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12/02/2020 | FRANCE | N°437351

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 12 février 2020, 437351


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) de déclarer la " loi du pays " (LP) n° 2019-30 LP/APF portant modification de la délibération n° 2004-42 APF du 19 février 2004 modifiée relative aux conseils des ordres des médecins, chirurgiens-dentistes et sages- femmes non conforme au bloc de légalité défini au III de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

2°) à tit

re éventuel, d'annuler l'acte de promulgation de cette loi du pays ;

3°) de mettre à ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) de déclarer la " loi du pays " (LP) n° 2019-30 LP/APF portant modification de la délibération n° 2004-42 APF du 19 février 2004 modifiée relative aux conseils des ordres des médecins, chirurgiens-dentistes et sages- femmes non conforme au bloc de légalité défini au III de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

2°) à titre éventuel, d'annuler l'acte de promulgation de cette loi du pays ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 200 000 F CFP à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 74 ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'article 140 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française dispose que : " Les actes de l'assemblée de la Polynésie française, dénommés " lois du pays ", sur lesquels le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique, sont ceux qui, relevant du domaine de la loi, soit ressortissent à la compétence de la Polynésie française en application de l'article 13, soit sont pris au titre de la participation de la Polynésie française à l'exercice des compétences de l'Etat dans les conditions prévues aux articles 31 à 36 (...) ". L'article 176 de la même loi organique prévoit que : " (...) II. A l'expiration de la période de huit jours suivant l'adoption d'un acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays" ou au lendemain du vote intervenu à l'issue de la nouvelle lecture prévue à l'article 143, l'acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays" est publié au Journal officiel de la Polynésie française à titre d'information pour permettre aux personnes physiques ou morales, dans le délai d'un mois à compter de cette publication, de déférer cet acte au Conseil d'Etat./ Le recours des personnes physiques ou morales est recevable si elles justifient d'un intérêt à agir./ Dès sa saisine, le greffe du Conseil d'Etat en informe le président de la Polynésie française avant l'expiration du délai de dix jours prévu à l'article 178./ III. - Le Conseil d'Etat se prononce sur la conformité des actes prévus à l'article 140 dénommés "lois du pays" au regard de la Constitution, des lois organiques, des engagements internationaux et des principes généraux du droit. Il se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'il estime susceptibles de fonder l'annulation, en l'état du dossier. La procédure contentieuse applicable au contrôle juridictionnel spécifique de ces actes est celle applicable en matière de recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 178 de la même loi organique : " I.- Le Conseil d'Etat se prononce dans les trois mois de sa saisine. Sa décision est publiée au Journal officiel de la République française et au Journal officiel de la Polynésie française./ Si le Conseil d'Etat constate qu'un acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays" contient une disposition contraire à la Constitution, aux lois organiques, ou aux engagements internationaux ou aux principes généraux du droit, et inséparable de l'ensemble de l'acte, celle-ci ne peut être promulguée (...)/ II.-A l'expiration du délai de trois mois mentionné au premier alinéa du I du présent article, le président de la Polynésie française peut promulguer l'acte prévu à l'article 140 dénommé " loi du pays ", dans les conditions mentionnées au second alinéa de l'article 178. Le Conseil d'Etat reste toutefois saisi des recours formés contre l'acte (...) ". L'article 180 de la même loi organique dispose que : " Sans préjudice de l'article 180-1, les actes prévus à l'article 140 dénommés "lois du pays" ne sont susceptibles d'aucun recours par voie d'action après leur promulgation (...) ". L'article 180-1 précise que : " Par dérogation au premier alinéa des I et II de l'article 176 et au premier alinéa des articles 178 et 180, les actes dénommés " lois du pays " relatifs aux impôts et taxes peuvent faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat à compter de la publication de leur acte de promulgation ".

2. L'Assemblée de la Polynésie française a adopté le 28 novembre 2019, sur le fondement de l'article 140 de la loi organique du 27 février 2004, la " loi du pays " (LP) n° 2019-30 LP/APF portant modification de la délibération n° 2004-42 APF du 19 février 2004 modifiée relative aux conseils des ordres des médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes, qui a été publiée pour information au Journal officiel de la Polynésie française le 6 décembre 2019. M. B..., en se prévalant de sa qualité de membre du Conseil économique, social, environnemental et culturel (CESEC) de la Polynésie française, saisit le Conseil d'Etat d'une requête tendant à ce que cette " loi du pays " soit déclarée non conforme au bloc de légalité défini au III de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004 et, à titre éventuel, à ce que son acte de promulgation soit annulé.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'acte de promulgation :

3. Il résulte des dispositions des articles 140, 176, 177, 178, 180 et 180-1 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, citées au point 1, que les personnes physiques ou morales disposent d'un délai d'un mois pour déférer au Conseil d'Etat, à compter de leur publication pour information au Journal officiel de la Polynésie française, les actes prévus à l'article 140 dénommés "lois du pays" adoptés par l'assemblée de la Polynésie française. Une requête introduite postérieurement à l'expiration de ce délai est irrecevable car tardive. Par ailleurs, à compter de leur promulgation par le président de la Polynésie française en application de l'article 178, il n'appartient plus au Conseil d'Etat de connaître par voie d'action, d'un recours dirigé contre les actes dénommés " lois du pays " sauf s'il est relatif aux impôts et taxes.

4. Il ressort des pièces du dossier que, comme il a été dit au point 2, la " loi du pays " (LP) n° 2019-30 LP/APF portant modification de la délibération n° 2004-42 APF du 19 février 2004 modifiée relative aux conseils des ordres des médecins, chirurgiens-dentistes et sages- femmes a été publiée pour information au Journal officiel de la Polynésie française le 6 décembre 2019. La requête de M. B... a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 janvier 2020. Le délai de trois mois à compter de cette date n'étant pas écoulé à la date de la présente décision, le président de la Polynésie française n'a pu procéder à sa promulgation. Il s'ensuit que l'Assemblée de la Polynésie française est fondée à soutenir que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de cet acte de promulgation, qui n'existe pas, sont irrecevables.

Sur les conclusions tendant à ce que la " loi du pays " attaquée soit déclarée non conforme au bloc de légalité défini au III de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004 :

5. Aux termes du II de l'article 151 de la loi organique du 27 février 2004 : " Le conseil économique, social, environnemental et culturel est consulté sur les projets et propositions d'actes prévus à l'article 140 dénommés " lois du pays " à caractère économique ou social. A cet effet, il est saisi, pour les projets, par le président de la Polynésie française, et, pour les propositions, par le président de l'assemblée de la Polynésie française (...) ".

6. La " loi du pays " (LP) n° 2019-30 LP/APF du 28 novembre 2019 contestée par M. B... modifie la composition de l'ordre des chirurgiens-dentistes, la durée du mandat des membres de son bureau ainsi que la fréquence de son renouvellement. En outre, il autorise les étudiants en chirurgie dentaire à exercer des remplacements, sous certaines conditions, pour une durée n'excédant pas un an, ainsi que les chirurgiens-dentistes et les médecins inscrits au tableau de l'ordre national ou de l'ordre de Nouvelle-Calédonie à exercer leur profession en Polynésie française, sous certaines conditions, pour une durée n'excédant pas six mois. Eu égard à son objet, cet acte ne constitue pas une " loi du pays " à caractère économique ou social au sens des dispositions, citées au point 5, du II de l'article 151 de la loi organique du 27 février 2004. Ce projet n'était, dès lors, pas soumis à la consultation obligatoire du conseil économique, social et culturel. Il s'ensuit que, comme le soutient l'Assemblée de la Polynésie française en défense, M. B..., qui ne se prévaut que de sa seule qualité de membre de ce conseil, ne justifie pas d'un intérêt pour agir contre la " loi du pays " qu'il conteste. Il s'ensuit que les conclusions de la requête de M. B..., tendant à ce que la " loi du pays " soit déclarée illégale sont irrecevables.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B... ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font également obstacle à ce qu'il soit fait droit aux demandes présentées par l'Assemblée de la Polynésie française et la Polynésie française à leur titre, dès lors que celles-ci n'ont pas eu recours à un avocat et qu'elles ne justifient pas de frais spécifiques qu'elles auraient exposés dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Assemblée de la Polynésie française et la Polynésie française présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au président de la Polynésie française, au président de l'assemblée de la Polynésie française, au haut-commissaire de la République en Polynésie française et à la ministre des outre-mer.


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 437351
Date de la décision : 12/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 fév. 2020, n° 437351
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arno Klarsfeld
Rapporteur public ?: Mme Anne Iljic

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:437351.20200212
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