations et à la condamnation prononcée, à l'ancienneté de son engagement volontaire au sein du LTTE dont il connaissait les agissements répréhensibles et dont il ne s'est jamais désolidarisé alors qu'il n'a jamais allégué avoir subi de pressions, ainsi qu'à l'importance du rôle qu'il a joué dans le fonctionnement du CCTF par le biais de son magasin, dont l'activité occulte n'était que la reprise de celle d'un précédent commerce qu'il avait ouvert avec l'un des principaux dirigeants du mouvement, et alors qu'il avait persisté en audience à nier ses relations avec les membres du CCTF, les agissements du LTTE et la destination des fonds transitant par son commerce, il existait des raisons sérieuses de penser qu'une part de responsabilité pouvait être personnellement imputée à M. B... dans les agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies mentionnés au point 6, la Cour n'a pas entaché sa décision d'inexacte qualification juridique des faits.

9. En dernier lieu, ni les dispositions précitées du c) du F de l'article 1er de la convention de Genève ni celles de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonnent l'application de cette clause d'exclusion à l'existence d'un danger actuel pour l'État d'accueil. Il s'ensuit que la Cour, qui ne s'est pas méprise sur la portée des écritures du requérant, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que M. B... ne saurait utilement faire valoir qu'il était parfaitement intégré à la société française et ne représentait aucune menace pour l'ordre public pour faire obstacle à l'application à son endroit de la clause d'exclusion prévue par le c) du F de l'article 1er de la convention.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Les productions enregistrées sous le n° 427471 seront rayées du registre du secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat pour être jointes à la requête n° 429803.

Article 2 : Le pourvoi n° 429803 de M. A... est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... B... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 427471
Date de la décision : 19/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2020, n° 427471
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Réda Wadjinny-Green
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:427471.20200619
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