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12/06/2020 | FRANCE | N°429792

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 12 juin 2020, 429792


Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) du Peuplier a demandé au tribunal administratif de Nantes d'ordonner à la société Electricité de France (EDF) de conclure avec elle un contrat pour l'achat d'électricité au tarif dit " S06 " en lieu et place d'un contrat au tarif d'achat dit " S10 " et de condamner la société EDF à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi depuis la mise en service de ses panneaux photovoltaïques. Par un jugement n° 1601928 du 25 avril 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NT02397 du 15 février 2019, la cour administrative d'appel de...

Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) du Peuplier a demandé au tribunal administratif de Nantes d'ordonner à la société Electricité de France (EDF) de conclure avec elle un contrat pour l'achat d'électricité au tarif dit " S06 " en lieu et place d'un contrat au tarif d'achat dit " S10 " et de condamner la société EDF à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi depuis la mise en service de ses panneaux photovoltaïques. Par un jugement n° 1601928 du 25 avril 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NT02397 du 15 février 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société du Peuplier contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 avril et 15 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SARL du Peuplier demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société EDF la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

- le décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- le décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 ;

- l'arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- l'arrêté du 12 janvier 2010 portant abrogation de l'arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- l'arrêté du 12 janvier 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- l'arrêté du 16 mars 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Humbert, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la société du Peuplier et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Electricité de France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) du Peuplier, aux droits duquel vient la SARL du Peuplier, a mandaté la société Enero pour effectuer l'installation de panneaux photovoltaïques sur la toiture de bâtiments de son exploitation agricole ainsi que le suivi administratif du projet, en vue de la commercialisation de l'électricité produite dans le cadre de l'obligation d'achat prévue aux articles L. 314-1 et suivants du code de l'énergie. La société Enero a adressé le 26 novembre 2009 une demande de contrat d'achat d'électricité à la société EDF qui, par un courrier du 3 décembre 2009, l'a informée de ce qu'elle n'était pas en mesure d'accuser réception de la demande en raison de son caractère incomplet. Par un courrier reçu par la société EDF le 12 janvier 2010, la société Enero a adressé une nouvelle demande de contrat d'achat d'électricité comportant la pièce initialement manquante. Par un courrier du 1er octobre 2012, la société EDF a indiqué au GAEC du Peuplier que sa demande de contrat d'achat n'ayant été déposée que le 12 janvier 2010, le projet ne pouvait bénéficier des tarifs " S06 " fixés par l'arrêté du 10 juillet 2006, mais des tarifs " S10 " prévus par l'arrêté du 12 janvier 2010. La société EDF et le GAEC du Peuplier ont signé le 7 novembre 2012 un contrat d'achat selon le tarif " S10 ", assorti d'une condition résolutoire liée aux résultats des procédures juridictionnelles portant sur la détermination du tarif applicable. Par un jugement du 25 avril 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la SARL du Peuplier tendant à ce qu'il soit enjoint à la société EDF de conclure avec elle un contrat pour l'achat d'électricité au tarif " S06 " et à la condamnation de la société EDF à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi depuis la mise en service des panneaux photovoltaïques. La SARL du Peuplier se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 février 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel contre ce jugement.

2. Aux termes de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité alors applicable : " Sous réserve de la nécessité de préserver le fonctionnement des réseaux, Electricité de France et, si les installations de production sont raccordées aux réseaux publics de distribution dans leur zone de desserte, les entreprises locales de distribution chargées de la fourniture sont tenues de conclure, lorsque les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l'achat de l'électricité produite sur le territoire national par : / (...) 2° Les installations de production d'électricité qui utilisent des énergies renouvelables (...) ". Aux termes de l'article 5 du décret du 10 mai 2001 alors applicable : " Les relations entre le producteur et l'acheteur font l'objet d'un contrat d'achat de l'électricité établi conformément au présent décret et à l'arrêté correspondant à la filière concernée, pris en application de l'article 8 du présent décret ". Aux termes de l'article 8 de ce décret, dans sa rédaction applicable au litige : " Des arrêtés des ministres chargés de l'économie et de l'énergie (...) fixent les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations bénéficiant de l'obligation d'achat prévue par l'article 10 de la loi du 10 février 2000 susvisée. Ces conditions d'achat précisent notamment : (...) 2° Les tarifs d'achat de l'électricité ". Par un arrêté du 10 juillet 2006, les ministres chargés de l'énergie et de l'économie ont, conformément à ces dispositions, fixé le tarif applicable à l'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil. Par deux arrêtés du 12 janvier 2010, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie ont, d'une part, abrogé l'arrêté du 10 juillet 2006 et, d'autre part, fixé de nouvelles conditions d'achat de l'électricité, notamment en abaissant le tarif d'achat. Les ministres ont prévu l'application de ces nouvelles conditions aux installations dont la mise en service n'était pas intervenue à la date de publication de leur arrêté, alors que l'arrêté du 10 juillet 2006 prévoyait que les tarifs applicables à une installation étaient déterminés par la date de demande complète de contrat d'achat par le producteur. Enfin, par deux arrêtés du 16 mars 2010, les mêmes ministres ont, d'une part, confirmé l'application des conditions d'achat définies par l'arrêté du 12 janvier 2010, en le modifiant sur quelques points et, d'autre part, rétabli le bénéfice des conditions d'achat qui résultaient des dispositions de l'arrêté du 10 juillet 2006 pour certaines des installations non mises en service avant le 15 janvier 2010, notamment, et dans les conditions qu'il prévoit, des " installations de puissance crête supérieure à 36 kW et inférieure ou égale à 250 kW, pour lesquelles une demande de contrat d'achat, conforme aux dispositions de l'arrêté du 10 juillet 2006 précité et du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 modifié, a été déposée avant le 11 janvier 2010 ".

3. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'article 1er de l'arrêté du 16 mars 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 que les conditions tarifaires favorables qu'il prévoit s'appliquent, pour les installations dont la mise en service n'était pas intervenue à la date du 15 janvier 2010, lorsque la demande de contrat d'achat selon le prix prévu par les dispositions de l'arrêté du 10 juillet 2006 susvisé a été déposée avant le 11 janvier 2010. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, comme date limite de dépôt de sa demande de contrat d'achat d'électricité, de la date de publication des arrêtés du 12 janvier 2010.

4. En deuxième lieu, la date limite de dépôt mentionnée par l'arrêté du 16 mars 2010, avant laquelle les demandes de contrats d'achat propres à certaines installations continuent de bénéficier des conditions tarifaires antérieures à l'arrêté du 12 janvier 2010, s'entend de la date de réception, par l'acheteur ou par le gestionnaire de réseau, du courrier contenant la demande ou, si cette demande est incomplète, de la date de réception, par l'acheteur ou le gestionnaire, du courrier envoyé contenant la dernière pièce manquante. Par suite, c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel de Nantes s'est fondée, pour vérifier si la demande complète de contrat d'achat avait été déposée avant le 11 janvier 2010, sur la date de réception du courrier par la société EDF et non sur la date d'envoi de celle-ci.

5. En troisième lieu, la cour a jugé, par des motifs non contestés, que le caractère tardif du dépôt de la demande complète de contrat pour pouvoir bénéficier des conditions tarifaires de rachat de l'électricité prévues par l'arrêté du 10 juillet 2006 était à l'origine du préjudice subi du fait de l'application des conditions tarifaires moins favorables prévues par l'arrêté du 12 janvier 2010. Par suite, la société requérante ne saurait utilement critiquer les autres motifs de l'arrêt attaqué, par lesquels la cour a énoncé que l'information erronée délivrée par EDF dans un courrier du 3 mai 2011 ne pouvait en elle-même donner au GAEC du Peuplier l'assurance qu'il pourrait bénéficier des conditions tarifaires définies par l'arrêté du 10 juillet 2006, pour en déduire que la société EDF n'avait pas, en délivrant cette information, commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

6. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société du Peuplier doit être rejeté.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SARL du Peuplier la somme que la société EDF demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société EDF qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SARL du Peuplier est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société EDF au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée (SARL) du Peuplier et à la société Electricité de France.

Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique et solidaire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 12 jui. 2020, n° 429792
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sylvain Humbert
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 9ème chambre
Date de la décision : 12/06/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 429792
Numéro NOR : CETATEXT000042065786 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-06-12;429792 ?
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