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07/02/2020 | FRANCE | N°432424

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 07 février 2020, 432424


Vu la procédure suivante :

M. A... D... et Mme C... B... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 3 avril 2019 par lequel le maire de la commune de Boos a retiré le permis de construire portant réhabilitation et extension d'un bâtiment situé au 808 A, route de Rouen, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision. Par une ordonnance n° 1901886 du 24 juin 2019, le juge des référés du tribunal adm

inistratif de Rouen a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire et un...

Vu la procédure suivante :

M. A... D... et Mme C... B... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 3 avril 2019 par lequel le maire de la commune de Boos a retiré le permis de construire portant réhabilitation et extension d'un bâtiment situé au 808 A, route de Rouen, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision. Par une ordonnance n° 1901886 du 24 juin 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire et un mémoire, enregistrés les 9 et 23 juillet et 1er octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. D... et autre demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Boos la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Moreau, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. D... et de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Rouen que, par un arrêté du 3 avril 2019, le maire de Boos (Seine-Maritime) a retiré à M. D... et Mme B... le permis de construire qu'il leur avait tacitement accordé le 31 décembre 2018. M. D... et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision de retrait et, d'autre part, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cette décision. Par une ordonnance du 24 juin 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.

2. Pour juger qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'apparaissait propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision de retrait attaquée, le juge des référés, après avoir relevé que la demande de permis se présentait comme un projet de réhabilitation et d'extension d'un bâtiment en logement tout en comportant un plan pouvant créer une confusion entre l'emprise actuelle de la construction et celle du futur bâtiment, a déduit de ces constatations que le permis de construire devait être regardé comme ayant été retiré en raison de la fraude dont il serait entaché, visant à contourner l'interdiction d'édifier des constructions autres que des extensions de constructions existantes dans la zone en cause en vertu des dispositions applicables du plan local d'urbanisme. En retenant, pour juger que le moyen tiré de ce que la décision de retrait attaquée avait été prise au-delà du délai de trois mois prévu par l'article L. 424-4 du code de l'urbanisme n'était pas propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision de retrait, que le permis de construire avait été obtenu par fraude, ce qui n'était pas soutenu devant lui, le juge des référés a soulevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public et a, ainsi, entaché son ordonnance d'erreur de droit. L'ordonnance attaquée doit, par suite, être annulée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre des pouvoirs du juge des référés.

4. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

5. D'une part, l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

6. Les requérants soutiennent, sans être contredits, que les travaux de construction de leur maison pour lesquels ils avaient obtenu un permis de construire ont commencé et que l'exécution immédiate du retrait du permis de construire est de nature à entraîner, en raison du retard apporté à l'opération qu'il autorise, un préjudice économique important pour eux, compte tenu, d'une part, de la modestie de leurs ressources, d'autre part, des factures qu'ils ont déjà réglées et de celles qu'ils doivent honorer. La condition d'urgence doit ainsi être regardée comme remplie.

7. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire ".

8. Il ressort de l'instruction, et notamment de l'attestation délivrée le 14 janvier 2019 par le maire de Boos, que les requérants, qui ont déposé le 31 octobre 2018 une demande de permis de construire visant à remplacer un bâtiment composé de constructions hétéroclites d'une surface totale de près de 84 m² pour construire une maison d'habitation de 91 m², n'ont reçu aucune réponse dans le délai de deux mois et ont ainsi bénéficié d'un permis de construire tacite à compter du 31 décembre 2018. Ainsi, l'arrêté du maire de Boos du 3 avril 2019 retirant ce permis de construire, au motif que " le projet en cause, qui consiste en la création d'une nouvelle construction à usage d'habitation en lieu et place d'un bâtiment existant ne peut se prévaloir des dispositions du PLU ", est intervenu au-delà du délai de trois mois prévu par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme. Par suite, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que la décision de retrait est intervenue au-delà du délai de trois mois prévu à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse.

9. Il résulte de ce qui précède que l'exécution de l'arrêté du 3 avril 2019 par lequel le maire de Boos a retiré le permis de construire délivré tacitement aux requérants doit être suspendu. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Boos la somme de 3 000 euros à verser à M. D... et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 24 juin 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 3 avril 2019 du maire de Boos est suspendue.

Article 3 : La commune de Boos versera à M. D... et Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... D... et Mme C... B... et à la commune de Boos.

Copie en sera adressée à la ministre de la cohésion des territoires et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 432424
Date de la décision : 07/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 fév. 2020, n° 432424
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Moreau
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:432424.20200207
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