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17/02/2020 | FRANCE | N°433503

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 17 février 2020, 433503


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a saisi, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 5 juillet 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui renouveler sa carte de séjour temporaire, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision et, d'au

tre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une autoris...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a saisi, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 5 juillet 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui renouveler sa carte de séjour temporaire, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance assortie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1907992 du 26 juillet 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 et 21 août et 8 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent, avocat de M. B... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 février 2020, présentée par le ministre de l'intérieur ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil que, par un arrêté du 5 juillet 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de M. B..., ressortissant algérien, tendant au renouvellement de son certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale " et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours vers le pays dont il a la nationalité. M. B... a demandé l'annulation de cet arrêté sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a également demandé, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil de suspendre l'exécution de cet arrêté. M. B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 26 juillet 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette seconde demande.

Sur les conclusions du pourvoi dirigées contre l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a rejeté les conclusions de M. B... tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 5 juillet 2019 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de destination :

2. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige du 5 juillet 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis a été abrogé, en tant qu'il oblige M. B... à quitter le territoire français et, par voie de conséquence, en tant qu'il fixe le pays de destination, par un arrêté du 19 septembre 2019, postérieur à l'introduction du pourvoi. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions analysées ci-dessus.

Sur les autres conclusions :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

4. Aux termes du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) et qui dispose du délai de départ volontaire (...) peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 512-3 du même code : " L'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi. (...) ".

5. Les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient que le recours devant le juge administratif a un effet suspensif sur la seule obligation de quitter le territoire français dont peut être assorti un refus de séjour ou un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, n'ont ni pour objet ni pour effet de priver les requérants de la possibilité de présenter une demande de suspension à l'encontre de la décision de refus de séjour ou de refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour dans les conditions énoncées aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative.

6. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a jugé que les conclusions présentées par M. B..., tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution de l'arrêté précité du 5 juillet 2019, étaient irrecevables au motif que le requérant avait, par une autre requête présentée devant le même tribunal, formé un recours sur le fondement de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour demander l'annulation de cet arrêté, alors que ce recours constitue une procédure spéciale exclusive de celles prévues par le livre V du code de justice administrative. En statuant ainsi, le juge des référés a commis une erreur de droit dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, en tant qu'elles tendaient à la suspension de l'exécution de la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour, étaient recevables. Par suite, le requérant est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque en tant qu'elle a rejeté ses conclusions restant en litige.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire, dans cette mesure, au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. En premier lieu, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'apprécier et de motiver l'urgence compte tenu de l'incidence immédiate du refus de titre de séjour sur la situation concrète de l'intéressé. Cette condition d'urgence sera en principe constatée dans le cas d'un refus de renouvellement du titre de séjour, comme d'ailleurs d'un retrait de celui-ci.

9. L'arrêté en litige du 5 juillet 2019 refuse le renouvellement du certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale " de M. B.... Par suite, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

10. En second lieu, l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles stipule que : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française./ Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit :/ (...) 2° Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que deux récépissés de demande de titre de séjour ont été successivement délivrés par le préfet de la Seine-Saint-Denis à M. B..., le premier, où il apparaît comme " célibataire ", délivré le 10 juillet 2018, le second, sur lequel figure la mention " marié ", délivré le 7 août suivant. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur de droit, au regard des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, en refusant de délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " à M. B..., alors qu'il n'est pas contesté que les conditions requises par le 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien sont remplies, est, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision prise par le préfet de la Seine-Saint-Denis refusant le renouvellement du certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale " de M. B....

12. Dès lors, il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté précité du 5 juillet 2019 pris par le préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il refuse le renouvellement du titre de séjour de M. B.... Il y a lieu également d'enjoindre au préfet de délivrer à ce dernier une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision, valable jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur la requête présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 5 juillet 2019.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de M. B... dirigées contre l'ordonnance du 26 juillet 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'elle a rejeté les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 5 juillet 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis à l'encontre de M. B... en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination.

Article 2 : L'ordonnance du 26 juillet 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil est annulée en tant qu'elle a rejeté ses autres conclusions.

Article 3 : L'exécution de l'arrêté du 5 juillet 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il porte refus du renouvellement du titre de séjour de M. B... est suspendue.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. B..., dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail, valable jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur la requête présentée par l'intéressé devant le tribunal administratif de Montreuil tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 5 juillet 2019.

Article 5 : L'Etat versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 433503
Date de la décision : 17/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 fév. 2020, n° 433503
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : SCP MELKA - PRIGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:433503.20200217
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