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09/04/2020 | FRANCE | N°431886

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 09 avril 2020, 431886


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 juin 2019 et 5 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2019-529 du 27 mai 2019 relatif à l'amélioration de la protection sociale au titre de la maladie et de la maternité des travailleurs indépendants.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code

de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 juin 2019 et 5 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2019-529 du 27 mai 2019 relatif à l'amélioration de la protection sociale au titre de la maladie et de la maternité des travailleurs indépendants.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La loi du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 a modifié l'article L. 622-3 du code de la sécurité sociale, applicable aux travailleurs indépendants, pour ne plus subordonner le bénéfice des prestations en espèces à la condition que l'assuré soit à jour de ses cotisations annuelles mais disposer que : " Pour bénéficier du règlement des prestations en espèces au titre de l'assurance maladie et maternité pendant une durée déterminée, les personnes mentionnées à l'article L. 611-1 doivent justifier, dans des conditions fixées par décret, d'une période minimale d'affiliation ainsi que du paiement d'un montant minimal de cotisations. / Le revenu d'activité pris en compte pour le calcul de ces prestations est celui correspondant à l'assiette sur la base de laquelle l'assuré s'est effectivement acquitté, à la date de l'arrêt de travail, des cotisations mentionnées à l'article L. 621-1 ". Pour l'application de ces dispositions, le décret du 27 mai 2019 relatif à l'amélioration de la protection sociale au titre de la maladie et de la maternité des travailleurs indépendants a modifié l'article D. 613-21 du même code pour prévoir que : " Sous réserve des dispositions de l'article D. 613-30, le montant de l'indemnité journalière est égal à 1/730 du revenu d'activité annuel moyen des trois années civiles précédant la date de la constatation médicale de l'incapacité de travail, dans la limite du plafond annuel mentionné à l'article L. 241-3 en vigueur à la date du constat médical. / Lorsque l'assuré n'a pas intégralement acquitté les cotisations d'assurance maladie au titre des années civiles servant de base au calcul de la prestation, le revenu pris en compte pour le calcul de cette prestation est le revenu correspondant à celui mentionné à l'article L. 131-6 ou au deuxième alinéa du II de l'article L. 133-6-8 auquel est appliqué le rapport entre le montant des cotisations acquittées et le montant des cotisations dues. / Par dérogation, en cas d'octroi de délais de paiement par la caisse, le revenu est pris en compte dans son intégralité en cas de respect, à la date de la constatation médicale, des échéances fixées ".

2. M. B... doit être regardé comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, des dispositions du b) du 15° de l'article 1er du décret du 27 mai 2019, dont sont issus les deuxième et troisième alinéas de l'article D. 613-21 du code de la sécurité sociale cité ci-dessus, en se prévalant du " principe de solidarité ", et, d'autre part, de ce décret en tant qu'il ne met pas fin à l'existence de cotisations minimales forfaitaires à la charge des travailleurs indépendants.

3. En premier lieu, en vertu d'une jurisprudence constante de la Cour de justice, le droit de l'Union européenne ne porte pas atteinte à la compétence des États membres pour aménager leur système de sécurité sociale. Il appartient ainsi, en l'absence d'une harmonisation au niveau européen, à la législation de chaque État membre de déterminer les conditions du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale et le mode de financement de ce régime. Si les États membres doivent, dans l'exercice de cette compétence, respecter le droit de l'Union européenne, notamment, s'agissant des entreprises, les règles de concurrence résultant du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, un organisme chargé de la gestion d'un régime de sécurité sociale, poursuivant une fonction à caractère social dépourvue de tout but lucratif, ne peut être regardé comme une entreprise au sens du traité, dès lors que ce régime met en oeuvre le principe de solidarité et est soumis au contrôle de l'État.

4. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 622-3 du code de la sécurité sociale et celles des deuxième et troisième alinéas de l'article D. 613-21 du même code issues du décret attaqué prévoient que lorsque le travailleur indépendant assuré social ne s'est pas acquitté de l'intégralité de ses cotisations d'assurance maladie au titre des années civiles servant de base au calcul des indemnités journalières de maladie, et sauf si la caisse lui a accordé des délais de paiement dont il respecte les échéances, il convient d'appliquer le rapport entre le montant des cotisations acquittées et le montant des cotisations dues pour déterminer le revenu à prendre en compte dans le calcul de la prestation. Contrairement à ce que soutient M. B..., il ne résulte pas de cet abattement, en tout état de cause, que le régime d'assurance maladie des travailleurs indépendants, dont les caractéristiques doivent être appréciées dans leur ensemble, ne mettrait pas en oeuvre le principe de solidarité mentionné au point 3.

5. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale : " La sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale ". En adoptant les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 622-3 du code de la sécurité sociale, le législateur a entendu que le montant des indemnités journalières servies aux travailleurs indépendants qui ne sont pas à jour de leurs cotisations varie en fonction des cotisations effectivement versées par eux. Les dispositions réglementaires attaquées se bornant à tirer sur ce point les conséquences du choix opéré par le législateur, le requérant ne saurait utilement faire valoir qu'elles méconnaissent le principe de solidarité nationale reconnu par l'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale.

6. En dernier lieu, le décret attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de modifier l'étendue des obligations des assurés en matière de cotisations. Par suite, M. B... ne saurait utilement faire valoir qu'il est illégal en tant qu'il ne met pas un terme à l'obligation faite aux travailleurs indépendants de s'acquitter, même en cas de diminution importante de leurs revenus, de cotisations minimales forfaitaires.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de répondre aux fins de non-recevoir soulevées par le ministre des solidarités et de la santé, que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions réglementaires qu'il attaque.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Premier ministre


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 431886
Date de la décision : 09/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 avr. 2020, n° 431886
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Boussaroque
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:431886.20200409
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