Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 25 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 7 mars 2018, par laquelle la ministre des armées lui a refusé l'accès aux données susceptibles de le concerner ainsi que son père figurant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel mis en oeuvre par la direction du renseignement militaire (DRM) ;
2°) d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 22 mars 2018, par laquelle la ministre des armées lui a refusé l'accès aux données susceptibles de le concerner ainsi que son père figurant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel mis en oeuvre par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ;
3°) d'enjoindre à la ministre des armées de lui communiquer ces données dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Lesourd d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;
- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. A... et la SCP Lesourd, son avocat, et d'autre part, la ministre des armées et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;
Et après avoir entendu en séance :
- le rapport de M. Bertrand Dacosta, conseiller d'Etat,
- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en oeuvre de ces traitements ; le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.
2. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en oeuvre du droit d'accès aux traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figurent notamment au nombre de ces traitements les fichiers de la direction du renseignement militaire (DRM) et de la direction générale du renseignement extérieur (DGSE).
3. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes relatives à la mise en oeuvre du droit d'accès mentionné au point 2, " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. /Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en oeuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. /Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".
Sur les conclusions relatives aux données susceptibles de concerner le père de M. A... :
4. La loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés n'ouvre la possibilité de demander la communication de données à caractère personnel figurant dans un traitement automatisé ou de solliciter un accès indirect à de telles données qu'à la personne concernée par celles-ci. La seule qualité d'ayant droit de son père décédé dont se prévaut M. A... ne lui confère pas la qualité de personne concernée par les données susceptibles de concerner son père dans un fichier intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense.
Sur les conclusions relatives aux données susceptibles de concerner M. A... :
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) afin de pouvoir accéder aux données susceptibles de le concerner figurant dans les traitements automatisés de données à caractère personnel mis en oeuvre par la direction du renseignement militaire (DRM) et la direction générale du renseignement extérieur (DGSE). La Commission a désigné, en application de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978, alors applicable, un membre pour mener toutes investigations utiles et faire procéder, le cas échéant, aux modifications nécessaires. Par deux lettres des 7 et 22 mars 2018, la présidente de la Commission a informé M. A... qu'il avait été procédé à l'ensemble des vérifications demandées et que la procédure était terminée, sans lui apporter d'autre information. M. A... demande l'annulation des refus, révélés par ce courrier, de la ministre des armées de lui donner accès aux données susceptibles de le concerner et figurant dans les fichiers litigieux et d'enjoindre à la ministre, sous astreinte, de les lui communiquer.
6. La ministre des armées et la CNIL ont communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments relatifs à la situation de l'intéressé. La ministre a, en outre, communiqué les actes réglementaires, non publiés, créant les fichiers litigieux.
7. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.
8. La formation spécialisée a procédé à l'examen des actes réglementaires autorisant la création des fichiers litigieux ainsi que des éléments fournis par la ministre et par la CNIL, laquelle a effectué les diligences qui lui incombent dans le respect des règles de compétence et de procédure applicables. Il résulte de cet examen, qui s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent et n'a révélé aucune illégalité, que les conclusions de M. A..., y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mohamed Othman M. A... et à la ministre des armées.
Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.