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05/02/2020 | FRANCE | N°419284

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 05 février 2020, 419284


Vu la procédure suivante :

La société Vivauto PL a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le préfet de la Loire a rejeté sa demande de suspension de l'agrément accordé à la société ICTA pour le contrôle technique des véhicules poids lourds et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de suspendre cet agrément dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1204347 du 21 octobre 2015, le tribunal administrati

f de Lyon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15LY04022 du 25 janvier 2...

Vu la procédure suivante :

La société Vivauto PL a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le préfet de la Loire a rejeté sa demande de suspension de l'agrément accordé à la société ICTA pour le contrôle technique des véhicules poids lourds et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de suspendre cet agrément dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1204347 du 21 octobre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15LY04022 du 25 janvier 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société Vivauto PL contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mars et 25 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Vivauto PL demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- l'arrêté du 27 juillet 2004 relatif au contrôle technique des véhicules lourds ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Vivauto PL et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de la société ICTA ;

Considérant ce qui suit :

1. Le I de l'article L. 323-1 du code de la route dispose que : " lorsqu'en application du présent code, des véhicules sont astreints à un contrôle technique, celui-ci est effectué par les services de l'État ou par des contrôleurs agréés par l'État. / Cet agrément peut être délivré soit à des contrôleurs indépendants, soit à des contrôleurs organisés en réseaux d'importance nationale, sous réserve qu'ils n'aient fait l'objet d'aucune condamnation inscrite au bulletin n° 2 de leur casier judiciaire. (...) / Un décret en Conseil d'État fixe les modalités de fonctionnement du système de contrôle et en particulier les conditions d'agrément des contrôleurs, des installations nécessaires au contrôle et des réseaux mentionnés au deuxième alinéa ". Aux termes de l'article R. 323-14 du code de la route : " I. - L'agrément des installations d'un centre de contrôle est délivré par le préfet du département où est implanté le centre. / (...) / IV. L'agrément des installations de contrôle peut être suspendu ou retiré pour tout ou partie des catégories de contrôles techniques qu'il concerne si les conditions de bon fonctionnement des installations ou si les prescriptions qui leur sont imposées par la présente section ne sont plus respectées, et après que la personne bénéficiaire de l'agrément et le représentant du réseau de contrôle auquel les installations sont éventuellement rattachées ont pu être entendus et mis à même de présenter des observations écrites ou orales ".

2. En vertu de l'article R. 323-21 du code de la route, le ministre chargé des transports fixe par arrêté les conditions d'application de ces dispositions. A ce titre, l'article 22 de l'arrêté du 27 juillet 2004 relatif au contrôle technique des véhicules lourds, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " les installations de contrôle de véhicules lourds doivent être organisées de manière à répondre aux conditions définies aux I et II de l'article R. 323-13 du code de la route susvisé pour permettre la réalisation des catégories de contrôles techniques. / Les installations de contrôle exploitées par les réseaux et les installations non rattachées à un réseau ne conservent le bénéfice de leur agrément et ne poursuivent leur activité que si elles justifient d'une accréditation suivant la norme NF EN ISO/CEI 17020 : 2005 dans le domaine "contrôle des véhicules lourds", par le COFRAC ou par un organisme accréditeur signataire de l'accord multilatéral d'EA (European Cooperation for Accreditation) ou sont comprises dans le périmètre d'accréditation de leur réseau. / L'accréditation est exigible au plus tard un an à compter de la date d'agrément sous réserve que le centre puisse présenter lors de sa demande d'agrément un récépissé délivré par l'organisme accréditeur attestant qu'il a déposé, en vue de son accréditation, son système qualité complet ". L'article 25 du même arrêté, dans sa rédaction applicable au litige, précise que " l'agrément du centre de contrôle peut être retiré ou suspendu pour tout ou partie des catégories de contrôles techniques couvertes par l'agrément, conformément aux dispositions du IV de l'article R. 323-14 du code de la route, par le préfet du département du centre. Les mesures de retrait ou de suspension sont notamment applicables en cas de non-respect des articles R. 323-13, R. 323-14, R. 323-15 et R. 323-17 du code de la route. / Avant toute décision, le préfet informe par écrit l'exploitant du centre de contrôle de son intention de suspendre ou de retirer l'agrément du centre, pour tout ou partie des catégories de contrôles, en indiquant les faits qui lui sont reprochés et en lui communiquant ou en lui permettant d'accéder au dossier sur la base duquel la procédure est initiée. Celui-ci dispose d'un délai d'un mois à compter de la présentation du courrier pour être entendu et faire part de ses observations. / Si le préfet de département envisage de suspendre ou retirer l'agrément, il organise une réunion contradictoire à laquelle sont invités le titulaire de l'agrément du centre de contrôle où les faits ont été constatés ainsi que le réseau éventuellement concerné avant que la sanction ne soit prononcée. Cette réunion est tenue postérieurement au délai d'un mois accordé pour faire part des observations (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société ICTA exploite un centre indépendant de contrôle technique de poids lourds à Roanne (Loire). Elle bénéficie de l'agrément préfectoral prévu à l'article L. 323-1 du code de la route mais son accréditation par le comité français d'accréditation (COFRAC), prévu par l'article 22 de l'arrêté du 27 juillet 2004, a expiré en 2009 et aucune nouvelle demande d'accréditation n'a été engagée. Le 18 janvier 2012, la société Vivauto PL, qui exploite un réseau de centres de contrôle technique de poids lourds, dont un est implanté à Villefranche-sur-Saône (Rhône), a demandé au préfet de la Loire de suspendre immédiatement l'agrément délivré à la société ICTA jusqu'à ce que cette société obtienne l'accréditation du COFRAC. En l'absence de réponse de l'administration, la société Vivauto PL a renouvelé sa demande le 9 mars 2012. Par un jugement du 21 octobre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la société Vivauto PL tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Loire. Par un arrêt du 25 janvier 2018, contre lequel la société Vivauto PL se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel formé contre le jugement du tribunal administratif.

4. Il résulte des dispositions de l'article 22 de l'arrêté du 27 juillet 2004 que le ministre chargé des transports a rendu obligatoire le respect de la norme NF EN ISO/CEI 17020 : 2005 par les centres de contrôle de véhicules lourds et que le maintien de l'agrément des installations d'un centre de contrôle est subordonné à la détention d'une accréditation justifiant du respect de cette norme technique. Par suite, il appartient au préfet, lorsqu'il constate qu'un centre de contrôle de véhicules lourds ne dispose plus de cette accréditation, de mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article R. 323-14 du code de la route et précisée par l'article 25 de l'arrêté du 27 juillet 2004, en en informant l'exploitant et en l'invitant à régulariser sa situation. Après avoir tenu la réunion contradictoire prévue à l'article 25 de l'arrêté, il revient au préfet, à défaut d'obtention de l'accréditation dans un délai approprié, de décider s'il y a lieu de suspendre ou de retirer l'agrément pour tout ou partie des catégories de contrôles techniques. En cas de suspension, celle-ci peut être levée dès que la situation a été régularisée.

5. Par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel, après avoir relevé qu'il n'était pas contesté que le centre de contrôle de la société ICTA n'avait pas obtenu, ni même demandé, le renouvellement de son accréditation expirée en 2009, a jugé que, malgré cela, le préfet avait pu refuser de mettre en oeuvre la procédure de retrait ou de suspension de l'agrément au motif qu'il disposait d'une marge d'appréciation, qu'aucun dysfonctionnement en matière de sécurité n'avait été relevé lors d'une visite de contrôle du 16 septembre 2010 et que l'administration avait tenu compte de " circonstances économiques et sociales locales ". En statuant ainsi, elle a commis, compte tenu de ce qui a été dit au point 4, une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, la société Vivauto PL est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société ICTA la somme de 3 000 euros à verser à la société Vivauto PL au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Vivauto PL qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 25 janvier 2018 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : La société ICTA versera à la société Vivauto PL une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société ICTA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Vivauto PL, à la ministre de la transition écologique et solidaire et à la société ICTA.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 419284
Date de la décision : 05/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 fév. 2020, n° 419284
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:419284.20200205
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