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04/12/2019 | FRANCE | N°422423

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 04 décembre 2019, 422423


Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 juillet 2018 et 20 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Saint Martins Management Corporation Ltd, représentant l'État du Koweït, demande au Conseil d'État :

1°) de constater que la responsabilité de la société civile professionnelle (SCP) Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, est engagée en raison du défaut d'acquittement de la contribution pour l'aide juridique ayant eu pour conséquence l'irrecevabilité de son reco

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Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 juillet 2018 et 20 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Saint Martins Management Corporation Ltd, représentant l'État du Koweït, demande au Conseil d'État :

1°) de constater que la responsabilité de la société civile professionnelle (SCP) Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, est engagée en raison du défaut d'acquittement de la contribution pour l'aide juridique ayant eu pour conséquence l'irrecevabilité de son recours pour excès de pouvoir contre le permis de construire délivré par le maire de Courbevoie à la société Tour Air 2 pour la construction d'une tour dans le quartier de la Défense.

2°) de condamner la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois au versement d'une indemnité de 21 450 000 euros correspondant à la perte de valeur de la Tour Manhattan et de 10 000 euros au titre du préjudice moral, ainsi qu'aux intérêts de droit depuis le jour de la demande et à la capitalisation desdits intérêts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des impôts ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance du 10 septembre 1817, notamment son article 13 modifié par le décret n° 2002-76 du 11 janvier 2002 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Saint Martins Management Corporation Ltd et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la SCP Garreau-Bauer-Violas, Feschotte-Desbois ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 20 juillet 2011, le maire de Courbevoie, agissant au nom de l'Etat, a accordé à la société Tour Air2 un permis de construire portant sur la construction d'une tour de quarante-sept étages dans le quartier de la Défense, à la place de constructions existantes, dont la " tour Aurore ". La société Saint Martins Management Corporation Ltd assure la gestion de la " tour Manhattan ", propriété de l'Etat du Koweit située à proximité du terrain d'assiette du projet. Le recours gracieux qu'elle a formé contre le permis de construire a été rejeté par décision implicite du maire de Courbevoie. Elle a donné mandat à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas de former un recours pour excès de pouvoir contre le permis de construire et la décision rejetant son recours gracieux. Par une ordonnance du 3 avril 2012, le président de la première chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté la requête présentée par la SCP comme manifestement irrecevable en raison du défaut d'acquittement de la contribution pour l'aide juridique due en application des articles 1635 bis Q du code général des impôts et R. 411-2 du code de justice administrative. Par ordonnance du 14 mars 2013, le président de la deuxième chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Saint Martins Management Corporation Ltd. La SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas a saisi, le 14 juin 2012, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une nouvelle requête visant à l'annulation du permis de construire et de la décision implicite de rejet opposée à son recours gracieux. Par une ordonnance du 16 juillet 2012, le tribunal administratif a jugé cette requête irrecevable pour tardiveté. Par une ordonnance du 14 mars 2013, le président de la deuxième chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé contre cette ordonnance. Par deux ordonnances du 27 décembre 2013, la présidente de la 1ère sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'État a refusé d'admettre les pourvois en cassation formés contre les ordonnances rendues en appel.

2. La société Saint Martins Management Corporation Ltd soutient qu'en n'acquittant pas la contribution pour l'aide juridique, la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas lui a fait perdre une chance sérieuse d'obtenir l'annulation du permis de construire de la tour Air2. Elle demande que la responsabilité civile de cet avocat soit engagée en réparation du préjudice causé, qu'elle évalue à 21 450 000 euros au titre du préjudice matériel et à 10 000 euros au titre du préjudice moral.

3. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 13 de l'ordonnance du 10 septembre 1817, modifiée par le décret du 11 janvier 2002 relatif à la discipline des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation : " Les actions en responsabilité civile professionnelle engagées à l'encontre d'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation sont portées, après avis du conseil de l'ordre, devant le Conseil d'État, quand les faits ont trait aux fonctions exercées devant le tribunal des conflits et les juridictions de l'ordre administratif, et devant la Cour de cassation dans les autres cas ". Les faits en cause ont trait au recours pour excès de pouvoir formé devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, pour le compte de la société Saint Martins Management Corporation Ltd, par la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, aux droits de laquelle vient la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois. Dès lors, le Conseil d'État est compétent pour connaître de la requête de la société.

4. En premier lieu, d'une part, il résulte de l'instruction que, malgré l'écoulement d'un délai de près de deux ans et demi depuis la fin des procédures juridictionnelles relatives à la légalité du permis de construire, les travaux de construction de la tour Air2 n'ont connu aucun commencement d'exécution. Il n'est pas contesté que le bénéficiaire du permis de construire, alors propriétaire de la tour existante sur l'emprise du projet, en a depuis cédé la propriété. Deux déclarations préalables ont été déposées en 2018 pour le compte du nouveau propriétaire en vue de la réalisation d'un projet tendant à la rénovation de la tour existante. Par suite, le préjudice matériel, invoqué par la société requérante, correspondant à une diminution de la valeur vénale de la tour Manhattan qui découlerait de la réalisation du projet de construction de la tour Air2 ne présente un caractère ni actuel, ni futur et certain. D'autre part, la société requérante n'apporte aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle la tour Manhattan aurait subi une perte de valeur vénale du seul fait de la délivrance du permis de construire du 20 juillet 2011.

5. En second lieu, la demande présentée par la société Saint Martins Management Corporation Ltd au nom de l'Etat du Koweit en vue de la réparation d'un préjudice moral n'est, en tout état de cause, pas assortie des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, que, faute pour la société requérante d'établir l'existence d'un préjudice, ses conclusions tendant à rechercher la responsabilité de la SCP Garreau, Bauer-Violas, Faschotte-Desbois sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 13 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Saint Martins Management Corporation Ltd est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Saint Martins Management Corporation Ltd et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Faschotte-Desbois.

Copie en sera adressée pour information au conseil de l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 422423
Date de la décision : 04/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 04 déc. 2019, n° 422423
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laurence Franceschini
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP L. POULET-ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:422423.20191204
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