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11/03/2020 | FRANCE | N°426199

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 11 mars 2020, 426199


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 décembre 2018, 11 mars 2019 et 10 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national des professions de l'automobile demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 octobre 2018 relatif à l'information du consommateur sur les prix et les conditions de vente des pièces issues de l'économie circulaire dans le cadre des prestations d'entretien ou de réparation des véhicules automo

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2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 décembre 2018, 11 mars 2019 et 10 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national des professions de l'automobile demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 octobre 2018 relatif à l'information du consommateur sur les prix et les conditions de vente des pièces issues de l'économie circulaire dans le cadre des prestations d'entretien ou de réparation des véhicules automobiles ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code civil ;

- le code de la consommation ;

- le code de la route ;

- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ;

- le décret n° 2016-703 du 30 mai 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat du Conseil national des professions de l'automobile ;

Considérant ce qui suit :

1. L'article 77 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a introduit dans le code de la consommation un nouvel article L. 121-117, devenu depuis l'article L. 224-67 du même code, aux termes duquel : " Tout professionnel qui commercialise des prestations d'entretien ou de réparation de véhicules automobiles permet aux consommateurs d'opter pour l'utilisation, pour certaines catégories de pièces de rechange, de pièces issues de l'économie circulaire à la place de pièces neuves. / Un décret en Conseil d'Etat établit la liste des catégories de pièces concernées et précise la définition des pièces issues de l'économie circulaire, au sens du présent article. Il définit également les conditions dans lesquelles le professionnel n'est pas tenu de proposer ces pièces du fait de leur indisponibilité ou d'autres motifs légitimes. / Les modalités d'information du consommateur sont arrêtées dans les conditions prévues à l'article L. 112-1. / En cas de litige, il appartient au professionnel de prouver qu'il a exécuté ses obligations ". L'article L. 112-1 du même code dispose que : " Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services informe le consommateur, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, sur les prix et les conditions particulières de la vente et de l'exécution des services, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l'économie, après consultation du Conseil national de la consommation ". Ces dispositions ont été précisées par les articles R. 224-22 à R. 224-25 du code de la consommation, créés par le décret du 30 mai 2016 relatif à l'utilisation de pièces de rechange automobiles issues de l'économie circulaire. L'arrêté du 8 octobre 2018 relatif à l'information du consommateur sur les prix et les conditions de vente des pièces issues de l'économie circulaire dans le cadre des prestations d'entretien ou de réparation des véhicules automobiles a été pris pour leur application. Par la présente requête, le Conseil national des professions de l'automobile demande l'annulation de cet arrêté pour excès de pouvoir.

2. En premier lieu, l'obligation de proposer aux consommateurs, sous certaines conditions, des pièces de rechange issues de l'économie circulaire s'impose, aux termes de l'article L. 224-67 du code de la consommation précité, à " tout professionnel qui commercialise des prestations d'entretien ou de réparation de véhicules automobiles ", dont l'article R. 224-22 du même code, pris pour son application, indique qu'il s'agit du professionnel " qui commercialise des prestations d'entretien ou de réparation de voitures particulières et de camionnettes ". L'arrêté attaqué précise toutefois, à son article 2, que l'obligation d'informer le consommateur sur les prix et les conditions de vente des pièces issues de l'économie circulaire s'applique aux prestations d'entretien ou de réparation des véhicules automobiles, ces prestations étant elles-mêmes définies, à l'article 1er de cet arrêté, comme toute " prestation de service d'entretien ou de réparation d'un véhicule automobile y compris les prestations de recherche de pannes ou d'incidents, et la vente de pièces détachées et fournitures utilisées dans le cadre d'une opération d'entretien ou de réparation ". Si, comme le souligne le requérant, les prestations de recherche de pannes ou d'incidents n'impliquent pourtant, par elles-mêmes, aucune prestation d'entretien ou de réparation nécessitant la recherche de pièce de rechange, les dispositions précitées n'ont pas, contrairement à ce qui est soutenu, entendu élargir le champ de l'obligation posée à l'article L. 224-67 du code de la consommation précité, mais seulement préciser que cette obligation s'applique y compris lorsque la prestation d'entretien ou de réparation s'inscrit dans le prolongement d'une prestation de recherche de panne ou d'incident, dans le cadre, notamment, d'un contrat de prise en charge globale. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'incompétence au motif qu'il méconnaîtrait le champ de l'obligation posée à l'article L. 224-67 du code de la consommation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, en imposant aux professionnels concernés d'informer le consommateur de la possibilité d'opter pour l'utilisation de pièces issues de l'économie circulaire " au niveau de l'entrée du public où le professionnel propose des prises de rendez-vous " et par " un affichage clair, visible et lisible de l'extérieur ", l'article 4 de l'arrêté attaqué n'a ni pour objet, ni pour effet d'imposer aux intéressés un réaménagement de leurs locaux, mais uniquement de préciser l'emplacement et les modalités de l'information du consommateur, au besoin par plusieurs affiches, afin d'assurer le caractère effectif de cette information. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'article 4 de l'arrêté attaqué imposerait aux professionnels concernés des obligations incompatibles avec le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et de la liberté d'entreprendre ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, l'article R. 224-23 du code de la consommation définit trois hypothèses dans lesquelles l'obligation posée à l'article L. 224-67 ne s'applique pas : " 1° Lorsque le véhicule fait l'objet de prestations d'entretien ou de réparation réalisées à titre gratuit, ou sous garanties contractuelles, ou dans le cadre d'actions de rappel conformément aux dispositions de l'article R. 321-14-1 du code de la route ; / 2° Lorsque les pièces issues de l'économie circulaire ne sont pas disponibles dans un délai compatible avec le délai d'immobilisation du véhicule qui est mentionné sur le document contractuel signé entre le professionnel et son client relatif à la nature des prestations d'entretien ou de réparation à réaliser ; / 3° Lorsque le professionnel mentionné à l'article R. 224-22 estime que les pièces de rechange automobiles issues de l'économie circulaire sont susceptibles de présenter un risque important pour l'environnement, la santé publique ou la sécurité routière ".

5. L'article 5 de l'arrêté attaqué impose au professionnel, avant que le consommateur ne donne son accord sur une offre de services, de recueillir son choix d'opter pour des pièces issues de l'économie circulaire, en lui précisant, par une mention claire et lisible, que " leur fourniture est effectuée sous réserve de disponibilité, de l'indication par le professionnel du délai de disponibilité et de leur prix, et sous réserve de ne pas relever des exemptions de l'article R. 224-23 du code de la consommation ". Ces dispositions, prises pour la mise en oeuvre de l'obligation définie à l'article L. 224-67 du code de commerce précité, n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer au professionnel d'informer le consommateur dans les cas où il n'est pas tenu de respecter cette obligation, notamment lorsque le véhicule fait l'objet de prestations d'entretien ou de réparation réalisées à titre gratuit, ou sous garanties contractuelles, ou dans le cadre d'actions de rappel, conformément aux dispositions de l'article R. 321-14-1 du code de la route. Par suite, le moyen tiré de ce que l'article 5 de l'arrêté litigieux méconnaîtrait les articles L. 224-67, R. 224-22 et R. 224-23 du code de la consommation et serait entaché d'incompétence doit être écarté.

6. En quatrième et dernier lieu, l'article 6 de l'arrêté litigieux dispose que : " Lorsque, après recherche, plusieurs pièces issues de l'économie circulaire peuvent être proposées pour remplacer une même pièce défectueuse, notamment lorsque le choix de l'une d'elles a des conséquences sur le délai de réparation, la possibilité de choisir entre les différentes pièces et options est présentée clairement au consommateur. Il précise son choix sur support durable pour chacune d'elles. (...) ".

7. D'une part, ces dispositions, qui ont pour seul objet de préciser les modalités de mise en oeuvre de l'information du consommateur prévue par l'article L. 224-67 du code de la consommation et ne régissent ni la nature, ni l'étendue de la recherche de pièces issues de l'économie circulaire à laquelle doivent procéder les professionnels en application de ce même article, se bornent à préciser l'information qui doit être fournie au consommateur lorsque cette recherche a permis d'identifier plusieurs pièces pour remplacer la pièce défectueuse. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'elles méconnaîtraient les dispositions de l'article L. 224-67 du code de la consommation et imposeraient aux professionnels concernés des sujétions portant une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie est inopérant.

8. D'autre part, il résulte des dispositions rappelées aux points 1 et 5, éclairées par les travaux préparatoires à l'adoption de la loi du 17 août 2015 précitée, que l'obligation posée à l'article L. 224-67 du code de la consommation, dont le but est de promouvoir l'économie circulaire et la protection du pouvoir d'achat des consommateurs, est mise en oeuvre dans le respect des obligations qui s'imposent à tout professionnel commercialisant des prestations d'entretien ou de réparation de véhicules automobiles, notamment de l'obligation de résultat qui pèse sur lui. L'article 6 de l'arrêté attaqué a pour seul but de prévoir que, lorsque, après recherche, plusieurs pièces issues de l'économie circulaire peuvent être proposées pour remplacer une pièce défectueuse, le consommateur doit être informé sur les prix et les conditions de vente de ces pièces afin qu'il soit mis à même de faire un choix éclairé, sans qui cela puisse conduire le professionnel à méconnaître l'obligation de résultat qui pèse sur lui et qui implique qu'il ne propose aux consommateurs que des pièces qui ne présentent pas de risque de sécurité. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'article 6 de l'arrêté attaqué méconnaîtrait l'obligation de résultat qui s'impose à chaque professionnel de l'automobile concerné doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté qu'il attaque. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du Conseil national des professions de l'automobile est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Conseil national des professions de l'automobile et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 426199
Date de la décision : 11/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 mar. 2020, n° 426199
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Coralie Albumazard
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:426199.20200311
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