Vu la procédure suivante :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 août 2013 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice a prononcé son licenciement pour abandon de poste et de condamner l'Etat à lui verser 100 000 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement n° 1304416 du 28 juillet 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16NC02079 du 5 juin 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il rejette la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2013 et annulé cet arrêté, d'autre part enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice, de prendre les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière, de le placer dans une situation régulière à compter de la date de son éviction et, à défaut d'une nouvelle décision d'éviction, de prononcer sa réintégration effective dans un emploi correspondant à son grade, dans un délai de six mois, enfin rejeté la demande d'indemnisation.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et des nouveaux mémoires, enregistrés le 2 octobre 2018, les 2 et 4 janvier 2019 et le 28 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'indemnisation,
2°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la charte sociale européenne ;
- la convention n° 155 de l'Organisation internationale du travail sur la santé et la sécurité des travailleurs ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Moreau, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de M. C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C..., secrétaire administratif affecté à la maison d'arrêt de Sarreguemines, a été radié des cadres pour abandon de poste par un arrêté du 8 août 2013. La cour administrative d'appel de Nancy a, par un arrêt du 5 juin 2018, annulé cet arrêté au motif que la mise en demeure, en date du 12 juillet 2013, de rejoindre ses fonctions sous peine d'être licencié pour abandon de poste n'avait pas été envoyée à l'adresse de M. C... qui n'a ainsi pas pu en être destinataire. La cour a cependant rejeté les conclusions présentées par l'intéressé aux fins d'indemnisation des préjudices dont il demandait réparation. M. C... se pourvoit, dans cette mesure, contre cet arrêt.
Sur la régularité de l'arrêt :
2. Aux termes, d'une part, de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " et, d'autre part, de l'article R. 226-5 du même code : " Le greffe des audiences et de l'exécution des actes de procédure sont assurés par le greffier en chef et les greffiers, ainsi que par les autres agents du greffe désignés à cet effet par le président ".
3. Par une décision du 22 juin 2017, publiée le 7 août 2017 au recueil des actes administratifs de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a désigné Mme B... pour assurer le greffe des audiences et l'exécution des actes de procédure. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que Mme B... n'aurait pas été régulièrement désignée par la présidente de la cour administrative d'appel pour assurer les fonctions de greffier d'audience et signer la minute de l'arrêt attaqué.
Sur le bien-fondé de l'arrêt :
4 En premier lieu, lorsqu'un fonctionnaire sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour vice de procédure, de la décision mettant fin à ses fonctions, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu légalement intervenir.
5. Pour juger que M. C... n'était pas fondé à demander réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la décision illégale le radiant des cadres pour abandon de poste, la cour administrative d'appel a relevé que, depuis que son congé de maladie ordinaire avait pris fin le 1er février 2012, l'intéressé s'était à plusieurs reprises soustrait aux opérations d'expertise diligentées aux fins de permettre au comité médical de se prononcer sur sa situation et sur la prolongation de son congé de maladie et que, le 1er juillet 2013, il avait informé l'administration de son refus de se soumettre à la visite médicale prévue à son domicile le 8 juillet suivant. La cour a pu ainsi, par une motivation suffisante, sans entacher son arrêt d'erreur de droit ou de dénaturation et sans méconnaître les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en déduire que M. C... s'était placé de lui-même dans une situation irrégulière et a, de son fait, rompu le lien avec le service, et écarter, par suite, l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices dont l'intéressé demandait réparation, notamment ses pertes de revenus, et l'irrégularité entachant la décision du 8 août 2013 de le radier des cadres pour abandon de poste.
6. En second lieu, la cour n'a pas non plus dénaturé les pièces du dossier, ni méconnu la convention n° 155 de l'Organisation internationale du travail sur la sécurité et la santé des travailleurs, la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou la charte sociale européenne, en jugeant que M. C... avait systématiquement fait obstacle à l'établissement, par un médecin agréé, du rapport qui aurait permis à l'administration de se prononcer sur le caractère justifié de ses arrêts de travail et avait ainsi mis le comité médical dans l'impossibilité de se réunir pour procéder à l'examen de son dossier.
7. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. C... doit être rejeté, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. C... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.