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19/12/2019 | FRANCE | N°430490

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 19 décembre 2019, 430490


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'agence régionale de santé d'Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser la somme de 23 852 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la rupture illégale de son contrat de travail. Par une ordonnance n° 1808617 du 21 décembre 2018, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 19LY00633 du 7 mars 2019, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé

par M. A... contre cette ordonnance et refusé de transmettre au Conseil d'Et...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'agence régionale de santé d'Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser la somme de 23 852 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la rupture illégale de son contrat de travail. Par une ordonnance n° 1808617 du 21 décembre 2018, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 19LY00633 du 7 mars 2019, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. A... contre cette ordonnance et refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration.

Par un pourvoi, enregistré le 6 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, enregistré le 6 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. A... demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 19LY00633 du 7 mars 2019, de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pearl Nguyên Duy, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de M. A....

Sur la contestation du refus de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité :

1. Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958 prévoient que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

2. L'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, dont la constitutionnalité était contestée devant la cour, dispose que ne sont applicables aux relations entre l'administration et ses agents ni les dispositions de l'article L. 112-3 de ce code, aux termes desquelles : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception ", ni celles de son article L. 112-6 qui dispose que : " les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis (...) ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. (...) ".

4. La question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A... devant la cour administrative d'appel de Lyon est dirigée contre les dispositions de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration en ce que, en excluant l'application aux litiges relatifs aux relations entre l'administration et ses agents des règles posées par les articles L. 112-3 et L. 112-6 de ce code imposant la délivrance d'un accusé de réception des demandes et subordonnant l'opposabilité des délais de recours à la régularité de celui-ci, elles impliquent que le délai de deux mois ouvert à l'agent pour former un recours contre une décision, y compris implicite, relative à ses relations avec son administration, court dès sa naissance, alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande, que l'agent soit en activité ou qu'il ait perdu cette qualité à la date de sa demande.

5. En premier lieu, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquels elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales. La nature des relations qu'un agent employé par une personne publique, entretient, en cette qualité, avec son employeur, est différente, même lorsqu'il a perdu cette qualité, de celle entretenue par l'administration avec le public, y compris l'agent en sa qualité de citoyen ou d'usager. En excluant l'application aux relations entre l'administration et ses agents des dispositions des articles L. 112-3 et L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, qui ont pour objet de régir les relations du public avec l'administration, sans viser à intervenir dans les relations entre l'administration et ses agents, les dispositions de l'article L. 112-2 du même code ne procèdent dès lors pas de distinctions injustifiées entre les administrés et les agents de l'administration et assurent aux justiciables des garanties propres à chacune des différentes natures de litiges qui sont susceptibles de les opposer à l'administration.

6. En deuxième lieu, si les dispositions litigieuses posent des règles différentes applicables à la naissance des décisions prises par l'administration lorsqu'elle est saisie d'un recours ou d'une demande de l'un de ses agents et à l'opposabilité des délais de recours, elles ne modifient pas les conditions dans lesquelles la responsabilité de l'État peut être engagée.

7. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, en dispensant l'administration d'accuser réception des demandes de ses agents et de mentionner les voies et délais de recours, ne modifient pas par elles même les délais de recours contentieux dont disposent ces agents, ni les conditions dans lesquelles ils peuvent former un tel recours.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée serait entachée d'erreur de droit en ce qu'elle a jugé qu'est dépourvue de caractère sérieux la question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce que les dispositions de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration seraient contraires au principe d'égalité devant la justice consacré par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, au principe de responsabilité résultant de l'article 4 de cette Déclaration et au droit d'exercer un recours juridictionnel effectif garanti à son article 16. Par suite, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du refus de transmission de cette question prioritaire de constitutionnalité.

Sur les autres moyens des pourvois :

9. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux "

10. Pour demander l'annulation de l'ordonnance du premier vice-président de la cour administrative d'appel de Lyon qu'il attaque, M. A... soutient qu'elle est entachée :

- d'irrégularité, faute de signature de la minute, en méconnaissance de l'article R. 742-5 du code de justice administrative ;

- d'erreur de droit et d'insuffisance de motivation, en ce qu'elle juge, pour rejeter sa requête comme tardive, que le litige entre dans le champ d'application de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, sans rechercher s'il avait toujours la qualité d'agent public lorsqu'il a formé sa demande indemnitaire.

11. Aucun des moyens soulevés n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi de M. A....

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La contestation du refus de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause les dispositions de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration est écartée.

Article 2 : Le pourvoi de M. A... n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A....

Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 430490
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2019, n° 430490
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pearl Nguyên Duy
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:430490.20191219
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