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10/06/2020 | FRANCE | N°429957

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 10 juin 2020, 429957


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 18 avril 2019 et le 7 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... C..., M. B... C..., la société à responsabilité limitée Les Hostelines, la société à responsabilité limitée Plug-Inn Hostel, la société à responsabilité limitée Hôtel du Siècle, la société en nom collectif Résidence Aloha, la société à responsabilité limitée L'Hôtelière Caulaincourt, la société à responsabilité limitée Young and Happy Hostelling, la société à responsabilité

limitée Philspring Hostelling, la société à responsabilité limitée Paris Go, la société à resp...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 18 avril 2019 et le 7 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... C..., M. B... C..., la société à responsabilité limitée Les Hostelines, la société à responsabilité limitée Plug-Inn Hostel, la société à responsabilité limitée Hôtel du Siècle, la société en nom collectif Résidence Aloha, la société à responsabilité limitée L'Hôtelière Caulaincourt, la société à responsabilité limitée Young and Happy Hostelling, la société à responsabilité limitée Philspring Hostelling, la société à responsabilité limitée Paris Go, la société à responsabilité limitée K Paris Expo et la société à responsabilité limitée Vintage Hostel demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 février 2019 par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a rejeté leur demande tendant à l'adoption d'un règlement sanitaire national par décret en Conseil d'Etat, en application de l'article L. 1311-1 du code de la santé publique ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre un tel règlement dans un délai de six mois, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 5 000 euros à verser à M. A... C... et à M. B... C... et la somme de 1 000 euros à verser à chacune des sociétés requérantes.

Vu :

- la Constitution ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 ;

- le décret n° 2003-462 du 21 mai 2003 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Walazyc, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'article L. 1311-1 du code de la santé publique, dont les dispositions, reprenant celles de l'article L. 1 de l'ancien code, sont issues de l'article 67 de la loi du 6 janvier 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d'aide sociale et de santé, dispose que : " Sans préjudice de l'application de législations spéciales et des pouvoirs reconnus aux autorités locales, des décrets en Conseil d'Etat, pris après consultation du Haut Conseil de la santé publique et, le cas échéant, du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, fixent les règles générales d'hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l'homme, notamment en matière : (...) / - de salubrité des habitations, des agglomérations et de tous les milieux de vie de l'homme (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1311-2 du même code, reprenant les dispositions de l'article L. 2 de l'ancien code, issues du même article de la loi du 6 janvier 1986 : " Les décrets mentionnés à l'article L. 1311-1 peuvent être complétés par des arrêtés du représentant de l'Etat dans le département ou par des arrêtés du maire ayant pour objet d'édicter des dispositions particulières en vue d'assurer la protection de la santé publique dans le département ou la commune ".

2. Les requérants demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le ministre chargé de la santé a rejeté leur demande tendant à ce que soit pris un " règlement sanitaire national " par décret en Conseil d'Etat, en application de l'article L. 1311-1 du code de la santé publique. Eu égard aux moyens qu'ils soulèvent, ils doivent être regardés comme contestant ce refus en tant qu'il porte sur l'édiction de mesures nationales relatives à la salubrité des habitations.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En vertu de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre assure l'exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire, sous réserve de la compétence conférée au Président de la République par l'article 13. L'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit, mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas où le respect des engagements internationaux de la France y ferait obstacle.

4. L'application de l'article L. 1311-1 du code de la santé publique n'implique en principe la fixation, dans les matières qui relèvent de son champ d'application, de règles générales par décret en Conseil d'Etat, pris après consultation du Haut Conseil de la santé publique et, le cas échéant, du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, que lorsque la situation l'exige.

5. Il résulte toutefois des travaux parlementaires préparatoires à la loi du 6 janvier 1986, dont est issu l'article L. 1311-1 du code de la santé publique, que le législateur a entendu, pour les matières dont il a dressé la liste à cet article, que le pouvoir réglementaire prenne par décret les règlements ainsi prévus. A défaut de tels décrets, le représentant de l'Etat dans le département ou le maire ne peuvent, aux termes de l'article L. 1311-2, intervenir pour adopter des dispositions particulières, qui ne peuvent être prises, depuis la loi du 6 janvier 1986, qu'à titre complémentaire des prescriptions fixées par décret. Si les règlements sanitaires précédemment établis par les préfets en vertu de l'article L. 1 de l'ancien code de la santé publique avant sa modification par la loi du 6 janvier 1986 sont restés en vigueur, ils ne sont demeurés applicables que dans leur rédaction antérieure au 8 janvier 1986, les manquements aux règles qu'ils prévoient dans cette rédaction étant seuls susceptibles d'être pénalement réprimés, en application de l'article 7 du décret du 21 mai 2003 relatif aux dispositions réglementaires des parties I, II et III du code de la santé publique selon lequel : " Le fait de ne pas respecter les dispositions des arrêtés pris en application des articles L. 1 ou L. 3 ou L. 4 du code de la santé publique dans leur rédaction antérieure au 8 janvier 1986 est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 3e classe ".

6. Dès lors que la " salubrité des habitations " est au nombre des matières énumérés à l'article L. 1311-1 du code de la santé publique et que le délai raisonnable, décompté à partir de l'intervention de la loi du 6 janvier 1986, pour adopter le règlement s'y rapportant est dépassé, M. C... et les autres requérants sont fondés à soutenir que le refus d'adopter un décret en application de l'article L. 1311-1 pour fixer les règles générales d'hygiène en matière de salubrité des habitations est illégal et à en demander pour ce motif l'annulation, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur requête.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. L'annulation du refus de prendre le décret relatif à la salubrité des habitations prévu à l'article L. 1311-1 du code de la santé publique implique nécessairement l'édiction de ce décret. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au Premier ministre de prendre ce décret dans un délai de neuf mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 250 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 19 février 2019 par laquelle le ministre de la santé et des solidarités a refusé de proposer à la signature du Premier ministre le décret en Conseil d'Etat relatif à la salubrité des habitations prévu à l'article L. 1311-1 du code de la santé publique est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre de prendre le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 1311-1 du code de la santé publique en matière de salubrité des habitations dans le délai de neuf mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 250 euros à M. A... C..., à M. B... C..., à la société Les Hostelines, à la société Plug-Inn Hostel, à la société Hôtel du Siècle, à la société Résidence Aloha, à la société L'Hôtelière Caulaincourt, à la société Young and Happy Hostelling, à la société Philspring Hostelling, à la société Paris Go, à la société K Paris Expo et à la société Vintage Hostel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... C..., mandataire unique désigné pour l'ensemble des requérants, au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée à la section du rapport et des études.


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 429957
Date de la décision : 10/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2020, n° 429957
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Walazyc
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:429957.20200610
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