Vu la procédure suivante :
L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes à lui rembourser la somme de 160 635,53 euros qu'il a versée à Mme A... en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite de sa prise en charge dans cet établissement et à lui verser la somme de 24 095,32 euros au titre de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. Par un jugement n° 1306159 du 11 mai 2016, le tribunal administratif a condamné le CHU de Nantes à verser à l'ONIAM la somme de 9 118,20 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique la somme de 37 505,28 euros.
Par un arrêt n° 16NT02237 du 13 avril 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par l'ONIAM ainsi que les conclusions présentées par la CPAM de la Loire-Atlantique contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juin et 13 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ONIAM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Nantes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale :
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes ;
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier universitaire de Nantes et à la SCP Gatineau, Fattacini, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., qui était hospitalisée au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes, a été victime, en tombant de son lit, d'une luxation de l'épaule qui a nécessité une intervention chirurgicale, au cours de laquelle elle a contracté une infection à staphylocoque. Elle a conservé, après sa guérison, des séquelles fonctionnelles entraînant un déficit fonctionnel permanent évalué à 40 %. Saisie par l'intéressée, la commission de conciliation et d'indemnisation des Pays de la Loire a rendu le 9 février 2011 un avis selon lequel la chute de la patiente était imputable à un défaut de surveillance fautif. L'assureur du CHU de Nantes ayant refusé de suivre cet avis et de faire une proposition d'indemnisation à Mme A..., l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) s'est substitué à lui et a conclu un protocole d'indemnisation amiable avec l'intéressée le 26 octobre 2012 pour un montant total de 160 635,53 euros. Subrogé dans les droits de Mme A... à concurrence de cette somme en vertu des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, l'ONIAM a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le CHU de Nantes à lui rembourser la somme en cause et à lui verser une pénalité correspondant à 15 % de cette même somme, soit 24 095,32 euros. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique a présenté des conclusions tendant au remboursement de ses débours. Par un jugement du 11 mai 2016, le tribunal administratif a condamné le CHU de Nantes à verser à l'ONIAM et à la caisse primaire des indemnités couvrant les préjudices subis par la victime du seul fait de sa luxation de l'épaule et rejeté les demandes indemnitaires résultant de l'infection nosocomiale. Par un arrêt du 13 avril 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par l'ONIAM ainsi que les conclusions d'appel provoqué présentées par la CPAM de la Loire-Atlantique contre ce jugement. L'ONIAM se pourvoit en cassation contre cet arrêt. La CPAM de la Loire-Atlantique présente, contre le même arrêt, un pourvoi provoqué.
2. En vertu des dispositions du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. Toutefois, en vertu des dispositions de l'article L. 1142-1-1 du même code, les dommages résultant d'infections nosocomiales correspondant à un taux d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 %, ainsi que les décès provoqués par des infections nosocomiales, sont réparés au titre de la solidarité nationale. Aux termes du I de l'article L. 1142-21 : " Lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L. 1142-1 ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'office est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement. Il devient défendeur en la procédure./ Lorsqu'il résulte de la décision du juge que l'office indemnise la victime ou ses ayants droit au titre de l'article L. 1142-1-1, celui-ci ne peut exercer une action récursoire contre le professionnel, l'établissement de santé, le service ou l'organisme concerné ou son assureur, sauf en cas de faute établie à l'origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la responsabilité d'un établissement de santé au titre d'une infection nosocomiale ayant entraîné des conséquences répondant aux conditions de l'article L. 1142-1-1 ne peut être recherchée, par la victime elle-même ou ses subrogés ou par l'ONIAM dans le cadre d'une action récursoire, qu'à raison d'une faute établie à l'origine du dommage.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... a contracté, lors de sa prise en charge au CHU de Nantes en 2008, une infection à staphylocoque qui a pour origine une intervention chirurgicale rendue nécessaire par une récidive de la luxation de l'épaule dont elle a été victime à la suite d'une chute survenue dans cet établissement. Pour juger que la responsabilité du CHU de Nantes n'était pas engagée à raison des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par Mme A... dans cet établissement, la cour a retenu que, si la chute de Mme A... était imputable à un manquement fautif de l'établissement à son devoir de surveillance, il n'existait pas, pour autant, de lien de causalité suffisamment direct entre cette faute et l'infection nosocomiale contractée par l'intéressée. En statuant ainsi, alors qu'il était constant que l'infection avait été contractée au cours d'une intervention rendue nécessaire par la blessure causée par la chute de Mme A..., la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce.
4. Dès lors que l'ONIAM a, ainsi qu'il a été dit au point 1, agi devant le juge administratif en qualité de subrogé de Mme A... et compte tenu du lien établi par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale entre les droits de la victime d'un accident corporel imputable à un tiers et ceux de la caisse de sécurité sociale qui lui a versé des prestations, le vice entachant l'arrêt attaqué doit entraîner son annulation non seulement en tant qu'il fixe les droits de l'ONIAM subrogé dans les droits de Mme A..., mais également en tant qu'il statue sur les droits que la CPAM de la Loire-Atlantique tire des prestations versées à cette dernière.
5. Il résulte de ce qui vient d'être dit que, la présente décision annulant intégralement l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 13 avril 2018, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi provoqué de la caisse primaire dirigé contre cet arrêt en tant qu'il la concerne.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Nantes le versement à l'ONIAM et à la CPAM de la Loire-Atlantique d'une somme de 3 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 13 avril 2018 est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi provoqué de la CPAM de la Loire-Atlantique.
Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 4 : Le CHU de Nantes versera à l'ONIAM et la CPAM de la Loire-Atlantique une somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique et au centre hospitalier universitaire de Nantes.