La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/12/2019 | FRANCE | N°415470

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 02 décembre 2019, 415470


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 décembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de Seine-et-Marne a autorisé la société Roto France à le licencier, ainsi que la décision implicite du 23 juin 2015 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours contre cette décision. Par une ordonnance n° 1507368 du 13 octobre 2015, la présidente du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15PA04495 du 15 juin 2017, la cour

administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 décembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de Seine-et-Marne a autorisé la société Roto France à le licencier, ainsi que la décision implicite du 23 juin 2015 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours contre cette décision. Par une ordonnance n° 1507368 du 13 octobre 2015, la présidente du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15PA04495 du 15 juin 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A... contre cette ordonnance.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 novembre 2017 et 6 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Piwnica, Molinié, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Yaël Treille, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 19 décembre 2014, l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de Seine-et-Marne a autorisé la société Roto France à licencier pour faute M. A..., délégué du personnel. M. A... a formé le 19 février 2015 auprès de la ministre du travail un recours hiérarchique, reçu le 23 février, contre cette décision. Par un courrier du 19 mars 2015, reçu le 23 mars par M. A..., la ministre du travail, accusant réception de ce recours hiérarchique, a informé l'intéressé qu'une décision implicite de rejet naîtrait le 23 juin 2015 en l'absence de décision expresse statuant sur son recours et lui a précisé les voies et délais de recours contre la décision expresse ou implicite à intervenir. Le 24 août 2015, M. A... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2014 de l'inspectrice du travail. Par une ordonnance du 13 octobre 2015 prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la présidente du tribunal administratif de Melun, auquel cette demande avait été transmise en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, l'a rejetée comme manifestement irrecevable au motif qu'elle ne comportait l'exposé d'aucun moyen et n'avait pas été régularisée avant l'expiration du délai de recours. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 juin 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel.

2. En premier lieu, le second alinéa de l'article R. 411-1 du code de justice administrative dispose que : " L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". Aux termes de l'article R. 421-1 du même code : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. / Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa (...) ". Par ailleurs, pour l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, l'article R. 2422-1 du code du travail prévoit que : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ".

3. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 18 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, applicable au litige : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives ". Et aux termes des premier, troisième et quatrième alinéas de l'article 19 de la même loi: " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) / Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa. / Le défaut de délivrance d'un accusé de réception n'emporte pas l'inopposabilité des délais de recours à l'encontre de l'auteur de la demande lorsqu'une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite ". Le dernier alinéa de l'article 1er du décret du 6 juin 2001, pris pour l'application de ces dispositions, dispose notamment que " L'accusé de réception indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les délais de recours contre une décision administrative prise en matière d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, soit dans sa notification si la décision est expresse, soit dans l'accusé de réception de la demande l'ayant fait naître si elle est implicite. Il en va ainsi alors même que la décision du ministre du travail, prise à la suite de l'exercice d'un recours hiérarchique qui n'est pas un préalable obligatoire au recours contentieux, ne se substitue pas à la décision de l'inspecteur du travail qui a fait l'objet de ce recours.

5. Dès lors que l'accusé de réception du recours hiérarchique de M. A... répondait aux conditions exposées au point 3, l'intéressé disposait, pour contester la décision de l'inspectrice du travail, d'un délai de deux mois à compter de la décision implicite de la ministre du travail. En jugeant que ce délai expirait le 24 août 2015, la cour administrative d'appel n'a donc pas commis d'erreur de droit.

6. En se bornant par ailleurs à relever, par un motif devant au demeurant être tenu pour surabondant, que M. A... devait être regardé comme ayant eu connaissance de la décision de l'inspectrice du travail au plus tard le 19 février 2015, la cour n'a nullement soulevé d'office un moyen qu'il lui aurait appartenu, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de communiquer préalablement aux parties pour recueillir leurs observations.

7. Enfin, le moyen tiré de ce que la possibilité pour le juge administratif de rejeter sans invitation à régulariser une requête qui n'a pas été motivée avant l'expiration du délai de recours contentieux porterait atteinte au droit au recours effectif garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été soulevé devant la cour administrative d'appel. Ce moyen, nouveau en cassation, est dès lors inopérant et ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. A... doit être rejeté. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à la société Roto France et à la ministre du travail.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 415470
Date de la décision : 02/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉLAIS - POINT DE DÉPART DES DÉLAIS - NOTIFICATION - OPPOSABILITÉ DES DÉLAIS DE RECOURS - 1) CONDITION - MENTION DES VOIES ET DÉLAIS DE RECOURS - Y COMPRIS S'AGISSANT DE LA DÉCISION PRISE SUR RECOURS HIÉRARCHIQUE - APPLICATION - DÉCISION EN MATIÈRE D'AUTORISATION DE LICENCIEMENT D'UN SALARIÉ PROTÉGÉ [RJ1] - 2) OPPOSABILITÉ EN L'ESPÈCE - L'ACCUSÉ DE RÉCEPTION DU RECOURS HIÉRARCHIQUE DU SALARIÉ PROTÉGÉ MENTIONNANT LES VOIES ET DÉLAIS DE RECOURS.

54-01-07-02-01 1) Il résulte des dispositions des articles R. 411-1, R. 421-1, R. 421-5, du premier alinéa de l'article R. 421-2 du code de justice administrative (CJA), de l'article R. 2422-1 du code du travail, du premier alinéa de l'article 18, des premier, troisième et quatrième alinéas de l'article 19 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et du dernier alinéa de l'article 1er du décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 que les délais de recours contre une décision administrative prise en matière d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, soit dans sa notification si la décision est expresse, soit dans l'accusé de réception de la demande l'ayant fait naître si elle est implicite. Il en va ainsi alors même que la décision du ministre du travail, prise à la suite de l'exercice d'un recours hiérarchique qui n'est pas un préalable obligatoire au recours contentieux, ne se substitue pas à la décision de l'inspecteur du travail qui a fait l'objet de ce recours.... ,,2) Dès lors que l'accusé de réception du recours hiérarchique du salarié protégé répondait aux conditions exposées au point précédent, l'intéressé disposait, pour contester la décision de l'inspectrice du travail, d'un délai de deux mois à compter de la décision implicite de la ministre du travail.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉLAIS - POINT DE DÉPART DES DÉLAIS - CIRCONSTANCES DIVERSES DÉTERMINANT LE POINT DE DÉPART DES DÉLAIS - DÉCISIONS IMPLICITES DE REJET - OPPOSABILITÉ DES VOIES ET DÉLAIS DE RECOURS - 1) CONDITION - MENTION DANS L'ACCUSÉ DE RÉCEPTION DE LA DEMANDE AYANT FAIT NAÎTRE LA DÉCISION IMPLICITE - Y COMPRIS S'AGISSANT DE LA DÉCISION PRISE SUR RECOURS HIÉRARCHIQUE - APPLICATION - DÉCISION IMPLICITE DU MINISTRE DU TRAVAIL PRISE À LA SUITE DE L'EXERCICE D'UN RECOURS HIÉRARCHIQUE [RJ1] - 2) OPPOSABILITÉ EN L'ESPÈCE - L'ACCUSÉ DE RÉCEPTION DU RECOURS HIÉRARCHIQUE DU SALARIÉ PROTÉGÉ MENTIONNANT LES VOIES ET DÉLAIS DE RECOURS.

54-01-07-02-03-02 1) Il résulte des dispositions des articles R. 411-1, R. 421-1, du premier alinéa de l'article R. 421-2 du code de justice administrative (CJA), de l'article R. 2422-1 du code du travail, du premier alinéa de l'article 18, des premier, troisième et quatrième alinéas de l'article 19 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, du dernier alinéa de l'article 1er du décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 et de l'article R. 421-5 du CJA que les délais de recours contre une décision administrative prise en matière d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, soit dans sa notification si la décision est expresse, soit dans l'accusé de réception de la demande l'ayant fait naître si elle est implicite. Il en va ainsi alors même que la décision du ministre du travail, prise à la suite de l'exercice d'un recours hiérarchique qui n'est pas un préalable obligatoire au recours contentieux, ne se substitue pas à la décision de l'inspecteur du travail qui a fait l'objet de ce recours.... ,,2) Dès lors que l'accusé de réception du recours hiérarchique du salarié protégé répondait aux conditions exposées au point précédent, l'intéressé disposait, pour contester la décision de l'inspectrice du travail, d'un délai de deux mois à compter de la décision implicite de la ministre du travail.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIÉS PROTÉGÉS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - OPPOSABILITÉ DES DÉLAIS DE RECOURS CONTRE UNE DÉCISION EN MATIÈRE D'AUTORISATION DE LICENCIEMENT D'UN SALARIÉ PROTÉGÉ - 1) CONDITION - MENTION DES VOIES ET DÉLAIS DE RECOURS - Y COMPRIS S'AGISSANT DE LA DÉCISION PRISE SUR RECOURS HIÉRARCHIQUE [RJ1] - 2) APPLICATION - DÉCISION IMPLICITE DU MINISTRE DU TRAVAIL PRISE À LA SUITE DE L'EXERCICE D'UN RECOURS HIÉRARCHIQUE - OPPOSABILITÉ EN L'ESPÈCE - L'ACCUSÉ DE RÉCEPTION DU RECOURS HIÉRARCHIQUE DU SALARIÉ PROTÉGÉ MENTIONNANT LES VOIES ET DÉLAIS DE RECOURS.

66-07-01-05 1) Il résulte des dispositions des articles R. 411-1, R. 421-1, du premier alinéa de l'article R. 421-2 du code de justice administrative (CJA), de l'article R. 2422-1 du code du travail, du premier alinéa de l'article 18, des premier, troisième et quatrième alinéas de l'article 19 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, du dernier alinéa de l'article 1er du décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 et de l'article R. 421-5 du CJA que les délais de recours contre une décision administrative prise en matière d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, soit dans sa notification si la décision est expresse, soit dans l'accusé de réception de la demande l'ayant fait naître si elle est implicite. Il en va ainsi alors même que la décision du ministre du travail, prise à la suite de l'exercice d'un recours hiérarchique qui n'est pas un préalable obligatoire au recours contentieux, ne se substitue pas à la décision de l'inspecteur du travail qui a fait l'objet de ce recours.... ,,2) Dès lors que l'accusé de réception du recours hiérarchique du salarié protégé répondait aux conditions exposées au point précédent, l'intéressé disposait, pour contester la décision de l'inspectrice du travail, d'un délai de deux mois à compter de la décision implicite de la ministre du travail.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 7 décembre 2015, M. Felouki, n° 387872, T. pp. 796-902.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 déc. 2019, n° 415470
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Yaël Treille
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:415470.20191202
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award