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25/03/2020 | FRANCE | N°416731

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 25 mars 2020, 416731


Vu la procédure suivante :

La société Guignard Promotion a demandé à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir deux décisions du 16 juillet 2015 par lesquelles la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté ses demandes tendant à être autorisée à étendre un ensemble commercial à Condé-sur-Sarthe. Par un arrêt n° 15NT03164 du 20 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 décembre 2017 et 21 mars 2018 au secrét

ariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Guignard Promotion demande au Con...

Vu la procédure suivante :

La société Guignard Promotion a demandé à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir deux décisions du 16 juillet 2015 par lesquelles la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté ses demandes tendant à être autorisée à étendre un ensemble commercial à Condé-sur-Sarthe. Par un arrêt n° 15NT03164 du 20 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 décembre 2017 et 21 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Guignard Promotion demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, des sociétés SADEF, Brico Dépôt, Beau Voir, 4 rue Saint Blaise et Alençon Distribution la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

- la loi n°2015-990 du 6 août 2015 ;

- le décret n°2015-165 du 12 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Céline Roux, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la Société Guignard Promotion, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société SADEF, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Alencon distribution et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Beau Voir et de la société 4 rue Saint Blaise ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 16 juillet 2015, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté les demandes de la société Guignard Promotion tendant à être autorisée à étendre un ensemble commercial dénommé " Portes de Bretagne ", d'une surface de vente de 20 275 m2, situé sur le territoire de la commune de Condé-sur-Sarthe (Orne), par la création d'un magasin de bricolage d'une surface de vente de 10 056 m2 et de cinq magasins d'équipement de la personne, de la maison, de la culture et des loisirs d'une surface totale de vente de 16 946 m2, aux motifs que ces projets compromettent les objectifs d'aménagement du territoire et de développement durables fixés par la loi. Cette société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 octobre 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décisions.

Sur le cadre juridique :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 39 de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ". Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I.- Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. En l'absence d'avis exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial est réputé confirmé. / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire (...) ". Ces dispositions sont entrées en vigueur le 15 février 2015, en application des dispositions de l'article 6 du décret du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial.

3. D'autre part, aux termes de l'article R.* 424-1 du code de l'urbanisme : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : (...) / b) Permis de construire (...) ". Aux termes l'article R.* 424-2 du code de l'urbanisme : " Par exception au b de l'article R.* 424-1, le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet dans les cas suivants : (...) / h) Lorsque le projet relève de l'article L. 425-4 ou a été soumis pour avis à la commission départementale d'aménagement commercial sur le fondement de l'article L. 752-4 du code de commerce et que la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial a rendu un avis défavorable (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées au point 2, entrées en vigueur le 15 février 2015, que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial a désormais le caractère d'un acte préparatoire à la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, seule décision susceptible de recours contentieux. Il en va ainsi que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial soit favorable ou qu'il soit défavorable. Dans ce dernier cas, la décision susceptible de recours contentieux est la décision, le cas échéant implicite en application des dispositions citées au point 3, de rejet de la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.

5. Toutefois, il en va autrement, à titre transitoire, dans le cas où la décision prise sur la demande de permis de construire est intervenue avant le 15 février 2015 et dans le cas où, la commission départementale d'aménagement commercial ayant été saisie d'une demande d'autorisation d'aménagement commercial avant le 15 février 2015, l'autorité administrative n'a pas encore été saisie d'une demande de permis de construire à la date à laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial s'est prononcée défavorablement sur le projet. Dans ces deux hypothèses, seul l'acte par lequel la Commission nationale d'aménagement commercial s'est prononcée défavorablement peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif en tant qu'acte valant refus d'autorisation commerciale. Dans ces cas, par exception à ce qui a été dit au point 4, le permis de construire ne peut corrélativement faire l'objet d'un recours qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire.

Sur le pourvoi :

6. Aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine (...) ". Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

7. En premier lieu, en retenant que les projets d'extension litigieux, d'une part, sont de nature à nuire à l'animation de la vie urbaine des communes de la zone de chalandise, notamment de celle de la commune d'Alençon, laquelle est en déclin démographique et met en oeuvre une politique de revitalisation de son centre-ville, alors que cette zone accueille déjà de nombreux centres commerciaux et, d'autre part, sont consommateurs d'espaces naturels, quand bien même ces espaces se situent dans une zone que le plan local d'urbanisme destinait à accueillir des activités économiques, tertiaires et des services, pour estimer qu'ils compromettent l'objectif d'aménagement du territoire fixé par l'article L. 752-6 du code de commerce, la cour administrative d'appel de Nantes a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation et ne s'est pas fondée sur un critère purement économique étranger à ceux énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce et insusceptible de justifier une restriction à la liberté d'établissement garantie par l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Dès lors, elle n'a pas commis d'erreur de droit.

8. En second lieu, s'agissant de l'objectif de développement durable, la cour administrative d'appel n'a pas jugé, contrairement à ce qui est soutenu par le pourvoi, que le troisième motif retenu par la Commission nationale d'aménagement commercial, tiré de ce que les aménagements prévus auraient été insuffisants pour satisfaire à cet objectif, pouvait légalement justifier les décisions contestées, mais a tenu ce motif pour illégal, avant de juger que la Commission, si elle ne s'était fondée que sur les deux autres motifs qu'elle a retenus, aurait pris les mêmes décisions, légalement justifiées par ces deux autres motifs. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la cour aurait dénaturé les pièces du dossier en jugeant que le troisième motif pouvait justifier légalement les décisions contestées ne peut qu'être écarté comme inopérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Guignard Promotion n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qu'elle attaque.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge des sociétés SADEF, Brico Dépôt, Beau Voir, 4 rue Saint Blaise et Alençon Distribution qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Guignard Promotion une somme de 1 500 euros chacune à verser à la société SADEF et à la société Alençon Distribution au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Guignard Promotion est rejeté.

Article 2 : La société Guignard Promotion versera à la société SADEF et à la société Alençon Distribution une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Guignard Promotion, à la société SADEF, à la société Alençon Distribution, à la société Brico Dépôt, à la société Beau Voir, à la société 4 rue Saint Blaise et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 416731
Date de la décision : 25/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mar. 2020, n° 416731
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Céline Roux
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SCP L. POULET-ODENT ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:416731.20200325
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