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28/02/2020 | FRANCE | N°426076

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 28 février 2020, 426076


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 mars 2016 par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français.

Par jugement n° 1607976 du 1er décembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18PA00376 du 18 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A....la suite d'une condamnation à une peine privative de liberté bénéficie, en application de ces dispositions, d'une mesure d'exécution de

sa peine sous le régime de la semi-liberté, la période effectuée sous ce régime, com...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 mars 2016 par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français.

Par jugement n° 1607976 du 1er décembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18PA00376 du 18 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A....la suite d'une condamnation à une peine privative de liberté bénéficie, en application de ces dispositions, d'une mesure d'exécution de sa peine sous le régime de la semi-liberté, la période effectuée sous ce régime, comme toute période de détention ou toute période d'exécution de peine sous un autre régime d'exécution, tel le placement à l'extérieur ou le placement sous surveillance électronique, ne peut être regardée comme une période de résidence régulière au sens du 4° de l'article L. 521-2 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle emporte une obligation de résidence pour l'intéressé, ne résultant pas d'un choix délibéré de sa part

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 6 décembre 2018 et 5 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jehannin, avocat de M. A... ;

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A..., ressortissant tunisien né en 1967, est entré en France le 1er août 1998 selon ses déclarations et y a obtenu plusieurs titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il a été condamné, une première fois, par le tribunal correctionnel de Paris, le 17 juillet 2001, à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis assortie d'une mise à l'épreuve pendant deux ans, pour violence par conjoint ou concubin suivie d'incapacité supérieure à huit jours, une deuxième fois, le 10 avril 2009, par le tribunal correctionnel d'Evry, à une peine de deux ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis, assortie d'une mise à l'épreuve pendant deux ans, pour des faits de violence aggravée suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, à l'encontre de son épouse, et, une troisième fois, le 15 novembre 2013, par le même tribunal, à une peine de deux ans d'emprisonnement, assortie d'une interdiction de séjour de deux ans dans la commune du domicile conjugal, pour violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours sur son fils de 11 ans et violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours sur son épouse. Par un arrêté du 31 mars 2016, le préfet de police a estimé que la présence de l'intéressé sur le territoire français constituait une menace grave pour l'ordre public et a prononcé son expulsion du territoire français sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement du 1er décembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 octobre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". L'article L. 521-2 du même code précise toutefois, à son 4°, qu'une telle mesure ne peut être prise qu'en cas de " nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique " à l'encontre de " l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans ".

3. Pour estimer que M. A... ne pouvait pas se prévaloir des dispositions du 4° de l'article L. 521-2, la cour administrative d'appel de Paris a relevé qu'à la date de l'arrêté contesté, l'intéressé était dépourvu de toute autorisation de séjour en France depuis le 28 février 2015 et qu'après déduction des périodes d'incarcération ainsi que des périodes pendant lesquelles il avait exécuté sa peine sous le régime de la semi-liberté, il ne justifiait pas de dix ans de résidence régulière.

4. Il ressort des pièces soumises aux juges du fond que M. A... avait, en octobre 2014, demandé à la préfecture de l'Essonne le renouvellement de son titre de séjour et avait reçu à cet effet un récépissé valant autorisation provisoire de séjour. Toutefois, la cour administrative d'appel de Paris a pu, sans erreur de droit, juger que cette demande devait être regardée comme implicitement rejetée à compter du 28 février 2015, date à laquelle expirait d'ailleurs le récépissé délivré, en application des dispositions de l'article R. 311-12 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, selon lesquelles le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet.

5. Par ailleurs, aux termes de l'article 707 du code de procédure pénale : " Sur décision ou sous le contrôle des autorités judiciaires, les peines prononcées par les juridictions pénales sont, sauf circonstances insurmontables, mises à exécution de façon effective et dans les meilleurs délais. / II. - Le régime d'exécution des peines privatives et restrictives de liberté vise à préparer l'insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d'agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d'éviter la commission de nouvelles infractions. (...la suite d'une condamnation à une peine privative de liberté bénéficie, en application de ces dispositions, d'une mesure d'exécution de sa peine sous le régime de la semi-liberté, la période effectuée sous ce régime, comme toute période de détention ou toute période d'exécution de peine sous un autre régime d'exécution, tel le placement à l'extérieur ou le placement sous surveillance électronique, ne peut être regardée comme une période de résidence régulière au sens du 4° de l'article L. 521-2 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle emporte une obligation de résidence pour l'intéressé, ne résultant pas d'un choix délibéré de sa part)/ III. - Toute personne condamnée incarcérée en exécution d'une peine privative de liberté bénéficie, chaque fois que cela est possible, d'un retour progressif à la liberté en tenant compte des conditions matérielles de détention et du taux d'occupation de l'établissement pénitentiaire, dans le cadre d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique, de libération conditionnelle ou d'une libération sous contrainte, afin d'éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire ". Selon le premier alinéa de l'article 723-1 du même code : " Le juge de l'application des peines peut prévoir que la peine s'exécutera sous le régime de la semi-liberté (...) soit en cas de condamnation à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n'excède pas deux ans, soit lorsqu'il reste à subir par le condamné une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n'excède pas deux ans ". Aux termes de l'article 132-26 du code pénal : " Le condamné admis au bénéfice de la semi-liberté est astreint à rejoindre l'établissement pénitentiaire selon les modalités déterminées par le juge de l'application des peines en fonction du temps nécessaire à l'activité, à l'enseignement, à la formation professionnelle, à la recherche d'un emploi, au stage, à la participation à la vie de famille, au traitement ou au projet d'insertion ou de réinsertion en vue duquel il a été admis au régime de la semi-liberté. Il est astreint à demeurer dans l'établissement pendant les jours où, pour quelque cause que ce soit, ses obligations extérieures se trouvent interrompues ".

6. Lorsqu'un étranger incarcéré à la suite d'une condamnation à une peine privative de liberté bénéficie, en application de ces dispositions, d'une mesure d'exécution de sa peine sous le régime de la semi-liberté, la période effectuée sous ce régime, comme toute période de détention ou toute période d'exécution de peine sous un autre régime d'exécution, tel le placement à l'extérieur ou le placement sous surveillance électronique, ne peut être regardée comme une période de résidence régulière au sens du 4° de l'article L. 521-2 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle emporte une obligation de résidence pour l'intéressé, ne résultant pas d'un choix délibéré de sa part.la suite d'une condamnation à une peine privative de liberté bénéficie, en application de ces dispositions, d'une mesure d'exécution de sa peine sous le régime de la semi-liberté, la période effectuée sous ce régime, comme toute période de détention ou toute période d'exécution de peine sous un autre régime d'exécution, tel le placement à l'extérieur ou le placement sous surveillance électronique, ne peut être regardée comme une période de résidence régulière au sens du 4° de l'article L. 521-2 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle emporte une obligation de résidence pour l'intéressé, ne résultant pas d'un choix délibéré de sa part Par suite, en ne tenant pas compte des mois passés par M. A... sous le régime de la semi-liberté pour apprécier la durée de résidence régulière à laquelle il pouvait prétendre, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit.

7. Enfin, si la cour a relevé que la durée de la période pendant laquelle M. A... avait bénéficié de titres de séjour était de dix ans et neuf mois alors qu'il résultait de ses propres constations qu'elle était de onze ans et neuf mois, cette erreur de plume est sans incidence dès lors qu'en tout état de cause, après déduction des périodes de détention et d'exécution de peine sous le régime de la semi-liberté, l'intéressé ne justifiait pas de la durée de résidence régulière de plus de dix ans exigée par les dispositions précitées du 4° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En déduisant de l'ensemble de ces constatations que M. A... n'entrait pas dans les prévisions de ces dispositions, la cour administrative d'appel de Paris, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit.

9. En second lieu, la cour a relevé que M. A... était entré en France à l'âge de 31 ans, n'était pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, ne démontrait pas de réelle insertion sociale et professionnelle en France et vivait depuis 2013 séparé de son épouse. En en déduisant que, eu égard au caractère grave et répété des faits de violence commis dans un cadre familial, l'arrêté d'expulsion n'avait pas porté à son droit à mener une vie familiale normale une atteinte disproportionnée et n'était pas, pour ce motif, entaché d'illégalité à la date à laquelle il a été pris, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Dès lors qu'elle était seulement saisie de conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision litigieuse par M. A..., auquel il est loisible, ainsi que le relève d'ailleurs le ministre, d'en demander l'abrogation, elle n'avait pas à tenir compte de circonstances familiales postérieures à l'édiction de l'arrêté attaqué et n'a pas commis d'erreur de droit sur ce point.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 426076
Date de la décision : 28/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 ÉTRANGERS. EXPULSION. - PROTECTION CONTRE L'EXPULSION EN CAS DE RÉSIDENCE RÉGULIÈRE EN FRANCE DEPUIS PLUS DE DIX ANS (4° DE L'ARTICLE L. 521-2 DU CESEDA) - ABSENCE DE PRISE EN COMPTE DES PÉRIODES PASSÉES SOUS LE RÉGIME DE LA SEMI-LIBERTÉ EN EXÉCUTION D'UNE PEINE [RJ1].

335-02 Lorsqu'un étranger incarcéré à la suite d'une condamnation à une peine privative de liberté bénéficie, en application de l'article 707 et du premier alinéa de l'article 723-1 du code de procédure pénale et de l'article 132-26 du code pénal, d'une mesure d'exécution de sa peine sous le régime de la semi-liberté, la période effectuée sous ce régime, comme toute période de détention ou toute période d'exécution de peine sous un autre régime d'exécution, tel le placement à l'extérieur ou le placement sous surveillance électronique, ne peut être regardée comme une période de résidence régulière au sens du 4° de l'article L. 521-2 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dès lors qu'elle emporte une obligation de résidence pour l'intéressé, ne résultant pas d'un choix délibéré de sa part.


Références :

[RJ1]

Rappr., sur l'absence de prise en compte des périodes passées en prison, CE, 6 mai 1988,,, n° 74507, p. 183.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 fév. 2020, n° 426076
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:426076.20200228
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