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02/12/2019 | FRANCE | N°423626

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 02 décembre 2019, 423626


Vu la procédure suivante :

Le centre départemental d'économie rurale des exploitations agricoles de la Marne (CDER) a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la réduction de la taxe foncière mise à sa charge au titre des années 2015 et 2016 pour ses locaux situés à Reims, Châlons-en-Champagne et Epernay.

Par un jugement n° 1700962, 1701041 et 1701042 du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, après avoir prononcé une décharge partielle pour les locaux situés à Châlons-en-Champagne par application d'un ab

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Vu la procédure suivante :

Le centre départemental d'économie rurale des exploitations agricoles de la Marne (CDER) a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la réduction de la taxe foncière mise à sa charge au titre des années 2015 et 2016 pour ses locaux situés à Reims, Châlons-en-Champagne et Epernay.

Par un jugement n° 1700962, 1701041 et 1701042 du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, après avoir prononcé une décharge partielle pour les locaux situés à Châlons-en-Champagne par application d'un abattement de 20 %, a rejeté, en son article 3, le surplus des conclusions des demandes.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 27 août 2018, 26 novembre 2018 et le 7 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre départemental d'économie rurale des exploitations agricoles de la Marne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit au surplus des conclusions de sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n°45-2138 du 19 décembre 1945;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat du centre départemental d'économie rurale des exploitations agricoles de la Marne (CDER) ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le centre départemental d'économie rurale des exploitations agricoles de la Marne, qui est une association de gestion et de comptabilité, a demandé la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie pour ses locaux situés à Reims, Châlons-en-Champagne et Epernay, au titre des années 2015 et 2016, au motif, notamment, que leur valeur locative devait être appréciée sur la base, non pas de la méthode comparative prévue par le 2° de l'article 1498 du code général des impôts et retenue par l'administration, mais de celle qui est prévue par l'article 1496 du même code. Elle se pourvoit en cassation contre l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 27 juin 2018 qui a rejeté les conclusions présentées en ce sens.

2. D'une part, aux termes du I de l'article 1496 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " La valeur locative des locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92 est déterminée par comparaison avec celle de locaux de référence choisis, dans la commune, pour chaque nature et catégorie de locaux ". Aux termes du 1 de l'article 92 du même code : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants ou de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profit ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable, dans sa rédaction applicable au litige : " Est expert-comptable ou réviseur comptable au sens de la présente ordonnance celui qui fait profession habituelle de réviser et d'apprécier les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n'est pas lié par un contrat de travail. Il est également habilité à attester la régularité et la sincérité des comptes de résultats. / L'expert-comptable fait aussi profession de tenir, centraliser, ouvrir, arrêter, surveiller, redresser et consolider les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n'est pas lié par un contrat de travail. / L'expert-comptable peut aussi organiser les comptabilités et analyser par les procédés de la technique comptable la situation et le fonctionnement des entreprises et organismes sous leurs différents aspects économique, juridique et financier. / Il fait rapport de ses constatations, conclusions et suggestions. / L'expert-comptable peut aussi accompagner la création d'entreprise sous tous ses aspects comptables ou à finalité économique et financière. / Les membres de l'ordre, les sociétés pluri-professionnelles d'exercice, les succursales et les associations de gestion et de comptabilité peuvent assister, dans leurs démarches déclaratives à finalité fiscale, sociale et administrative, les personnes physiques qui leur ont confié les éléments justificatifs et comptables nécessaires auxdites démarches ". Aux termes du I de l'article 7 ter de la même ordonnance : " L'activité d'expertise comptable peut également être exercée au sein d'associations de gestion et de comptabilité, qui ne sont pas membres de l'ordre des experts-comptables. / Ces associations ont pour objet de fournir les prestations prévues aux articles 2 et 22, et notamment d'apporter conseil et assistance en matière de gestion, à l'ensemble de leurs adhérents. (...) / Aucune association ne peut être inscrite au tableau si elle a moins de trois cents adhérents lors de la demande d'inscription / (...) ". Aux termes, enfin, de l'article 22 de la même ordonnance : " L'activité d'expertise comptable est incompatible avec toute occupation ou tout acte de nature à porter atteinte à l'indépendance de la personne qui l'exerce en particulier : / (...) / Avec toute activité commerciale ou acte d'intermédiaire autre que ceux que comporte l'exercice de la profession, sauf s'il est réalisé à titre accessoire et n'est pas de nature à mettre en péril l'exercice de la profession ou l'indépendance des associés experts-comptables ainsi que le respect par ces derniers des règles inhérentes à leur statut et à leur déontologie. Les conditions et limites à l'exercice de ces activités et à la réalisation de ces actes sont fixées par les normes professionnelles élaborées par le conseil supérieur de l'ordre et agréées par arrêté du ministre chargé de l'économie ; / (...) / Il est en outre interdit aux membres de l'ordre, aux succursales et aux associations de gestion et de comptabilité, ainsi qu'à leurs salariés mentionnés à l'article 83 ter et à l'article 83 quater d'agir en tant qu'agent d'affaires (...) ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a reconnu un caractère non commercial aux activités que les associations de gestion et de comptabilité exercent conformément aux règles qu'elles prévoient.

4. Par suite, en jugeant, pour exclure l'application au cas d'espèce des dispositions citées au point 2, que la circonstance que l'association requérante avait recours à du personnel salarié pour assurer ses missions d'expertise comptable, et que son activité reposait sur l'utilisation de moyens humains, était à elle seule de nature à conférer un caractère commercial à l'activité qu'elle exerce, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, le législateur a qualifié cette activité de non commerciale, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a commis une erreur de droit.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans cette mesure, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il ne résulte pas de l'instruction que l'association requérante aurait exercé, au cours de la période litigieuse, d'autres activités que celles qui sont prévues par les dispositions citées au point 3 dans les locaux en litige. Dès lors qu'il s'agissait ainsi d'activités professionnelles non commerciales, les locaux de l'association devaient être évalués selon la méthode comparative prévue par l'article 1496 du code général des impôts. Par suite, l'association est fondée à demander la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties en litige, à concurrence de la différence résultant de l'application de cette méthode par rapport à celle de l'article 1498 qui a été utilisée par l'administration.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 juin 2018 est annulé.

Article 2 : Le centre départemental d'économie rurale des exploitations agricoles de la Marne est déchargé des cotisations de taxe foncière mises à sa charge au titre des années 2015 et 2016 pour ses locaux de Reims, Châlons-en-Champagne et Epernay à concurrence de la différence entre ce montant et celui qui résulte de l'application de la méthode prévue par l'article 1496 du code général des impôts en lieu et place de celle prévue par l'article 1498 du même code.

Article 3 : L'Etat versera au centre départemental d'économie rurale des exploitations agricoles de la Marne la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au centre départemental d'économie rurale des exploitations agricoles de la Marne et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 423626
Date de la décision : 02/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - QUESTIONS COMMUNES - VALEUR LOCATIVE DES BIENS - EVALUATION DES PROPRIÉTÉS BÂTIES - MÉTHODE PAR COMPARAISON AVEC DES LOCAUX DE RÉFÉRENCE APPLICABLE AUX LOCAUX AFFECTÉS À UNE ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE NON COMMERCIALE (I DE L'ART - 1496 DU CGI) - NOTION D'ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE NON COMMERCIALE - ASSOCIATION DE GESTION ET DE COMPTABILITÉ - INCLUSION [RJ1].

19-03-01-02 Il résulte des articles 2 et 22 et du I de l'article 7 ter de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 décembre 1945 que le législateur a reconnu un caractère non commercial aux activités que les associations de gestion et de comptabilité exercent conformément aux règles qu'ils prévoient.,,,Le I de l'article 1496 du code général des impôts (CGI), relatif à l'évaluation de la valeur locative des locaux affectés à une activité professionnelle non commerciale, et le 1 de l'article 92 du même code auquel il renvoie leur sont, par suite, applicables.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES NON COMMERCIAUX - PERSONNES - PROFITS - ACTIVITÉS IMPOSABLES - INCLUSION - ASSOCIATION DE GESTION ET DE COMPTABILITÉ [RJ1].

19-04-02-05-01 Il résulte des articles 2 et 22 et du I de l'article 7 ter de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 décembre 1945 que le législateur a reconnu un caractère non commercial aux activités que les associations de gestion et de comptabilité exercent conformément aux règles qu'ils prévoient.


Références :

[RJ1]

Rappr., sur le caractère non commercial de l'activité des sociétés d'expertise comptable, CE, 18 juin 1980, Société technique comptable, n° 17154, p. 277.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 déc. 2019, n° 423626
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Isidoro
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:423626.20191202
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