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02/03/2020 | FRANCE | N°425292

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 02 mars 2020, 425292


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 27 janvier 2017 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile. Par une décision n° 17023328 du 1er août 2018, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 novembre 2018 et 1er avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;<

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2°) réglant l'affaire au fond, de lui reconnaitre la qualité de réfugié ou, à défa...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 27 janvier 2017 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile. Par une décision n° 17023328 du 1er août 2018, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 novembre 2018 et 1er avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de lui reconnaitre la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire ;

3°) de mettre à la charge de l'OFPRA une somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la SCP Lévis, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lévis, avocat de Mme A... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des énonciations de la décision attaquée du 1er août 2018 que, pour rejeter la demande de Mme B... tendant à ce que lui soit reconnue la qualité de réfugié, la Cour nationale du droit d'asile a admis, en premier lieu, que l'intéressée craignait avec raison d'être exposée à des risques de persécutions en raison de ses opinions politiques en cas de retour en Colombie tout en relevant, en second lieu, qu'elle n'avait pas été en mesure de justifier de craintes en cas de retour en Uruguay, pays dont elle a également la nationalité.

2. Aux termes du 2° du paragraphe A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui " craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (...). Dans le cas d'une personne qui a plus d'une nationalité, l'expression " du pays dont elle a la nationalité " vise chacun des pays dont cette personne a la nationalité. Ne sera pas considérée comme privée de la protection du pays dont elle a la nationalité, toute personne qui, sans raison valable fondée sur une crainte justifiée, ne s'est pas réclamée de la protection de l'un des pays dont elle a la nationalité ". Il résulte de ces stipulations que le statut de réfugié ne peut être accordé à une personne ayant plusieurs nationalités que dans l'hypothèse où cette personne ne peut se prévaloir de la protection d'aucun des pays dont elle a la nationalité.

3. En premier lieu, en relevant, au terme d'une appréciation souveraine, que Mme B... pouvait se prévaloir de la protection de l'Uruguay, pays dont elle a la nationalité et où elle ne justifiait pas être personnellement exposée à des risques de persécutions, la Cour nationale du droit d'asile n'a pas dénaturé les faits et pièces du dossier qui lui était soumis. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en en déduisant que le recours de Mme B... devait être rejeté, en dépit des persécutions auxquelles elle serait exposée en cas de retour en Colombie, autre pays dont elle a la nationalité, la Cour n'a pas commis d'erreur de droit.

4. En deuxième lieu, si Mme B... fait valoir à l'appui de son pourvoi que la qualité de réfugié a été reconnue aux autres membres de sa famille, à raison de craintes identiques à celles qu'elle avait exposées à l'appui de sa demande, il ressort des énonciations de la décision attaquée que la Cour a admis la réalité de ses craintes de persécutions en cas de retour en Colombie et n'a rejeté son recours qu'en raison de la possibilité, qui lui était propre, de solliciter la protection des autorités uruguayennes. Dans ces conditions, la Cour n'a pas entaché sa décision d'irrégularité en ne se faisant pas communiquer les dossiers des autres membres de sa famille ni d'erreur de droit au regard du principe d'égalité.

5. En troisième lieu, si le principe d'unité de la famille, principe général du droit applicable aux réfugiés, résultant notamment des stipulations de la convention de Genève, impose, en vue d'assurer pleinement aux réfugiés la protection prévue par cette convention, que la même qualité soit reconnue à la personne de même nationalité qui était unie par le mariage à un réfugié à la date à laquelle celui-ci a demandé son admission au statut ainsi qu'aux enfants mineurs de ce réfugié, ce principe ne trouve pas à s'appliquer dans le cas où la personne qui sollicite sur son fondement le bénéfice du statut de réfugié peut se prévaloir de la protection d'un autre pays dont elle a la nationalité. Dès lors, en se fondant, pour rejeter le recours de Mme B..., sur la circonstance que celle-ci pouvait solliciter la protection d'un pays dont elle a, contrairement aux autres membres de sa famille, la nationalité, la Cour n'a pas méconnu ce principe.

6. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision attaquée, qui statue seulement sur ses droits en matière d'asile, et ne fait pas obstacle à ce qu'un titre de séjour lui soit délivré au titre de sa vie privée et familiale, en sa qualité de conjoint d'un réfugié, ne porte pas d'atteinte à son droit au respect de la vie familiale, garanti notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme B... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 425292
Date de la décision : 02/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 mar. 2020, n° 425292
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arno Klarsfeld
Rapporteur public ?: Mme Anne Iljic
Avocat(s) : SCP LEVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:425292.20200302
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