Vu la procédure suivante :
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés le 10 octobre 2018 et le 22 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 8 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de la durée excessive de la procédure devant la juridiction administrative ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme A..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eric Thiers, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... demande la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de la durée excessive d'une procédure devant la juridiction administrative.
2. Il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable. Si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect. Ainsi, lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation de l'ensemble des dommages, tant matériels que moraux, directs et certains, ainsi causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Le caractère raisonnable du délai de jugement d'une affaire doit s'apprécier de manière à la fois globale, compte tenu, notamment, de l'exercice des voies de recours, particulières à chaque instance, et concrète, en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement de la procédure et, en particulier, le comportement des parties tout au long de celle-ci, mais aussi, dans la mesure où la juridiction saisie a connaissance de tels éléments, l'intérêt qu'il peut y avoir, pour l'une ou l'autre, compte tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu'il soit tranché rapidement.
3. Il résulte de l'instruction que Mme A..., mandataire judiciaire à la protection des majeurs, a saisi le tribunal administratif de Rennes le 6 avril 2016 d'une requête tendant à l'annulation de la décision du 24 mars 2016 par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, et que par un jugement du 20 décembre 2018, le tribunal administratif a annulé cette décision. La procédure devant le tribunal administratif de Rennes a ainsi duré près de deux ans et onze mois sans que l'administration ait produit en défense, malgré les mises en demeures qui lui ont été adressées. Une telle durée apparaît excessive, s'agissant d'un litige qui ne présentait pas de difficulté particulière, et de l'intérêt qui s'attachait pour Mme A... à ce qu'il soit tranché rapidement. Mme A... est, par suite, fondée à soutenir que son droit à un délai raisonnable de jugement a été méconnu. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme A... en condamnant l'Etat à lui verser une indemnité de 1 000 euros.
4. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia.
D E C I D E :
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Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme A... la somme de 1 000 euros.
Article 2 : l'Etat versera à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme A..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée pour information au chef de la mission permanente d'inspection des juridictions administratives.