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15/11/2019 | FRANCE | N°422910

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 15 novembre 2019, 422910


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé à la commission départementale d'aide sociale du Nord d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 20 354,05 euros émis le 13 novembre 2012 à son encontre par le président du conseil général du Nord pour la récupération d'un indu de revenu minimum d'insertion au titre de la période d'octobre 2004 à février 2009. Par une décision avant-dire droit du 6 octobre 2015, la commission départementale d'aide sociale du Nord a ordonné une expertise.

Par une décision n° 160068 du 14 février 2018, la Commission centrale

d'aide sociale a rejeté l'appel formé par M. A... contre cette décision.

Par u...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé à la commission départementale d'aide sociale du Nord d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 20 354,05 euros émis le 13 novembre 2012 à son encontre par le président du conseil général du Nord pour la récupération d'un indu de revenu minimum d'insertion au titre de la période d'octobre 2004 à février 2009. Par une décision avant-dire droit du 6 octobre 2015, la commission départementale d'aide sociale du Nord a ordonné une expertise.

Par une décision n° 160068 du 14 février 2018, la Commission centrale d'aide sociale a rejeté l'appel formé par M. A... contre cette décision.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 août et 5 novembre 2018 et le 17 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision de la Commission centrale d'aide sociale ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du département du Nord la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a bénéficié du revenu minimum d'insertion à compter du 1er octobre 2003. A la suite d'un contrôle, la caisse d'allocations familiales du Nord lui a fait connaître, par un courrier du 12 octobre 2009, sa décision de récupérer la somme de 20 354,05 d'indu de revenu minimum d'insertion au titre de la période du 1er octobre 2004 au 1er février 2009. Le 13 novembre 2012, le président du conseil général a émis un titre exécutoire aux fins de recouvrement de cette créance. Par une décision du 6 octobre 2015, la commission départementale d'aide sociale du Nord a sursis à statuer sur le recours de M. A... contre ce titre exécutoire et ordonné une expertise de la comptabilité de la société civile immobilière détenue par l'intéressé. M. A... a relevé appel de cette décision en faisant valoir, notamment, que la commission départementale aurait dû préalablement statuer sur l'exception de prescription et sur la régularité du titre exécutoire, ce qui l'aurait conduite à constater l'inutilité de l'expertise. Par une décision du 14 février 2018, contre laquelle M. A... se pourvoit en cassation, la Commission centrale d'aide sociale a rejeté son appel contre cette décision.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. D'une part, les créances relatives au revenu minimum d'insertion ont le caractère de créances administratives. D'autre part, un titre exécutoire n'est pas un acte de poursuite et le recours tendant à son annulation, pour des motifs tenant tant à sa régularité qu'à son bien-fondé, ne met pas en cause la régularité d'un acte de poursuite, dont le juge judiciaire serait seul compétent pour connaître. Par suite, le département du Nord n'est pas fondé à soutenir que la juridiction administrative n'avait pas compétence pour connaître de la contestation de M. A... en tant qu'elle mettait en cause la régularité du titre exécutoire du 13 novembre 2012.

Sur le bien-fondé de la décision de la Commission centrale d'aide sociale :

3. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Il en résulte que les règles de prescription prévues par cette loi visent les créances dont sont débiteurs l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics dotés d'un comptable public mais ne sont pas applicables aux créances dont une personne privée est débitrice, quel qu'en soit le créancier. Dès lors, en retenant que la loi du 31 décembre 1968 était applicable au litige, portant sur la récupération auprès de M. A... d'un indu d'allocation de revenu minimum d'insertion, la Commission centrale d'aide sociale a commis une erreur de droit.

4. Le requérant qui relève appel d'un jugement avant-dire droit se bornant à prescrire une expertise est recevable à contester tant l'utilité de cette expertise que les motifs du jugement qui constituent le soutien nécessaire du dispositif ordonnant cette mesure d'instruction. Par suite, il appartenait à la Commission centrale d'aide sociale de se prononcer sur le bien-fondé des moyens par lesquels M. A... faisait valoir, à l'appui de son appel, que l'expertise ordonnée par la commission départementale d'aide sociale du Nord était inutile et le département du Nord n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que sa décision ne pourrait être utilement critiquée en tant qu'elle rejette l'exception de prescription du seul fait que la commission départementale ne s'était pas prononcée sur ce point.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision de la Commission centrale d'aide sociale qu'il attaque.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Nord la somme que M. A... demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la Commission centrale d'aide sociale du 14 février 2018 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au département du Nord.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 422910
Date de la décision : 15/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 nov. 2019, n° 422910
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arnaud Skzryerbak
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:422910.20191115
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