La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/02/2020 | FRANCE | N°422682

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 05 février 2020, 422682


Vu la procédure suivante :

La société EDS Cay a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite de rejet né du silence gardé par la société Electricité de France (EDF) sur sa demande du 11 décembre 2012 tendant à l'application du tarif " S 06 " au contrat d'achat d'électricité conclu par elle le 1er octobre 2012 et d'enjoindre à la société EDF de conclure avec elle un contrat à ce tarif, subsidiairement, d'enjoindre à la société EDF de saisir le juge du contrat de la validité de la clause tarifaire de ce contrat d'achat. Par un jugemen

t n° 1300513 du 9 mars 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté...

Vu la procédure suivante :

La société EDS Cay a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite de rejet né du silence gardé par la société Electricité de France (EDF) sur sa demande du 11 décembre 2012 tendant à l'application du tarif " S 06 " au contrat d'achat d'électricité conclu par elle le 1er octobre 2012 et d'enjoindre à la société EDF de conclure avec elle un contrat à ce tarif, subsidiairement, d'enjoindre à la société EDF de saisir le juge du contrat de la validité de la clause tarifaire de ce contrat d'achat. Par un jugement n° 1300513 du 9 mars 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16BX01581 du 29 mai 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société EDS Cay contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juillet et 30 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société EDS Cay demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société EDF la somme de 4000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

- le décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 ;

- l'arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- l'arrêté du 12 janvier 2010 portant abrogation de l'arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- l'arrêté du 12 janvier 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- l'arrêté du 16 mars 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Viton, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de la société EDS Cay et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Electricité de France ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 janvier 2020, présentée par la société EDS Cay ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société EDS Cay, qui exploite une installation photovoltaïque intégrée à un bâtiment agricole sur le territoire de la commune d'Ansac-sur-Vienne (Charente), a conclu le 1er octobre 2012 avec la société EDF un contrat d'achat de l'électricité au tarif fixé par l'arrêté interministériel du 12 janvier 2010. Elle a sollicité auprès de la société EDF l'application des conditions tarifaires prévues par l'arrêté interministériel du 10 juillet 2006, par une demande du 12 décembre 2012 qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 mai 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 mars 2016 qui avait rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit enjoint à la société EDF de conclure un contrat d'achat d'électricité aux conditions tarifaires prévues par l'arrêté du 10 juillet 2006.

2. Aux termes de l'article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article L. 314-1 du code de l'énergie : " Sous réserve de la nécessité de préserver le bon fonctionnement des réseaux, Electricité de France et, dans le cadre de leur objet légal et dès lors que les installations de production sont raccordées aux réseaux publics de distribution qu'ils exploitent, les distributeurs non nationalisés (...) sont tenus de conclure, si les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l'achat de l'électricité produite sur le territoire national par : / (...) / 2° Les installations de production d'électricité qui utilisent des énergies renouvelables (...). Un décret précise les obligations qui s'imposent aux producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat, ainsi que les conditions dans lesquelles les ministres chargés de l'économie et de l'énergie arrêtent (...) les conditions d'achat de l'électricité ainsi produite ". Aux termes de l'article 5 du décret du 10 mai 2001, pris pour son application, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article R. 314-12 du code de l'énergie : " Les relations entre les producteurs et l'acheteur font l'objet d'un contrat d'achat de l'électricité établi conformément au présent décret et à l'arrêté correspondant à la filière concernée, pris en application de l'article 8 du présent décret ". L'article 8 de ce décret prévoit que ces arrêtés précisent notamment les tarifs d'achat de l'électricité.

3. Par arrêté du 10 juillet 2006, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie ont, en application de l'article 8 du décret du 10 mai 2001, fixé les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil d'une puissance installée inférieure ou égale à 12 mégawatts. Par un premier arrêté du 12 janvier 2010, ces ministres ont abrogé l'arrêté du 10 juillet 2006 et, par un second arrêté du même jour, modifié par arrêté du 15 janvier 2010, ont fixé de nouvelles conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil remplissant la même condition de puissance, applicables aux installations dont la mise en service n'était pas intervenue à la date de publication de leur arrêté. Enfin, par deux arrêtés du 16 mars 2010, les mêmes ministres ont, d'une part, confirmé l'application des conditions d'achat définies par l'arrêté du 12 janvier 2010, en le modifiant sur quelques points et, d'autre part, rétabli le bénéfice des conditions d'achat qui résultaient des dispositions de l'arrêté du 10 juillet 2006 pour certaines des installations qui n'avaient pas été mises en service avant le 15 janvier 2010.

4. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 16 mars 2010 : " Parmi les installations non mises en service avant le 15 janvier 2010, seules peuvent bénéficier des conditions d'achat mentionnées ci-dessus les installations suivantes : / Installations pour lesquelles le producteur a donné son accord sur la proposition technique et financière de raccordement transmise par le gestionnaire de réseau et a versé, avant le 11 janvier 2010, le premier acompte dans les conditions définies par la documentation technique de référence du gestionnaire de réseau ; / Installations pour lesquelles une demande de contrat d'achat, conforme aux dispositions de l'arrêté du 10 juillet 2006 précité et du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 modifié susvisé, a été déposée avant le 1er novembre 2009 ; / Installations de puissance crête supérieure à 36 kW et inférieure ou égale à 250 kW, pour lesquelles une demande de contrat d'achat, conforme aux dispositions de l'arrêté du 10 juillet 2006 précité et du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 modifié, et une demande complète de raccordement au réseau public (...) ont été déposées avant le 11 janvier 2010 ; / Installations de puissance crête supérieure à 36 kW et inférieure ou égale à 250 kW, pour lesquelles une demande de contrat d'achat, conforme aux dispositions de l'arrêté du 10 juillet 2006 précité et du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 modifié, a été déposée avant le 11 janvier 2010, et qui remplissent toutes les conditions suivantes : / a) L'installation est intégrée, au sens de l'arrêté du 10 juillet 2006 précité, à un bâtiment agricole ; / b) L'installation a fait l'objet d'une déclaration préalable ou d'une demande de permis de construire avant le 11 janvier 2010, et le producteur dispose du récépissé mentionné à l'article R. 423-3 du code de l'urbanisme ; / c) Le producteur dispose d'une attestation du préfet de département, sollicitée par le producteur au plus tard un mois après la date de publication du présent arrêté (...) ".

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société EDS Cay a déposé, le 15 octobre 2009, une demande tendant à la conclusion d'un contrat de raccordement au réseau public de distribution d'électricité auprès de la société Electricité Réseau de France (ERDF) et non, contrairement à ce qu'elle soutient, à la conclusion d'un contrat d'achat avec la société EDF. S'agissant de deux contrats d'objet distinct, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que cette demande de raccordement ne pouvait être assimilée à une demande de contrat d'achat d'électricité sans qu'ait d'incidence la circonstance que les deux demandes auraient postérieurement été fusionnées dans le cadre de l'application du régime prévu par l'arrêté du 12 janvier 2010. Par ailleurs, en relevant qu'il ne résultait pas de l'instruction que la société EDS Cay aurait formé une demande de contrat d'achat avant le 11 janvier 2010 et en en déduisant que la requérante ne pouvait prétendre, à raison de la conclusion d'un tel contrat, au bénéfice des conditions d'achat résultant de l'arrêté du 10 juillet 2006 sur le fondement des dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 16 mars 2010 citées au point 4, la cour n'a pas dénaturé les faits soumis à son appréciation et n'a pas commis d'erreur de droit.

6. En deuxième lieu, alors que l'arrêté du 10 juillet 2006 prévoyait que la date de demande complète de contrat d'achat détermine les tarifs applicables à une installation, l'article 3 de l'arrêté du 12 janvier 2010 a prévu que c'est la date de demande complète de raccordement au réseau public par le producteur qui détermine les tarifs applicables. Cette modification de la date commandant les tarifs applicables s'applique uniquement aux contrats d'achat conclus dans les conditions prévues par l'arrêté du 12 janvier 2010. Par suite, le moyen soulevé devant la cour par la société EDS Cay, tiré de ce qu'elle pouvait bénéficier, en application de l'article 3 de l'arrêté du 12 janvier 2010, du tarif fixé par l'arrêté du 10 juillet 2006 qui était en vigueur à la date du dépôt de sa demande complète de raccordement au réseau était inopérant et la cour n'a pas entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation ni commis d'erreur de droit en l'écartant sans y répondre expressément.

7. En dernier lieu, dès lors que les installations non mises en service avant le 15 janvier 2010 pouvant bénéficier des conditions tarifaires prévues par l'arrêté du 10 juillet 2006 étaient exclusivement énumérées par l'article 1er de l'arrêté du 16 mars 2010 cité au point 4, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la société EDS Cay ne pouvait utilement se prévaloir des circonstances que son projet était très avancé à la date de la publication des arrêtés du 12 janvier 2010 et qu'il ne présentait pas de caractère spéculatif. En outre, en jugeant que la société ne pouvait se prévaloir d'une situation juridiquement constituée à cette date et en en déduisant que l'application du tarif prévu par l'arrêté du 12 janvier 2010 ne méconnaissait pas le principe de non-rétroactivité, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et n'a pas commis d'erreur de droit.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société EDS Cay doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge une somme à verser à la société EDF au titre du même article.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société EDS Cay est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société EDF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société EDS Cay et à la société Electricité de France.

Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique et solidaire.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 422682
Date de la décision : 05/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 fév. 2020, n° 422682
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Viton
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP BOULLOCHE ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:422682.20200205
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award