Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
La Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66) et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 3 février 2015 accordant à la société La Provençale une dérogation aux interdictions de destruction d'espèces de flore et de faune sauvages protégées, dans le cadre de la réouverture de la carrière de Nau Bouques sur le territoire des communes de Vingrau et Tautavel. Par un jugement n° 1502035 du 3 mai 2016, le tribunal administratif a annulé l'arrêté.
Par un arrêt n° 16MA02625 du 14 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer contre ce jugement. Par un arrêt n° 16MA02626 du même jour, la cour a rejeté l'appel formé par la société La Provençale.
Procédures devant le Conseil d'État :
1° Sous le n° 425395, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 novembre 2018, 14 février 2019 et 6 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société La Provençale demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 16MA02626 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et de M. B... la somme de 3 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 425399, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 novembre 2018, le 14 février 2019 et le 6 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société La Provençale demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 16MA02625 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à l'appel du ministre de la transition écologique et solidaire ;
3°) de mettre à la charge de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et de M. B... la somme de 3 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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3° Sous le n° 425425, par un pourvoi enregistré le 15 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et solidaire demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 16MA02625 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Calothy, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de la société la Provençale, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et autre, et à la SCP Nicolay, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de l'association syndicale professionnelle Minéraux Industriels France ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois visés ci-dessus sont relatifs au même arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales. Il convient de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 3 février 2015, le préfet des Pyrénées-Orientales a accordé à la société La Provençale une dérogation aux interdictions de destruction d'espèces de flore et de faune sauvages protégées pour la réalisation de son projet de réouverture de la carrière de Nau Bouques sur le territoire des communes de Vingrau et Tautavel. A la demande de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et de M. B..., le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté. La cour administrative d'appel de Marseille a, par deux arrêts du 14 septembre 2018, rejeté les appels du ministre chargé de la transition écologique et solidaire et de la société la Provençale. Ces derniers se pourvoient en cassation contre ces arrêts.
Sur le pourvoi n° 425399 :
3. La voie du recours en cassation n'est ouverte, en vertu des règles générales de la procédure, qu'aux personnes qui ont eu la qualité de partie dans l'instance ayant donné lieu à la décision attaquée ainsi qu'à celles qui y sont intervenues, que leur intervention ait été admise ou non, ou qui ont fait appel du jugement ayant refusé d'admettre leur intervention. En revanche, les personnes qui ont eu la qualité d'observateur n'ont pas qualité pour former un pourvoi en cassation.
4. Il ressort des pièces de la procédure que la société La Provençale a eu la qualité d'observateur dans l'instance engagée devant la cour administrative d'appel de Marseille par l'appel du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer. Par suite, le pourvoi de la société contre l'arrêt rendu par la cour dans cette instance est irrecevable et doit être rejeté à ce titre, ensemble ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les interventions présentées par l'association syndicale professionnelle Minéraux Industriels France et l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction au soutien de ce pourvoi sont, par voie de conséquence, irrecevables.
5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les pourvois nos 425395 et 425425 :
En ce qui concerne l'intervention de l'association syndicale professionnelle Minéraux Industriels France et de l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction :
6. L'association syndicale professionnelle Minéraux Industriels France et l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêt attaqué. Ainsi, leurs interventions au soutien des pourvois du ministre de la transition écologique et solidaire et de la société La Provençale sont recevables.
En ce qui concerne le bien-fondé des arrêts attaqués :
7. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...). " Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...). "
8. Il résulte de ces dispositions qu'un projet de travaux, d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, tels que notamment le projet urbain dans lequel il s'inscrit, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
9. Il résulte du point précédent que l'intérêt de nature à justifier, au sens du c) du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, la réalisation d'un projet doit être d'une importance telle qu'il puisse être mis en balance avec l'objectif de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage poursuivi par la législation, justifiant ainsi qu'il y soit dérogé. Ce n'est qu'en présence d'un tel intérêt que les atteintes portées par le projet en cause aux espèces protégées sont prises en considération, en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, afin de vérifier s'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et si la dérogation demandée ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. C'est donc à bon droit que la cour s'est prononcée sur la question de savoir si le projet répond à une raison impérative d'intérêt public majeur, sans prendre en compte à ce stade la nature et l'intensité des atteintes qu'il porte aux espèces protégées, notamment leur nombre et leur situation. Cependant, outre le fait que, comme l'a relevé la cour, l'exploitation de la carrière de Nau-Bouques devrait permettre la création de plus de quatre-vingts emplois directs dans un département dont le taux de chômage dépasse de près de 50 % la moyenne nationale, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le projet de réouverture de la carrière de Nau Bouques s'inscrit dans le cadre des politiques économiques menées à l'échelle de l'Union Européenne qui visent à favoriser l'approvisionnement durable de secteurs d'industrie en matières premières en provenance de sources européennes, qu'il n'existe pas en Europe un autre gisement disponible de marbre blanc de qualité comparable et en quantité suffisante que celui de la carrière de Nau Bouques pour répondre à la demande industrielle et que ce projet contribue à l'existence d'une filière française de transformation du carbonate de calcium. Par suite, eu égard à la nature du projet et aux intérêts économiques et sociaux qu'il présente, la cour a commis une erreur de qualification juridique en estimant qu'il ne répondait pas à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens du c) du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
10. Il résulte de ce qui précède que, sous le n° 425425, le ministre de la transition écologique et solidaire et, sous le n° 425395, la société La Provençale sont fondés à demander l'annulation des arrêts de la cour administrative d'appel de Marseille qu'ils attaquent.
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et de M. B... la somme que demande, sous le n° 425395, la société La Provençale, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de la société La Provençale qui ne sont pas, dans ces deux instances, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les intervention de Minéraux Industriels France et de l'Union nationale de l'industrie de carrières et matériaux de construction ne sont pas admises dans le pourvoi n° 425399 et sont admises dans les pourvois nos 425425 et 425395.
Article 2 : Les arrêts nos 16MA02625 et 16MA02626 du 14 septembre 2018 de la cour administrative d'appel de Marseille sont annulés.
Article 3 : Les deux affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 4 : Le pourvoi n° 425399, les conclusions présentées par la société La Provençale sous le n° 425395 au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et les conclusions présentées par la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales et M. B... sous les nos 425395 - 425399 - 425425 au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Minéraux Industriels France, à l'Union nationale de l'industrie de carrières et matériaux de construction, à la ministre de la transition écologique et solidaire, à la société La Provençale et à la Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales, première dénommée pour l'ensemble des défendeurs.