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20/03/2020 | FRANCE | N°423027

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 20 mars 2020, 423027


Vu la procédure suivante :

La société Fibre Excellence Tarascon a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la redevance pour pollution non domestique de l'eau au titre de 2012 d'un montant de 1 412 120 euros qui lui a été réclamée par un titre exécutoire émis le 29 mars 2013 par le directeur général de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse. Par un jugement n° 1306710 du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.

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Vu la procédure suivante :

La société Fibre Excellence Tarascon a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la redevance pour pollution non domestique de l'eau au titre de 2012 d'un montant de 1 412 120 euros qui lui a été réclamée par un titre exécutoire émis le 29 mars 2013 par le directeur général de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse. Par un jugement n° 1306710 du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.

La société Fibre Excellence Tarascon a également demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 29 juillet 2013 par laquelle le directeur général de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse a rejeté sa demande de remise gracieuse d'une fraction de la redevance pour pollution non domestique de l'eau à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2012. Par jugement n° 1306712 du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.

Par un arrêt nos 15LY03145, 15LY03146 du 26 juin 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse contre le jugement n° 1306710 du tribunal administratif de Lyon et prononcé un non-lieu à statuer sur l'appel de la même Agence contre le jugement n° 1306712 du même tribunal.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 8 août 2018 et le 27 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses appels ;

3°) de mettre à la charge de la société Fibre Excellence Tarascon la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Humbert, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse et à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de la société Fibre Excellence Tarascon ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 mars 2020, présentée par la société Fibre Excellence Tarascon ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Fibre Excellence Tarascon a demandé à l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse de la décharger de la redevance pour pollution d'origine non domestique qu'elle a acquittée au titre de l'année 2012, ou du moins de lui accorder une remise gracieuse partielle de celle-ci. Après rejet de ses demandes, elle a saisi le tribunal administratif de Lyon qui l'a déchargée de la redevance et a annulé le refus de remise gracieuse par deux jugements du 2 juillet 2015. L'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 juin 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement ayant déchargé la société de la redevance et constaté en conséquence qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de remise gracieuse.

2. L'article L. 213-10-2 du code de l'environnement institue une redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique perçue par les agences de l'eau dont le montant est calculé en appliquant à l'assiette composée d'éléments constitutifs de la pollution un taux propre à chaque élément de cette assiette. Le IV de cet article prévoit que ce taux est fixé par " unité géographique cohérente ", laquelle est déterminée selon des critères tels que l'état des masses d'eau et des risques d'infiltration ou d'écoulement des polluants dans les masses d'eau souterraines. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 213-9-1 du même code : " Les délibérations concernant les taux des redevances sont publiées au Journal officiel (...) ". Aux termes de l'article R. 213-48-16 de ce code : " Les unités géographiques cohérentes mentionnées au IV de l'article L. 213-10-2 (...) sont délimitées par délibération du conseil d'administration de l'agence sur la base de limites communales, à partir des limites des sous-bassins ou des aquifères souterrains et, le cas échéant, de leurs masses d'eau. " Enfin, aux termes de l'article R. 213-48-20 du même code : " Les délibérations des agences de l'eau concernant les taux des redevances sont publiés au Journal officiel de la République française avant le 31 octobre de l'année précédant celle pour laquelle ils sont applicables. "

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les taux afférents à la redevance pour pollution non domestique de l'eau de l'année 2012 ont été fixés par une délibération n° 2010-32 du 14 octobre 2010, publiée au Journal officiel du 26 octobre 2010. L'article 2.1 de cette délibération prévoit, s'agissant de certains des éléments constitutifs de pollution, l'instauration de deux zones géographiques de tarification. La délibération précise à son article 2 que la composition des zones de redevances fixées au titre de la pollution non domestique de l'eau est disponible dans les locaux de l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse et consultable sur son site internet.

4. Après avoir jugé que, en application des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 213-9-1 du code de l'environnement, devaient être publiées au Journal officiel toutes les délibérations qui concourent à la détermination des taux des redevances et que, par suite, était soumise à cette exigence de publication la liste des communes incluses dans les " unités géographiques cohérentes " en fonction desquelles des taux différenciés avaient été votés, la cour administrative d'appel a constaté que la délimitation des zones de tarification nécessaires à la détermination du montant de la redevance pour l'année 2012 n'avait pas été publiée au Journal officiel. Elle a jugé que, dans ces conditions, la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique mise à la charge de la société Fibre Excellence Tarascon était dépourvue de base légale.

5. En statuant ainsi, alors que le dernier alinéa de l'article L. 213-9-1 du code de l'environnement n'impose la publication au Journal officiel que des taux de redevance à l'exclusion de tout autre élément relatif notamment à leur champ d'application géographique et que l'article R. 213-48-16 du même code ne prévoit pas de formalité de publicité particulière pour les délibérations qui déterminent les " unités géographiques cohérentes ", la cour a commis une erreur de droit. Par suite, l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Fibre Excellence Tarascon la somme de 3 000 euros à verser à l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Agence, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 26 juin 2018 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : La société Fibre Excellence Tarascon versera à l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Fibre Excellence Tarascon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse et à la société Fibre Excellence Tarascon.

Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique et solidaire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 20 mar. 2020, n° 423027
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sylvain Humbert
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP DE NERVO, POUPET

Origine de la décision
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Date de la décision : 20/03/2020
Date de l'import : 21/04/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 423027
Numéro NOR : CETATEXT000041753776 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-03-20;423027 ?
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